ARTICLE
Mini-dossier : la saga Resident Evil
Resident Evil 7 alias Alone in the Redneck Rampage (2017)
Il y a deux types de gens, ceux qui font une erreur et s’acharnent, et puis ceux qui apprennent de leurs erreurs, comme Capcom. Resident Evil 6 poussait à l’extrême la recette de RE4 en oubliant un fait important, à savoir que tout dynamique et violent qu’il était, RE4 conservait malgré tout la recette du survival. RE6, lui, était une simulation de tir au pigeon avec les munitions infinies et des montagnes russes à chaque coin de rue. Dans une certaine mesure, c’était un Modern Warfare et non plus un Resident Evil. Et ce qui devait arriver arriva : les critiques médiocres et les ventes décevantes (oui, être la troisième meilleure vente du studio, c’est apparemment une déception) ont poussé Capcom à revoir sa copie.
RE7, dans ses premiers prototypes, devait être plus centré action, comme son prédécesseur. C’est Jun Takeuchi, producteur de RE5 et habitué de la série, qui va remettre les pendules à l’heure : il demandera aux producteurs du jeu de se débarrasser du superflu et de revenir à un côté plus survival. Ça tombe bien, RE6 avait *beaucoup* de superflu. Pour instiller un sentiment de peur maximal, il fut jugé que la vue à la première personne était primordiale. On supposera ici qu’Amnesia et Outlast ont eu une certaine influence, et ce ne serait que justice. Ces derniers ont, après tout, repris le flambeau du survival quand RE a décidé de s’entêter à faire du quasi-shooter bardé de QTE. Mais il se trouve que Masachika Kawata, producteur du jeu, avait trouvé ces jeux frustrants de par leur sentiment d’impuissance. Il voulait un personnage principal capable de répliquer, de se défendre.
C’est donc à ces velléités de développement que l’on doit RE7 sous sa forme finale, que je qualifierai pour faire simple de « Outlast avec des flingues ». Ce résumé sommaire ne doit pas occulter les qualités du jeu, qui est un petit chef-d’œuvre. L’ambiance est maîtrisée, la difficulté correctement dosée, les personnages bien repoussants comme il faut, le tout avec un RE Engine qui fait déjà des prouesses, que ce soit en termes d’éclairage ou de modélisation. Les personnages sont très bien modélisés et les animations faciales participent énormément au réalisme. La direction artistique n’est pas en reste. Les environnements savamment restitués, les personnages au physique crédible (enfin des gens moches dans un RE, bordel !) et le boulot sur la mise en scène et l’atmosphère sont tous dignes de louanges. Les créateurs ont aussi eu l’excellente idée de rendre le lien avec la série ténu, à tel point qu’on croit en premier lieu que le jeu n’a rien à voir avec ses prédécesseurs scénaristiquement. C’était exactement ce qu’il fallait faire : nul besoin de couper les liens pour revigorer une licence, il faut juste lui donner assez de marge pour souffler un coup.
Au final, un très bon jeu, qui ne révolutionne pas le genre comme ont pu le faire RE1 et RE4, mais qui a le bon goût d’hybrider le survival claustrophobique moderne – et surtout de redonner un coup de fouet à la licence RE, qui commençait à sentir méchamment le navet. Un coup de fouet qui sera probant, car il sera confirmé par RE2 Remake trois ans plus tard, un jeu tellement bon qu'on n'a même pas vraiment l'impression de jouer à un remake.
Malgré quelques stagnations, la licence Resident Evil a su surprendre, s'adapter et, peut-être plus important encore, se relever quand c'était nécessaire. Elle compte 3 jeux majeurs et radicalement différents (le 1, le 4 et le 7), ainsi que d'autres opus moins transcendants mais tout aussi excellents. Aujourd'hui, Resident Evil ne révolutionne plus le genre et se contente de fournir de fantastiques variations sur des thèmes connus. Ce n'est pas un mal, nous autres joueurs n'en demandons pas beaucoup plus. Et puis, qui sait, avec le niveau de qualité appliqué à la licence et la marge d'innovation laissée aux producteurs, on n'est pas à l'abri d'une quatrième révolution...