Pandora's Tower
Avec sa chevelure argentée et sa taille de guêpe, Elena aurait dû se méfier : elle a le physique parfait pour une héroïne de JRPG. La voilà donc frappée d’une malédiction qui la transforme petit à petit en monstre gluant. Son jeune amant Aeron veut la sauver, mais pour ça, une seule solution : suivre les indications de la vieille Mavda. Il doit donc se rendre à la Brèche, explorer les Tours en ruines, y tuer les Maîtres, gigantesques monstres qui y résident, et apporter leurs cœurs encore fumants à sa belle pour qu’elle les dévore.
Le Diable s’habille en Mavda
Pandora's Tower, c’est avant tout l’histoire de trois personnages bien différents, mais au character design réussi. En premier lieu Mavda, vieille sorcière fripée qu’on croirait sortie d’un Miyazaki avec son indescriptible chapeau et l’énorme squelette vaguement vivant qu’elle trimballe sur son dos. Avec ses petits rires mesquins et son avidité à vous voir terrasser les Maîtres, vous passerez votre temps à vous demander si elle est vraiment là pour vous aider… Certes, à côté, notre héros blondinet muet et notre héroïne geignarde font dans un premier temps pâle figure. Mais grâce à la précarité de leur amour (due aux transformations intempestives d’Elena, mais aussi au fait que pour la sauver, il doit lui faire manger de la chair alors qu’elle est végétarienne par conviction religieuse), c’est une relation ambivalente, donc intéressante, qui se déroule tout au long du jeu.
D’une manière générale, c’est toute l’ambiance du titre qui est précaire, crépusculaire. Par exemple, les cœurs de Maîtres ne font que ralentir la transformation d’Elena, et le temps vous est compté pour venir à bout d’une Tour. Car si vous tardez trop, ce n’est plus une belle jeune fille, mais un véritable clone de Cthulhu qui vous attendra à l’Observatoire, votre camp de base. Cette précarité est soutenue par différents éléments de gameplay, comme par exemple une jauge représentant l’affection qui vous lie à Elena, et qui se remplit ou se vide selon votre capacité à lui faire des cadeaux ou à lui tenir le bon discours au bon moment. Mais difficile d’offrir un collier à une fille dont le cou est trop gros et trop gluant pour l’enfiler, ou de lui dire qu’elle est jolie quand une heure auparavant on refusait de la toucher par crainte que ses tentacules violettes ne soient contagieuses. Avec ses variantes qui ne dépendent que de vous, comme ses multiples fins par exemple, l’histoire de Pandora’s Tower est tout aussi protéiforme que son héroïne.
L’Aeron qui chevauchera le monde
Mais ça c’est pour l’Observatoire où vous attendront sagement Mavda et Elena. Car, comme tout bon dungeon-rpg qui se respecte, Pandora’s Tower est constitué d’une zone centrale à partir de laquelle Aeron accède à une succession de donjons, les Tours. Et c’est dans ces Tours que se révèle la grande richesse d’un gameplay centré sur la chaîne d’Ovkanos, véritable couteau suisse vidéoludique : si la fonction initiale de la chaîne est d’arracher le cœur des Maîtres, et malgré la présence d’une épée pour vous battre au corps à corps, elle vous servira aussi à battre les ennemis de base, à collecter des items, et progresser dans les donjons en actionnant des éléments de décor. Les possibilités sont multiples, et si dans un premier temps on pense immanquablement à Castlevania, force est de constater que la chaîne permet de faire bien plus de choses que dans le jeu de Konami, comme par exemple d’agripper des ennemis pour s’en servir de projectiles. On notera au passage la très bonne utilisation des particularités de la Wii, avec un pointeur précis, des utilisations basiques mais ludiques du Nunchuk et de la Wiimote, et plus globalement des contrôles très intuitifs.
Le principe général des donjons est assez simple, et reste le même tout au long du jeu : le Maître se trouve enfermé dans une pièce barrée par deux chaînes colossales. Il faut trouver les deux salles où ces chaînes prennent leurs points d’attache pour les détruire et libérer l’accès au boss. Chaque boss a un pattern unique utilisant les capacités de la chaîne, et si certains sont d’une affligeante simplicité, la plupart sont très bien pensés. La progression dans les donjons est une succession de combats et de phases de plate-forme, utilisant à chaque fois la chaîne. Si on ne peut que regretter la gestion automatique des caméras qui génère quelques angles morts, les environnements assez étroits, et le level design pas trop compliqué, les développeurs ont su renouveler le plaisir par petites touches tout au long de l’aventure, notamment avec des mini-boss ou des énigmes. Simple, mais bien fait et donc diablement efficace. En revanche, soyez prévenus : la rapidité de la transformation d’Elena vous obligera à faire des allers-retours entre l’Observatoire et les donjons, afin d’éviter le Game Over. Si vous étiez allergiques aux limites de temps dans Majora’s Mask ou Pikmin, ou aux incessants trajets des Metroid, vous risquez de pester contre Pandora's Tower.
Requiem for a Wii
Techniquement, le jeu ne fait pas cracher ses tripes à la Wii, pour assurer une fluidité indispensable à la bonne tenue des combats. On se coltine donc une caméra automatique assez éloignée pour cacher les textures plutôt baveuses, des effets de lumières assez limités, et des environnements ni très grands ni très ouverts. Même les skins des monstres, exception faite des Maîtres, sont redondants. Pourtant, le jeu dégage un charme indéniable, grâce à quelques idées toutes simples comme par exemple les variations de tonalités selon l’heure et le degré de transformation d’Elena, les transformations de l’Observatoire selon le déroulé du scénario, ou encore les nettes différences de décors entre les différentes Tours. Cerise sur le gâteau, le jeu se permet quelques cinématiques de très bonne qualité visuelle, et très bien mises en scène, ainsi que de fort jolies cutscenes dessinées à la main.
Et si l’absence des voix japonaises se fait douloureusement ressentir quand on entend les doublages anglais catastrophiques, la bande-son est quant à elle d’un très bon niveau, malgré quelques redondances. En n’hésitant pas à mélanger des compositions originales et des remix de grands classiques du classique, comme le Dies Irae du Requiem de Verdi qui fait plus ou moins office de thème principal, Pandora's Tower accouche d’un univers sonore bouffi, abusant des orgues, des chœurs, et de l’accord du diable (quinte diminuée). Mais puisqu’il est question de monstres, de malédiction, et de jeune vierge difforme accomplissant un rituel ancestral pour retrouver son humanité, ça colle parfaitement à l’ambiance.