TEST
Wanderstop, Burnout Thékedown

Développeur / Editeur : Annapurna Interactive Ivy Road
Je pense qu’une campagne marketing a rarement été aussi mal interprétée que celle de Wanderstop. Dès le premier trailer, tout le monde s’est imaginé que ce jeu cosy de fabrication de thé cachait forcément de gros twists et des discours méta, car il s'agit tout de même du retour aux affaires de Davey Wreden, auteur de The Stanley Parable. Cette histoire de guerrière subissant un épuisement professionnel et s’arrêtant pour faire du thé n’est forcément qu’un prétexte voué à être déconstruit ! Mais plus nous avançons dans le jeu et plus nous nous rendons à l'évidence : et si le twist, c’était qu’il n’y avait pas de twist ?
Wanderstop nous fait incarner Alta, guerrière en burnout se retrouvant à travailler dans le salon de thé de Boro après que celui-ci l’a retrouvée évanouie dans la forêt magique des environs. La boucle est assez simple : un personnage truculent débarque, vous raconte un peu sa vie et vous demande un thé avec une certaine saveur. À vous ensuite de récolter les feuilles idoines, les torréfier, faire pousser la ou les plantes selon le manuel puis préparer la boisson désirée grâce à la machine à thé. Rien de tout cela n'est étouffant et le jeu fractionne plutôt bien les tâches pour que leur enchaînement reste naturel. Tout est agréable, les sensations sont satisfaisantes et il y a assez peu de friction. Un bouquin dévoilant la marche à suivre est même à disposition si jamais vous bloquez sur la petite enigme que constitue l'ultime demande d'un des clients. La musique de C418 complète à merveille le tableau, proposant une partition variée et joueuse. Je déplorerai juste la gestion de l'inventaire à laquelle je ne me suis jamais vraiment habitué mais c'est peut-être juste moi qui suis un peu maladroit. Techniquement, c'est de plus très propre, à part pour un personnage faisant une référence involontaire au prochain jeu du créateur de Katamary Damacy, et le titre tourne à merveille sur Steam Deck.

Prenez votre carte à la CGThé
Les autres tâches (balayer, boire du thé, décorer) sont optionnelles, le scénario se déroule et nous découvrons le processus de guérison d’Alta. Davey Wreden ne débarque pas en FMV au milieu du salon de thé, le décor ne se dérobe pas sous nos pieds pour nous faire arpenter des décors du moteur Source. Le jeu est néanmoins chapitré et les seules bizarreries apparaîtront lors d'un passage de personnages bien particuliers et éventuellement dans la gestion des succès. En effet, des achievements aux descriptions assez sibyllines sont apparus sans raison particulière lors de ma partie. Est-ce là un bug ou une intention ? À ce stade, je ne peux vraiment le dire.La gestion du salon de thé vous occupera donc la majorité du temps, même si le jeu s'amuse à présenter de nouvelles mécaniques qui souvent ne sont pas ou peu utilisées, soit parce le personnage la présentant disparaît, soit parce qu'Alta s'en sent incapable. C'est ici, je pense, qu'est la beauté du jeu car nous sommes face à un titre décrivant très clairement le processus d’une psychanalyse après un burnout. Aussi, il est logique que Wanderstop tourne autour de l'exploration des traumas et de leur mise en scène. Le récit des personnages secondaires sert soit de pistes de réflexion, soit d'exemple à éviter, le tout sous le regard bienveillant de Boro, le psy marchand de thé.

Cette métaphore évite ce que je craignais en me lançant dans le jeu : qu'il soit là pour nous dire de lâcher prise en faisant une gentille petite activité afin de se reposer pour repartir ensuite comme en quarante, à l'instar du premier bouquin de développement personnel d'aire d'autoroute venu. Non, le titre se concentre uniquement sur le processus de guérison, ce qui lui fait néanmoins mettre de côté les raisons structurelles et politiques de la maladie comme l'épuisement professionnel, et en parle pour la décrire en profondeur. Ce n'est finalement pas si commun qu'un jeu vidéo nous dise "Va voir un psy !" plutôt que des âneries comme "Dépasse-toi ! Avec le pouvoir de la volonté, tu peux sauver le monde !".
Comme c'est touchiant
J'ai fait un burnout et j'ai pu le restreindre à une forme légère car je suis allé vite consulter sous l’insistance de mes proches. J'ai pu prendre du recul et m'éviter de totalement sombrer, à l'image d'Alta au début du jeu. L'important est d'arriver à écouter celles et ceux qui veulent vous aider, comme ce cher Boro, et de se retrouver dans l'équivalent de la clairière de Wanderstop. Je suis heureux que ce titre prenne le sujet à bras le corps et complète finalement plutôt bien la trilogie de Davey Wreden, tout en étant finalement plus sincère qu’un The Beginner’s Guide, car moins ampoulé.Alors, que demander de plus ? Peut-être le jeu manque-t-il d'un petit truc mémorable. Malgré toute l'intelligence dont il fait preuve et les thèmes qu'il developpe, je sais qu'il ne me restera pas en tête très longtemps. Peut-être lui faudrait-il un petit climax narratif, une préparation de thé un peu marathon, ce que Wanderstop tente plusieurs fois sans vraiment aller au bout. Peut-être que son contexte de fantasie (même si le jeu s'en écarte) et son côté propret ne me permettent pas de pleinement m'identifier à l'histoire d'Alta. Par contre, j'ai été heureux de voir que le jeu ne cède pas à la facilité du fameux gros twist car cela aurait été contre son propos. Une analyse n'est pas un renversement de table mais bien un processus demandant du temps et de la patience.
Après, c'est peut-être parfaitement intentionel. Comme dit plus haut, le studio Ivy Road ne veut pas raconter une grande histoire mais bien une histoire intime, presque banale. Il est parfaitement possible de s'ennuyer dans Wanderstop : ses créateurs veulent laisser sa tranquillité au jeu et ma hâte de le finir pour en faire le test contredit la volonté de laisser le joueur ou la joueuse prendre son temps (le guide de test mentionne d’ailleurs cette contradiction). Se précipiter, c'est aussi prendre le risque de se planter, d'oublier un ingrédient et de devoir se retaper toute la préparation du thé depuis le début. Si les demandes sont souvent parfaitement claires, il y a quelques pièges à éviter, comme savoir faire la différence entre de l'eau chaude et de l'eau bouillante.
Curieux jeu que Wanderstop. En dépit des promesses que les gens se sont inventées, il s’agit d’un récit assez simple mais bien écrit et juste sur ce qu’il décrit. Il n’existe que pour raconter un processus thérapeutique et ne nécessite pas d'effets de manches de petit malin. Cela ne l'empêche pas de distiller des formes de surprises plus subtiles et, si vous accrochez (vous pouvez tester la démo), je vous conseille de prendre votre temps car son rythme et sa répétitivité obligent à ne pas se dépêcher pour en profiter. Si jamais ce n’est pas votre came, je vous donne rendez-vous pour mon prochain test, un jeu d’une franchise hystérique qui peut-être ferait bien de se poser un peu et boire du thé parce que là, cette histoire de pirate yakuza, ça devient vraiment n’importe quoi.
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