Journey
Journey est l'exemple parfait du jeu impossible à décrire ni même à évaluer objectivement. C'est pourquoi on pourrait faire court, arrêter là ce test en vous disant "si vous avez, ou pensez avoir, un minimum de sensibilité, allez lâcher vos 13€ sur le PSN, vous ne le regretterez pas, parole de scout".
Après, on peut aussi essayer de détailler un peu chaque élément du jeu, et vous allez vous rendre compte que ce n'est pas évident. Par exemple, le scénario : "c'est un mec encapuchonné qui va traverser le désert pour gravir une montagne et à un moment il est rejoint par un deuxième mec encapuchonné et ils vont faire la route ensemble, ou pas". Pas très vendeur, hein ? Pourtant, techniquement, c'est ça le point de départ de Journey. Pas de longues cinématiques verbeuses, pas de longs monologues explicatifs : il faudra presque vous raconter votre propre histoire à partir des quelques éléments distillés au cours du périple.
Le gameplay est encore plus flou. Il y a de la plateforme, de la glisse, de l'infiltration, de la résolution d'énigmes... N'espérez pas retrouver du Mario, du SSX, du Metal Gear Solid ou du Myst : tout cela reste complètement embryonnaire, puisque l'on se contente finalement d'avancer pour traverser les niveaux, chacun proposant un élément de gameplay qui lui sera propre. Aucune indication n'est donnée sur ce qu'il faut faire pour avancer et pourtant tout est complètement instinctif. On dispose également d'une "barre d'énergie", que l'on pourra remplir ou même en augmenter la capacité maximale en ramassant certains objets dans les niveaux, et qui sera utilisée pour voler ; voler et jouer une note de musique seront d'ailleurs les seules actions possibles.
Parlons enfin de technique. Journey est beau. Journey donnera des orgasmes à vos yeux. Mais encore une fois, si on nous demandait pourquoi, on serait bien incapable de l'expliquer. Techniquement, à part la jolie gestion des mouvements du sable, il n'y a rien de bluffant. Chaque niveau possède une couleur dominante (rose, orange, bleu-vert, ou même blanc) déclinée au gré des zones d'ombre et de lumière. À part ça, pas d'animations de folie, pas de shaders à la pointe de la technologie, pas de déluges de polygones : juste une direction artistique sublime et maitrisée de bout en bout. Allez, histoire de chipoter, on va dire qu'on aurait aimé que le jeu tourne en 1080p. Foutue PS3 en carton. Une salve d'applaudissements également pour la superbe musique jamais envahissante.
Voilà comment on peut évaluer "objectivement" Journey. Mais Journey ne peut être décrit, évalué, noté de la sorte. Journey est, comme son nom l'indique, un voyage. Et un voyage, comme vous avez pu vous en rendre compte lors d'interminables soirées diapos d'amis revenant du bout du monde, ça ne se raconte pas : ça se vit. Oubliez donc tout ce que vous avez pu lire ou entendre à son sujet, oubliez vos a prioris "ouais, encore un jeu bobo-branlette, très peu pour moi" : allez donner vos petits sous à Sony et partez pour un voyage certes court (deux heures à tout casser, mais rien ne vous empêche de le recommencer, bien au contraire) mais ô combien inoubliable, la preuve éclatante que oui, le jeu vidéo peut transmettre des émotions très fortes, mais que non, il n'y a pas forcément besoin de filles à poil et en pleurs pour cela.