Evoland
Il était une fois...
Pour répondre au thème de l’évolution imposé par le Ludum Dare, Shiro Games avait eu l’idée simple mais efficace de proposer un voyage à travers l’histoire des RPG et des jeux d’aventure en 2D. Evoland Classic commençait en noir et blanc, sans son et avec un scrolling vomitif, avant d’évoluer progressivement vers un rendu similaire à des jeux 32 bits, comme Legend of Zelda : A Link to the Past ou Final Fantasy VI, au fur et à mesure que le joueur ouvrait les coffres sur son chemin. En parallèle, les features indispensables (armes, sauvegardes, vie…) apparaissaient au fur et à mesure. Cette version finale d’Evoland emprunte exactement la même route. Certes, il est plus long, plus varié, ajoute des choses, en enlève d’autres, et pousse l’évolution jusqu’à une 3D isométrique en décors précalculés, mais le principe général reste exactement le même. Une histoire un peu plus touffue a également été ajoutée, et accrochez-vous à vos slips parce qu’elle est ébouriffante d’originalité.
Dans le monde d’Evolandia, le Mal a ressurgi. Clink, le héros, est membre de l’Ordre des Chevaliers Dragon, dont le but est de parcourir le monde pour aider les gens. C’est donc à lui que revient l’honneur de trouver la source du Mal et de rétablir la paix. En chemin, il rencontrera une jeune fille nommée Kaeris, explorera des donjons, battra des monstres, récupérera des morceaux d’objets sacrés… En bref, un vrai melting pot des scénarios des RPG et des jeux d’aventure d’autref… Non, juste des RPG et des jeux d’aventure, en fait. Car si Evoland prend un malin plaisir à reprendre les clichés de ses références pour s’en moquer gentiment par un humour et une autodérision omniprésents, il en profite au passage pour rappeler qu’en termes de scénarios et d’univers, les Zelda, Final Fantasy et assimilés n’ont pas beaucoup évolué depuis 20 ans, et qu’ils sont eux-mêmes dans l’autoréférence permanente.
Final fantaisiste
Evoland, lui, connaît une croissance accélérée. Peu de temps s’écoule entre le début du jeu, où votre espace se résume à une fine bande en noir et blanc, et sa forme « finale » dans une 3D isométrique aux décors précalculés qui rappellera à la fois les remakes des premiers Final Fantasy sur DS et les épisodes sur Playstation (le IX en particulier). Mais Final Fantasy est loin d’être la seule source d’inspiration : au fil de l’aventure, que ce soit visuellement ou en terme de gameplay, Evoland puise dans la ludothèque des anciennes consoles Sonyntendo, et oscille entre un Zelda (que ce soit les épisodes 2D ou les épisodes DS), un Diablo, un Dragon Quest, ou encore un Sword of Mana. D’autres références plus ou moins informelles viennent s’ajouter à la liste, dans les noms des personnages, des ennemis et des lieux, ainsi que dans les achievements, et on vous laissera le plaisir de la découverte.
Une fois le jeu dans sa forme finale, on passe donc d’une carte du monde avec des combats au tour par tour à des zones de jeu proposant des variantes d’action RPG. Ce qui, sur le plan du gameplay comme sur le plan visuel, est un petit peu déroutant. Pour faire passer la pilule, Shiro Games mise sur un humour qui fait souvent mouche. Les items récupérés lors de la partie Diablo sont tous plus débiles les uns que les autres, les achievements s’accompagnent de commentaires aussi acides que pertinents, les easter eggs sont nombreux et bien placés, bref il est rare de ne pas sourire quand on joue à Evoland. On ajoutera également un environnement sonore bien réalisé, qui puise évidemment son inspiration dans les grands classiques du RPG, pour les musiques comme pour les bruitages. Petit bémol, les boucles sont un peu courtes, et les musiques pourront vous lasser à la longue.
Court-bouillon
Enfin, à la longue, c’est vite dit. Car pour boucler Evoland, il faut compter une poignée d’heures. Disons un peu moins de 3 heures pour un joueur normal qui ne se pencherait pas sur le contenu annexe, de toute façon trop rare et qui se limite à des coffres cachés, un jeu de cartes face à un PNJ et quelques bonus. Et 5-6 heures grand maximum si vous voulez tout dénicher, ou si vous êtes comme moi et que votre état de fatigue et votre manque de skill vous font piocher sur un ou deux passages vaguement délicats. A cause des commandes au clavier un peu rigides (les puristes devront utiliser un logiciel de mappage pour utiliser une manette) et du système de sauvegarde par checkpoints, j’ai dû recommencer pas mal de fois les passages dans la lave, le boss du cimetière ou le boss final. Mais rien d’insurmontable, et on finit le jeu sans trop de peine, avec néanmoins un drôle d’arrière-goût en bouche.
En effet, une fois Evoland fini se pose une question délicate : où s’arrête le simple hommage et où commence le « vrai » jeu ? Car au milieu de toutes ces références, le jeu peine à se trouver une identité propre. D’autant plus que si l’idée d’un mille-feuille commémoratif est amusante, le résultat manque de consistance. D’une part, on ne fait à chaque fois qu’effleurer les possibilités de gameplay des jeux originaux, par exemple avec les combats à la Final Fantasy pour lesquels on ne dispose pas de points de magie (rendant les soins infinis et les potions inutiles) et dont l’unique coup spécial n’est utile que lors d’une scène scriptée. D’autre part, chaque type de gameplay est lié à une zone particulière et ne se mélangera quasiment pas avec les autres, voire même effacera les précédents, ce qui est assez frustrant. On regrettera en particulier que la zone utilisant les cristaux pour « voyager dans le temps » (c’est-à-dire switcher entre 2D et 3D) soit unique et si courte. Cette simple idée de proposer des puzzles nécessitant de jongler entre les gameplays pour les résoudre enrichit considérablement l’expérience… mais ne représente que quelques minutes du jeu. Dommage, car par contraste avec le reste du jeu très linéaire, cette phase de jeu donne l’impression d’un potentiel inachevé.
Testé à partir d'une version presse fournie par l'éditeur.