TEST
The Gardens Between : L'entregent du jardin
L'amour à sens unique ne fait plus vraiment recette dans les scénarios de jeux vidéo. Il faut dire qu'aller sauver les miches de sa rombière dans le fol espoir d'y glisser son power-up, ce n'est pas très #MeToo-compatible. On a désormais l'occasion d'explorer un plus large spectre de sentiments, et on s'en félicite. C'est ainsi que le dernier titre du studio The Voxel Agents, The Gardens Between, nous dépeint une de ces amitiés franches et sincères qui marquent à tout jamais l'enfance.
On ne peut pas vraiment vous en vouloir si le nom de The Voxel Agents ne vous dit pas grand chose. Le développeur s'était en effet pour l'instant plutôt spécialisé dans le jeu mobile facile d'accès, il signe avec The Gardens Between son premier titre d'envergure. Encore qu'il faille tout de suite modérer ce qualificatif : certes il s'agit d'un jeu sorti conjointement sur Steam, Switch et PS4 pour un peu moins d'une vingtaine d'euros, mais il reste soumis à un certain confinement, d'ailleurs aussi bien dans sa forme comme dans son fond. Attention, n'y voyez pas forcément un défaut : s'il se contente de proposer une aventure d'un peu plus de deux heures en s'appuyant sur des mécaniques relativement simples, c'est aussi parce que ce format lui convient parfaitement pour nous délivrer son message.
Un voisin pour pallier la solitude
Si on veut comprendre le propos de The Gardens Between, on peut commencer par s'intéresser tout bêtement à son titre. Le jardin dont il est question, c'est une aire de jeu surplombée d'une chouette cabane dans un arbre, le tout situé entre deux maisonnettes. Pas besoin d'un long discours pour le comprendre, il s'agit du petit domaine des deux gosses qui vivent de part et d'autre de ce minuscule havre de paix. Deux voisins donc, liés par une amitié entière que le jeu va nous permettre de toucher du doigt à travers une succession de tableaux. Chaque niveau ressemble à une petite balade dans un souvenir que les deux amis ont en commun. On explore ainsi des sortes de bulles mémorielles figées dans le temps qui sont autant de représentations fantasmées des meilleurs moments qu'ils ont passé ensemble.Concrètement, les niveaux en question mettent toujours en scène les deux amis sur une sorte d'île qu'ils doivent gravir, le but étant d'apporter une lumière à son sommet. L'originalité, c'est qu'on ne contrôle pas directement les deux protagonistes, en tant que joueur on se contente de faire avancer ou reculer le temps et de les contempler pendant qu'ils font leur petit bonhomme de chemin. Parfois, il est possible d'interagir avec un objet du décor, ça va permettre par exemple de révéler une source de lumière, de la confier à une drôle de boîte sautillante ou encore de modifier la temporalité d'un élément indépendamment du reste. C'est sans aucun doute cette dernière fonctionnalité qui est la plus impressionnante, ça revient à donner vie à une partie du décor pendant que le reste est en pause, du coup ça donne lieu à de chouettes effets façon bullet time sectorisé.
La mécanique de l'amitié
Le dispositif a beau être ultra simpliste, les petites mains de The Voxel Agents ont tout de même réussi à le tordre dans tous les sens pour nous pondre de véritables puzzles. Il faudra par exemple parfois utiliser la lumière pour dissiper des brumes coupant le passage, parfois au contraire se débarrasser de la source lumineuse parce que cette même fumée doit servir de plate-forme. De la même façon, quand on fait bouger juste certains éléments du tableau, il faut parfois tenir une position bien précise un certain laps de temps pour qu'il se produise une réaction, voire même utiliser le même élément de plusieurs façons différentes tout au long du niveau. Ce n'est jamais bien compliqué, mais il y a assez peu de redites et finalement chaque nouvelle énigme se présente comme une petite surprise qui maintient notre attention en éveil.Avec sa DA choupinette, ses musiques tranquillou et ses puzzles pas trop stressants, on aurait pu croire que The Gardens Between se résumait à un nouveau jeu bien zen mais vite oublié, du genre économiseur d'écran interactif destiné uniquement à calmer les nerfs. Certes, les sessions de jeu (voire l'unique si vous le traversez d'une traite) devraient se traduire par un adoucissement notable de votre rythme cardiaque, mais ce n'est pas tout. Il s'agit en effet de l'un de ces jeux dont le gameplay est en adéquation profonde avec le propos. En l’occurrence c'est la complémentarité des deux enfants qui saute aux yeux, l'un se chargeant toujours du transport de la lumière quand le second actionne les différents mécanisme. Un peu comme dans un Brothers : A Tale of Two sons, ce sont les mécaniques de jeu qui viennent souligner l'attachement des personnages l'un envers l'autre. De même, la modification de l'écoulement du temps n'est pas un simple gimmick, c'est véritablement une façon de nous faire ressentir ces saynètes comme des souvenirs. La nostalgie évoquée dans le jeu n'est pas seulement montrée de manière extérieure et froide, on nous donne les moyens de l'expérimenter. C'est finalement la plus grande réussite de The Gardens Between : non seulement nous faire pénétrer dans ses petites bulles mémorielles, mais aussi nous pousser sans crier à y apporter et à y projeter nos propres souvenirs d'enfance.
The Gardens Between est un petit jeu précieux et entier. Il ne déborde ni de contenu, ni d'extravagances, mais il retranscrit à merveille ce sentiment qui nous a peut-être tous traversé un jour ou l'autre, celui de la nostalgie d'une amitié d'enfance perdue.