TEST
Starlink : Combler le fossé générationnel à l'aide de ses troubles dissociatifs
Ne faites pas semblant, vous avez forcément remarqué qu'un truc louche allait nous tomber sur le coin du nez. On fait pendouiller d'étranges signalisations lumineuses dans les rues, les portraits représentant un gros barbu joufflu se multiplient un peu partout... Ce n'est pas la fin du monde qui approche, c'est pire, il s'agit de Noël et c'est le moment ou jamais de trouver des idées de cadeaux. Pour les adultes c'est vite vu, on a toujours l'option chocolats ou alcool bon marché histoire de pourrir les foies de nos proches, mais pour les enfants, c'est une autre paire de manches. Ça tombe bien, cette année Ubisoft a tenté de nous ressortir la carte du jouet-vidéo avec Starlink : Battle for Atlas, du coup c'est peut-être le moment ou jamais de se demander ce qu'il vaut.
On va commencer par mettre les pieds dans le plat : non, Starlink ne se destine pas à un public adulte en premier lieu. Le juger comme tel paraît aussi pertinent que de tenter de refourguer des bibles à des spectateurs de peep-show. Donc si tu as la trentaine, qu'un des tes murs est entièrement tapissé de figurines Funko Pop encore dans leur boîte, sache que l'article qui suit n'est pas pour toi. Le seul conseil que je peux te donner c'est d'aller vérifier par toi-même si la qualité des vaisseaux de Starlink te convient ou non (perso je les trouve classes) et s'ils prendront bien la lumière dans la vitrine que tu leur réserves, mais je ne peux pas vraiment t'être d'une plus grande aide. Par contre, même si je suis moi-même un peu trop proche de la date de péremption, je peux essayer de tricher sur mon âge en convoquant l'enfant de neuf ans que j'ai été et qui doit bien être encore quelque part dans tout mon fatras psychique. L'idée n'est pas tout à fait originale, j'ai lu un article qui utilisait le procédé pour chroniquer un comics (j'aurai adoré vous linker le papier, mais je ne le retrouve plus, si vous savez de quoi il s'agit n'hésitez pas à le mettre dans les commentaires). Si son moi du passé peut donner un avis sur une BD, il n'y a pas de raison que ça ne marche pas avec un jeu vidéo.miniblob, sautant à cloche-pied autour d'un cierge et tenant fermement un bâton d’encens dans chaque main : Je t'invoque, ô toi, souvenir de mon enfance, réminiscence de mon insouciance, qui sommeille quelque part au fond de moi.
Alexis apparaît, il a 9 ans, semble flotter dans son gros pull en laine et dans son pantalon en velours côtelé : Je savais bien qu'à cinquante ans je finirai comme un vieil ermite ringard et un peu cinglé...
m : Doucement mon petit ! Déjà je n'ai même pas la quarantaine, et si je t'ai appelé c'est parce que je suis en train d'écrire un article sur un jeu vidéo et que j'aimerai bien avoir ton avis.
A : Trop cool ! Dans le futur on passe ses journées à jouer à des jeux vidéo ? C'est pour ça que j'utilise un nom bizarre ?
m : Heu non, en général tu passes plus de temps à faire la bouffe et le ménage, et tu es à peu près la seule personne à utiliser un pseudo aussi ridicule... Bref, mais si j'ai besoin de toi c'est parce qu'un jeu un peu spécial est sorti : ça mélange un jeu vidéo où on dirige des vaisseaux spatiaux à travers tout un système solaire, et des jouets qui représentent les engins en question qu'on peut brancher à la manette pour les voir débarquer dans ta télé.
A : Whoua ! Ça a l'air chouette ! Du coup c'est un truc tout nouveau ?
m : Pas vraiment, en fait ça a déjà un nom, on parle en général de « jouet-vidéo », et ça a explosé il y a quelques années avec un jeu qui s'appelle Skylanders. Ça a été un carton, il y en a eu d'autres qui ont suivi, mais la mode semble s'être un peu tassée ces derniers temps. Là c'est un éditeur qui s'appelle Ubisoft qui essaie de relancer le truc avec une formule un peu différente. Tu veux bien essayer ? On m'a donné une version avec le vaisseau de base qui marche sur une console qu'on appelle la PS4, mais j'ai aussi acheté un petit kit supplémentaire qui comprend un vaisseau de plus, un nouveau perso et une autre arme.
A : Mais je n'y ai jamais touché moi à ta machine ! Comment ça marche d'abord ? Tu crois que je vais y arriver ?
m : C'est justement la première question que je me posais. Tu vois le jeu est livré avec cet espèce de socle que tu clippes sur ta manette et que tu branches à ta console. Là dessus tu commences par mettre le pilote que tu veux utiliser, puis par-dessus le vaisseau, et enfin sur le côté de la figurine tu peux monter et démonter les ailes et les armes. Par exemple, quand tu enlèves une arme pour en mettre une autre sur le jouet, ça va mettre l'action en pause et changer directement ton équipement dans le jeu.
A : Du coup, il faut forcément avoir tout ça sous la main pour jouer ?
m : Non, tu peux toujours utiliser le pack de base sans rien brancher, c'est le mode numérique. Et pour les suppléments que tu as achetés, une fois que tu les as branchés ils sont aussi débloqués pendant quelques jours.
A : Cool, ça veut dire que si un pote passe à la maison avec un vaisseau, tu peux l'utiliser même quand il est reparti ?
m : C'est justement l'idée ! Après tu peux aussi choisir de te passer complètement des jouets en achetant une version dématérialisée...
A : Genre, comme une version fantôme ?
m : Non, ça veut dire que tu télécharges le jeu au lieu d'aller l'acheter dans un magasin. Tu sais, un peu comme quand tu récupères des jeux sur le Minitel avec papa. Bon, dans ce cas là, tu n'as pas besoin des figurines et tu te contentes de payer pour le contenu que tu as choisi.
A : Mais c'est quoi l'intérêt de ne pas avoir les vaisseaux ?
m : Ça coûte juste moins cher... Bon, pas la peine de faire ces gros yeux, je sais bien que tu t'en fous, mais tu verras un jour il faudra bien que tu fasses attention à tes dépenses. Bref, en attendant ça te dit de venir jouer avec moi ?
m : Bon, aller, lâche la manette deux secondes, maintenant tu dois pouvoir me donner un avis non ?
A : Ok ! Il lâche la manette mais il repart en courant avec les deux vaisseaux. Quand il revient, c'est pour faire mine de tirer sur son vieux lui-même. Psiouuuu, psiouuuu !
m : Au moins les figurines ont l'air de te plaire...
A : Elles sont trop classes ! Je pourrai les ramener ?
m : Heuuuuu... je ne crois pas que tu sois vraiment en train de faire un voyage temporel, donc normalement... Mais je te l'accorde, c'est vrai qu'elles sont chouettes, en plus chaque vaisseau a vraiment un look à lui. Par contre c'est un peu lourd sur la manette à la longue, tu ne trouves pas ?
A : En fait, je jouais avec la manette posée sur les genoux, donc ça allait. Par contre c'est vrai que c'est un peu encombrant. Je me suis senti tout léger quand on a joué à deux et que c'était toi qui l'avait sur le pad...
m : Holà, tu mets la charrue avant les bœufs, mais vu que tu es parti tu peux me dire ce que tu as pensé de ce mode deux joueurs en local.
A : On n'était pas dans un local, c'était ton salon ! J'ai trouvé ça bien cool, même si le deuxième joueur peut pas trop s'éloigner de celui qui fait le chef. Dès qu'on s'écartait un peu trop, paf j'étais téléporté vers toi. Ça a aussi ses bons côtés, c'est pratique pour apprendre à bouger son vaisseau parce que tu es téléporté comme ça tu vas directement dans la même direction que ton copain. Et puis j'ai bien vu que même quand ça tirait dans tous les coins, tu me sauvais les miches sans trop galérer. J'ai pas trop stressé comme ça.
m : Tu crois que tu pourrais me raconter un peu l'histoire ou ce que tu en as retenu ?
A : Ben on est une équipe, Atlas, qui se balade dans l'espace pour faire je sais plus trop quoi, on tombe sur des méchants qui nous piquent notre chef, un vieux scientifique, et nous on essaie de le récupérer. C'est ça non ?
m : Oui, oui, en gros... Tu ne trouves pas que c'est un peu naze comme scénario ?
A : Bof, je m'en fous. Le seul truc, c'est que j'ai pas toujours compris quand le mec blond il parlait, il disait des trucs supers chelous
m : C'est censé être une sorte de célébrité des réseaux sociaux, d'ailleurs il est doublé par un Youtubeur assez connu... Le gosse fait une moue dubitative. Bon laisse tomber, dis-toi que c'est un truc que les enfants d'avant ne peuvent pas comprendre mais que ceux d'aujourd'hui saisissent sans soucis. Ça t'a pas trop de posé de problème, ce genre de dialogues ?
A : En fait, je regardais pas toujours quand ça parlait, moi ce que j'aimais bien c'était me balader avec mon vaisseau. Les sept planètes sont super belles et vraiment différentes, tu peux te promener dessus comme tu veux et quand tu en as marre tu décolles et pouf, tu te retrouves dans l'espace. C'est géant !
m : D'ailleurs, ça te faisait un peu peur au début mais finalement tu n'as pas mis trop de temps à savoir conduire un vaisseau.
A : Sur les planète c'est facile. Forcément quand tu es en combat c'est un peu le bordel de temps en temps, mais l'engin bouge bien en général. Il y a juste des passages un peu plus galère où le jeu te demande de sauter sur des plates-formes. Le vaisseau glisse un peu, j'en ai un peu chié. Dans l'espace c'est pas la même. Au début je ne savais plus trop où était le haut et le bas.
m : C'est peut-être parce qu'il n'y a pas de haut et de bas dans l'espace, non ?
A : Justement, j'ai mis un moment à m'y faire. Je me cognais partout et j'avais un peu la gerbe. Mais à la fin je crois que c'est rentré, et après j'ai bien aimé faire des batailles où il fallait suivre d'autres vaisseaux pour les canarder. Franchement, y'a des moments j'avais l'impression d'être dans la Guerre des étoiles quand le mec avec la coupe au bol dégomme les méchants autour de la lune noire.
m : Mais globalement tu n'as pas eu l'impression de faire toujours la même chose ? Tu débarques sur une planète, tu aides les gens pour avoir des bases partout, tu repousses les ennemis, tu passes à une autre planète... C'est pas un peu chiant à la longue ?
A : Ben, c'est un jeu vidéo quoi !
m : Nan mais par exemple, tu n'as pas trouvé que les endroits que tu pouvais libérer se ressemblaient tous à la longue ?
A : Pourquoi, à ton époque les bases spatiales sont si différentes d'une planète à l'autre ?
m : Heu, on n'a pas de base spatiale sur d'autres planètes... Mais justement, on pourrait imaginer ce qu'on veut. Et puis quand on débarque quelque part, les gens du coin nous demandent toujours le même genre de trucs.
A : Ouais, en général ils nous demandent de dégommer des méchants. Ça tombe bien, c'est ce qui est rigolo à faire. Et puis tu dis que c'est toujours la même choses mais les paysages sont super différents d'une planète à l'autre, mais ils sont quand même vachement beaux.
m : Donc en gros, la progression ne t'a pas posé de problème ?
A : Tu veux dire la façon dont tu deviens de plus en plus fort ? Si, un peu, en fait. J'ai compris que je prenais des niveaux un peu partout, mais j'ai pas trop vu ce que ça faisait. Et puis je pouvais débloquer des trucs pour mes deux perso mais j'ai un peu fait ça au pif. En plus, si tu n'as pas certains bonhommes, tu ne peux pas faire toutes les améliorations c'est ça ?
m : Oui, mais avec le pack de base tu peux quand même accéder à tout le jeu, il va juste te manquer certaines upgrades un peu accessoires. Et puis, chaque pilote a un pouvoir spécial un peu particulier.
A : Ça j'avais saisi, pour les deux qu'on a, il y a un qui balance une grosse attaque qui défonce tout et l'autre qui peut devenir invisible par exemple. Mais tu vois, dans le jeu on n'arrête pas de récupérer des espèces de rondelles colorées pour mettre sur son vaisseau ou sur les armes. Ok ça peut être super puissant, mais franchement j'ai trouvé ça relou de toujours devoir aller dans le menu pour regarder ce que ça va faire. Un peu ça aurait été bien, mais là t'en choppes tout le temps, au bout d'un moment tu en as marre.
m : Donc, il y a bien des trucs qui ont finit par te lasser ?
A : Si tu veux me faire dire que je me suis emmerdé, tu te plantes ! J'ai juste arrêté de regarder ce genre de trucs toutes les deux secondes. En gros j'ai laissé pisser et de temps en temps j'ai fouillé pour mettre un truc qui tabasse.
m : Au final c'est un jeu que tu aurais envie de conseiller à tes amis ?
A : Tu rigoles, je l'embarque avec moi, mes amis viendront y jouer à la maison !
m : Alors, tu te calmes, tu ne retournes nulle part, tu ne viens pas du passé, tu es juste une part de moi. Au mieux tu pourras continuer d'y jouer avec tes enfants en prenant bien soin de ne pas leur imposer tes goûts...
A : Tu parles vraiment comme un vieux con, tu le sais ?
Il y a un loup, le renard est un peu blet
(Ou le paragraphe sur la version Switch par Nicaulas)
La version Switch se distingue de ses cousines PS4 et One par l'ajout d'un crossover avec Starfox. Si l'alliance des deux univers semble logique manette en main (on a souvent l'impression de jouer à un Lylat Wars moderne), on se demande malgré tout si c'est vendeur auprès des jeunes. Depuis Adventures sur Gamecube, aucun jeu Starfox n'a fait durablement parler de lui, et certains méritent pleinement leur oubli. A part comme perso jouable dans Smash Bros, Fox McCloud est probablement inconnu au bataillon chez les nouvelles générations.Mais peu importe, Nintendo a mis le paquet pour que la version Switch soit unique. En un sens, c'est réussi : en ajoutant Fox dans les persos jouables, l'Arwing dans les vaisseaux pilotables, le quatuor Fox, Peppy, Falco et Slippy dans le scénario, et surtout une mission spéciale emmenant les joueurs à la poursuite de Wolf pour sauver Corneria, les fans de Nintendo sont plutôt bien lotis. Et vue la maniabilité des vaisseaux, Starlink est probablement le truc le plus proche d'un jeu Starfox canonique qu'on a eu depuis Lylat Wars 3D sur 3DS (et Starfox 2 sur la SNES mini, éventuellement), et qu'on aura avant longtemps. Si jamais : une fois le jeu terminé, l'Arwing fera une figurine tout à fait décente pour les fans hardcore (la toute petite figurine de Fox étant nettement moins impressionnante.)
Mais en même temps... tout le principe de Starlink repose sur l'interchangeabilité des éléments. Changer de pilote ou de vaisseau revient à changer d'apparence et de voix, mais ne change ni la trame principale ni le déroulement des missions. En essayant deux parties avec Mason puis avec Fox, on se rend rapidement compte que le jeu reste le même. Et comme les quatre larrons sont ajoutés au forceps dans la trame scénaristique (ils passaient dans le coin par hasard et décident d'aider des inconnus), à grand renfort de références forcées ("do a barrell roll"), difficile de s'enthousiasmer outre mesure.
Reste à aborder la partie technique. En mode docké, comme souvent sur Switch, le portage se fait au prix de sacrifices visibles. De la distance d'affichage à la finesse des textures, de l'aliasing aux effets des armes, tout semble raboté pour gagner en fluidité. C'est plutôt réussi, puisqu'on n'a pas rencontré de chutes de framerate trop lourdes. Et il faut bien admettre qu'il y a eu énormément de boulot depuis la version qu'on avait testé à l'E3. En mode portable, comme souvent sur Switch, le rendu est nettement plus convaincant, petit écran et basse résolution oblige. Si la lourdeur de l'interface s'en trouve décuplée, ça reste plutôt jouable et même franchement joli si on est réceptif à la direction artistique. En termes de consommation, on est sur du "Zelda", donc comptez sur 1 à 2 heures d'autonomie en fonction de l'état de votre batterie.
Starlink a-t-il sa place sous le sapin ? Si la question est de savoir si un pré-ado y trouvera son bonheur, on peut répondre que ça sera sans doute le cas. Il faudra qu'il passe outre une interface parfois un peu lourdingue, mais la conduite du vaisseau est tellement grisante et intuitive qu'elle l'emportera facilement vers l'infini et au delà. Qui plus est, après avoir éteint la console, il lui restera de chouettes jouets pour poursuivre ses aventures à travers la maison. Seul vrai bémol, un éducateur un peu zélé pourrait quand même reprocher au titre de complaire le joueur dans une certaine redondance et de manquer de dimension créative.