TEST
Legend of Mana
par Fougère,
email @JeSuisUneFouger
Développeur / Editeur : Square Enix
Legend of Mana, c’est le 4ème opus de la franchise des “Seiken Densetsu”, une série de J-RPG se déroulant dans le monde fictif de Mana. Développée à l’origine par Square entre 1991 et 1999, la série à des racines communes avec la série des Final Fantasy, dont elle a divergé pour établir son propre univers. Après un remake de Trials of Mana en 2018 (testé dans nos colonnes), c’est autour de Legend of Mana de se refaire une beauté, sauf que cette fois-ci, on s’est vraiment arrêté à un coup de peinture.
Autant être franc : nous n’avons pas terminé le jeu au moment de l’écriture de ce test. Pour ceux qui ont écouté le dernier Quickload, Legend of Mana souffre exactement des même défauts qu’on avait relevés chez NieR Replicant ver.1.22474487139 : loin d’être devant un véritable remake, on est face à un remaster ou quelques options de conforts permettent de poncer les aspects les plus rugueux du jeu, sans les corriger, tout en sublimant ses parties les plus réussies. Sauf que là, on se situe 10 ans avant Nier, sur la première Playstation, et que ça se SENT !Et pourtant, le premier contact est engageant, en plus de présenter immédiatement la mécanique la plus intéressante du jeu : la carte du monde et l’utilisation d’Artefacts. La version courte, on est devant un système “Crée ta propre aventure” : chaque Artefact que le joueur récupère est une zone de jeu qu'il va pouvoir placer sur la carte, puis visiter quand il le souhaitera. On parle de village, donjon, caverne, tous les endroits que vous vous attendez à visiter dans un J-RPG remplis de magie, monstres, races exotiques, et ainsi de suite. Chaque zone est en général associée à une quête, voire à un NPC particulier qui peut vous accompagner pour vous aider à la résoudre.
Dans la version longue, le placement des Artefacts sur la carte à une incidence sur des forces élémentaires, qui vont conditionner l’apparition et la force des monstres présents dans la zone de jeu, la qualité des crafts que vous allez faire, et j’en passe et des meilleurs.
Sur le papier, c’est super intéressant comme idée, en plus d’être vraiment original. De mémoire, on ne se souvient pas d’avoir vu un RPG ou un J-RPG avec le même genre de système.
Par-dessus tout ça, vous aurez du mal à ne pas vous répéter “C’est quand même sacrément mignon” à chaque fois que vous allez changer de région. Les différentes zones de jeu ou vous allez faire évoluer votre personnage se présentent comme des images de fond en 2D assez grande, qui défile et dévoile une perspective. On sent qu’un boulot titanesque est passé dans une récréation fidèle du jeu original, et ça rend le jeu très agréable à regarder.
Le seul souci, c’est que certains éléments, comme les portes qui donnent sur l’intérieur d’un bâtiment ou les chemins permettant de changer de zone, ne sont pas différentiable du reste du décor. On se retrouve donc souvent à courir dans tous les sens en essayant d’interagir avec le décor, jusqu’à trouver la sortie ou l’entrée qu’on avait loupé jusque-là.
Bref, entre des mécaniques intéressantes et des graphismes aux petits oignons, ce premier contact se déroule étonnamment bien. Mais ça, c’est jusqu’à ce que vous arriviez à votre première ville et que vous posiez la douloureuse question “Bon, et maintenant, qu’est-ce que je fais ?”.
C’est là que ça a commencé à tourner en eau de boudin pour nous. Car qui dit jeu des années 2000, dit généralement des choix de design qui étaient en rapport avec leur époque. Et à cette époque, ce genre de jeu (surtout quand c’est le 4e de la série), s’adressait à un public qui était souvent familier avec l’univers, en plus d'avoir peu de jeu ce genre à se mettre sous la dent. Mais surtout, on s’attendait des joueurs à ce qu’ils essaient tout et n’importe quoi pour progresser, jusqu’à arriver à la bonne solution et apprendre les règles du jeu au passage.
Le résultat, c’est un système de combat plus qu’approximatif et un manque de clarté dans la transmission d’informations au joueur qui frôle l’ineptie.
Comme expliqué plus haut, vous allez passer votre temps à explorer des environnements en 2D (avec une perspective qui ajoute de la profondeur) aux commandes d’un personnage en … 2D. Cela rend les déplacements et les collisions approximatifs, mais ça devient carrément énervant pendant les combats. Plutôt qu’un système de tour par tour, on est face à un beat-them-up, comme un lointain cousin de Streets of Rage avec des éléments de RPG. Vous contrôlez uniquement votre perso, l’IA se chargeant des éventuels compagnons qui vous accompagnent, vos attaques étant conditionnées par l’arme équipée. Et le gros GROS problème de ce système, ce sont les animations d’attaques. Chaque coup, chaque compétence, chaque déplacement prend du temps et ils s'enchaînent mal, vous vous retrouvez à brasser de l’air 70% du temps. Ces erreurs involontaires sont très souvent punies par des ennemis qui vous noient sous un déluge de coups. Heureusement que l’on peut désactiver les combats optionnels, soit les rencontres aléatoires, car certaines combinaisons d’ennemis peuvent facilement vous tuer sans que vous ayez la possibilité de réagir.
Les boss sont encore une autre paire de manches. Placés à la fin de chaque zone de jeu, leurs modèles massifs vous permettent de les toucher plus souvent, mais ils vont également vous mettre des mandales que vous allez sentir passer. Les combats tournent rapidement à qui est capable de maintenir l’autre étourdi le plus longtemps possible, certains demandant de nombreux et frustrants essais pour être vaincu.
Et pourtant, ces soucis ne sont rien à côté du reste du jeu, qui est resté cryptique comme à l’époque. On y faisait allusion plus haut, les jeux sortis à cette époque évoluaient dans un contexte particulier. Le public visé était beaucoup moins important que maintenant et les jeux de cette trempe étaient beaucoup plus rares. Si on ajoute à ça les contraintes techniques, et le système “Construis ta propre aventure” présenté plus haut, on obtient un design qui va reposer en grande partie sur l'investissement du joueur pour alimenter la progression et améliorer sa compréhension du jeu. C’est quoi l’histoire ? À quoi servent les ressources qu’on loot en combat ? Qui est mon perso ? C’est quoi son but dans la vie ? Quelle quête je suis en train de faire ? Comment je récupère des Artefacts ?
Autant de questions qui ne trouveront pas de réponse. Devant des systèmes complexes et réfléchis, le jeu ne propose aucune aide, aucun tutoriel, pas de journal de quête détaillé, rien. C’est un jeu qui ne se joue que d’une seule façon, en y consacrant tout son temps et son énergie jusqu’à l'écran de fin, rien que pour réussir à garder le fil, comme à l’époque. Autrement, on se retrouve à se cogner la tête contre les murs. Et c’est dommage, car il y a l’air d’avoir une véritable richesse et intelligence dans l’agencement des différents aspects du jeu autour de sa mécanique centrale, la création du monde. Mais le studio en charge du remake a visiblement décidé de proposer une version fidèle au matériel original, et c’est donc avec ça qu’on doit se débrouiller.
Que ce choix ait été volontaire ou dicté par des contraintes de production, le résultat est le même. Ce remake s’adresse avant tout aux fans de la première heure, et absolument pas aux joueurs qui souhaiteraient découvrir la série ou même juste jouer à un J-RPG un peu différent. Si vous n’avez aucun intérêt autre que de vouloir découvrir la série des Mana, allez plutôt faire un tour du côté du remake de Trials of Mana, qui souffre des mêmes problèmes, mais à un degré moins dérangeant.
Malheureusement, le temps et l’énergie qu’on avait à consacrer à ce genre de titre en 1999 n’ont rien à voir avec ceux de 2021. On sent que ce remake a été fait pour les fans de la série, qui peuvent maintenant découvrir cet épisode si particulier dans un écrin de toute beauté, avec des musiques retravaillées et un véritable effort pour l'adapter aux machines et aux écrans modernes. Pour les autres, on ne vous conseille pas d'aller vous frotter aux mécaniques de combats approximatives ou à des systèmes obscurs nécessitant des efforts disproportionnés pour être compris et maîtrisés.