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Le FactorCasque - Partie 1 - Un peu d'histoire
Avec beaucoup de retard à l’allumage, il semblerait que les casques de réalité virtuelle commencent doucement mais sûrement à se faire une place. Avec l’impulsion d’Oculus, puis Valve et Sony, l’idée d’avoir un casque à la maison n’est plus tout à fait idiote, surtout que les jeux commencent à être nombreux. Mais au fait, c’est vieux cette envie de VR ?
Les casques de réalité virtuelle ne datent pas d’hier. On parle tout de même d’un délire datant des années 1970, et dont les utilisations sont passées par les universités de recherches, la santé, l’armée, et plus récemment, le jeu vidéo et le cinéma. Je ne vais pas vous faire un historique complet et ultra détaillé du concept de réalité virtuelle, parce que ce serait bien trop long et qu’il faudrait vraiment ratisser large, tout en commençant en 1968 avec le Sword of Damocles de Ivan Sutherland. Mais un léger coup d’œil dans le rétro s’impose pour notre média de prédilection, qui en plus, est plutôt jeune.Aussi, je tiens à préciser que j’ai sciemment mis de côté certaines tentatives un peu foirées ou presque inconnues du grand public, et c’est tout à fait normal, puisqu’il existe actuellement des dizaines de casques sur le marché. Cependant, vous pourrez nous éclairer de vos lumières dans les commentaires, ils sont faits pour cela. Et ne sautez pas au plafond si je parle aussi de projets qui ne sont pas vraiment des casques de VR. C’est juste pour raccrocher les wagons. A noter aussi que ce dossier sera composé de plusieurs parties. Combien ? Honnêtement, à l'heure où j'écris ces lignes, je n'en sais rien.
Back to the future
Le premier véritable essai connu de réalité virtuelle pour le jeu vidéo vient d’Atari qui, courant de l’année 1982, avait créé le Atari Labs, un laboratoire de recherche dont l’objectif était de pousser cette technologie pour le grand public. Malheureusement, un an plus tard débarque le Krach de 1983, avec la fameuse descente aux enfers d’un Atari qui faisait n’importe quoi. Néanmoins, et même si ce laboratoire a fermé l’année suivante, plusieurs employés ont continué les recherches et ont fondé une nouvelle société en 1984 : VPL Research, pour Virtual Programming Languages Research, dirigée par Jaron Lanier. Il est devenu une pointure dans le domaine. Lui et ses équipes ont travaillé sur différents projets, développant, une combinaison entière (DataSuit), avec casque (EyePhone) et une paire de gants, popularisant la réalité virtuelle pour le grand public, sans pour autant sortir des produits en magasin. Parmi l’un des produits que sa société invente, on trouve le VPL DataGlove, une belle prouesse technologique à l'époque, reposant essentiellement sur le fait de courber des fibres optique afin de simuler virtuellement le mouvement de nos doigts.Vous ne connaissez pas les DataGlove ? Hum… et si je vous dis que VPL Research a vendu les droits d’utilisation de son Data Glove à Mattel, qui l’a ensuite commercialisé en partenariat avec Nintendo pour la Nintendo Entertainment System (NES) en 1989, sous le nom Power Glove, ça vous parle un peu plus ? Au passage, Jaron Lanier a ensuite bossé dans plusieurs boîtes, et il est chez Microsoft Research depuis 2006, notamment pour la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle. Oui, il a une tête de teufeur, mais ce mec est une sorte de génie.
Aussi, si vous avez déjà vu le film Le Cobaye (The Lawnmower Man), réalisé par Brett Leonard et sorti en 1992, vous avez donc déjà vu le EyePhone, le casque de réalité virtuelle de VPL Research. A noter aussi que la société a travaillé main dans la main avec la NASA et a réalisé The Virtual Interface Environment Workstation (VIEW) en 1990, un casque avec un système de son 3D (audio sphère), le tout avec la paire de DataGlove.
(crédit photo : NASA.gov)
Malheureusement, et même si VPL Research a été un énorme précurseur dans la VR, la société a déposé le bilan en 1990, et en 1999, tous ses brevets ont été achetés par Sun Microsystems.
(crédit photo : NASA.gov)
Malheureusement, et même si VPL Research a été un énorme précurseur dans la VR, la société a déposé le bilan en 1990, et en 1999, tous ses brevets ont été achetés par Sun Microsystems.
Mais pour l’instant, toujours pas de casques à l’horizon pour nos salons, accompagnés de prix plus abordables pour le commun des mortels. Et il faut dire que le succès du Power Glove a un peu calmé les choses pour le marché grand public, surtout Nintendo qui pense que tout cela est encore un peu trop tôt. Pourtant, l’année 1991 fera parler d’elle avec deux gros projets. Le premier vient de SEGA qui, surfant sur le succès de la Mega Drive et de ses bornes d’arcade, n’a clairement pas peur de se lancer. Fort d'un premier essai plus ou moins réussi avec le SegaScope 3-D Glasses sur Master System en 1987, la société au hérisson bleu annonce travailler sur un projet nommé SEGA VR.
Deux ans plus tard, l’appareil est présenté physiquement au Winter Consumer Electronics Show de Las Vegas (CES), accompagné d’un prix de $200 et de 4 jeux compatibles : Nuclear Rush, Iron Hammer, Matrix Runner et Outlaw Racing, ainsi que l’arrivée prochaine de Virtua Racing. La promesse étant très grande, avec une connexion à la Mega Drive (Genesis aux USA), une détection de mouvement, un son stéréo avec effet surround et un affichage via un écran LCD. La grande classe, mais les choses ne se sont pas vraiment déroulées comme prévu et Tom Kalinske, alors PDG de Sega of America (avant un long passage chez Mattel de 72 à 87), annonce que finalement, le SEGA VR restera dans les cartons. Le problème ? Ça foutait la gerbe, tout simplement.
SEGA en est donc resté là pour la partie console de salon, mais a tout de même rendu compatible son casque avec le système d’arcade Sega Model 1, présent dans les salles SegaWorld, histoire de ne pas s’avouer vaincu et de générer un peu de pognon. Et puis en 1993, SEGA avait aussi présenté le Sega Activator, sorte de Kinect de la Megadrive, et tout un tas d'autres projets. La VR n'était pas vraiment une priorité, mais plus un effet de mode pour SEGA qui cherchait tout simplement une place dans ce nouveau marché.
L’autre gros projet des années 90 vient de la société Virtuality Group et de son système Virtuality. Fondée en 1985 par IBM Research Labs et s’appuyant sur les recherches de Jonathan Waldern, elle a d’abord porté le nom de W Industries, avant de changer pour Virtuality Group en 1987, qui sonne un peu moins startup nation. Dans un premier temps, il était question de développer des casques de réalité virtuelle accompagnés de gants (les série 1000), pour les industries. On y trouvait deux modèles : 1000CS et 1000SD. Ces deux systèmes ont été vendu à British Telecom Research Laboratories dans le but de faire des applications de communications en réseau. Évidemment, ça a pas mal intéressé d’autres sociétés, comme Ford, IBM, Mitsubishi et Olin, mais c’était aussi très gadget et ultra cher.
Alors pour rentabiliser un peu plus le matériel et le faire connaître au grand public, pas le choix : il faut aller dans les salles d’arcade. Et ce petit jeu, Virtuality fait sensation ! On y trouve là aussi deux systèmes, appelés Pods. Le premier est le Virtuality 1000CS Games, permettant de jouer à des jeux vidéo en restant debout. Une fois l’énorme casque posé sur la tête, les joueurs découvrent un monde virtuel via deux écrans LCD de 276 x 372 pixels par oeil, le tout avec un son émis par 4 haut-parleurs. Pour tenir debout sans risquer de tomber à terre, Virtuality Group avait prévu le coup, mettant le joueur sur une sorte de plateforme ronde, attaché à la taille. Avec ça, aucun risque de tomber à la renverse, même en vomissant son petit-déjeuner. Et pour le déplacement et les interactions, les développeurs avaient intégré une énorme manette, le Space Joystick, une sorte d'ancêtre du Nunchuk de la Wii, raccordé avec un gros câble à ce qui servait d’unité centrale. Côté jeux vidéo, il fallait faire avec Dactyl Nightmare, une arène de combat en FPS multijoueur avec plusieurs niveaux, Grid Busters un shoot'em up avec des robots, Heros, un jeu de puzzle avec des portes à verrouiller, et Legend Quest permettant de partir dans une super aventure. Evidemment, ça a bidé.
En 1993, un autre système de Virtuality Group a été proposé pour la première fois au stade de Wembley de Londres, le Virtuality 1000 SD Games. Oui, ils n’étaient pas forcément très doués pour les noms un peu sexy, mais ce modèle était encore plus impressionnant. Cette fois-ci, la seule possibilité d’y jouer était en s’asseyant dans un gros siège, toujours avec le même casque, mais cette fois-ci avec des joysticks en contrôleurs, un volant, ou bien encore un manche d’avion, suivant le jeu qui était lancé. On pouvait jouer à Battlesphere, une bataille spatiale, Exorex pour se taper entre robots de guerre, mais aussi à Total Destruction dans une folle courses de stock car, ou à VTOL, un simulateur Harrier Jump Jet (les fameux avions pouvant décoller verticalement) et enfin, à Flying Aces, un simulateur de combat aérien de biplans.
Un an plus tard, en 1994, sort une nouvelle version avec les 2000SU et 2000SD, propulsés par la puissance des Intel 486 et Motorola 88110 pour la partie graphique. Plusieurs nouveaux jeux sont apparus, notamment Pac-Man VR, mais le succès n’a pas été au rendez-vous. Cela s’est vendu, oui. Mais ça n’a pas fait des millions de dollars. Et surtout, ça n'est toujours pas entré dans les salons.
Vers l’infini et… ah non, pas encore
Nous sommes en 1995 et les tentatives dans le jeu vidéo n’ont pas encore été couronnées de succès. Virtuality Group a évidemment poussé ses concepts encore plus loin, notamment en développant le Jaguar VR, un casque pour l’Atari Jaguar dévoilé lors du The Winter International Consumer Electronics Show 1995 au mois de Janvier. Il s'agissait essentiellement de répondre à Nintendo et son Virtual Boy dont la sortie est prévue pour juillet au Japon. Atari a appuyé sur le champignon en annonçant que son casque sera sous les sapins de Noël de la même année. Malheureusement, un désaccord entre Virtuality et Atari est survenu en octobre et le projet fut purement et simplement abandonné, à peine trois mois avant la sortie officielle. Tous les prototypes ont été détruits, à part deux exemplaires faisant actuellement le tour des festivals de rétrogaming : un prototype basse résolution avec des graphiques rouges et gris et un autre en haute résolution avec des graphiques bleus et gris. Est-on vraiment déçu de cette annulation ?
Un échec cuisant avec à peine 800 000 ventes et une annulation de la sortie européenne. Le casque-console sera mis au placard en août 1996, pour laisser place à la Nintendo 64, un bien meilleur choix.
En cette même année 1995 sort le Forte VFX1, un casque conçu pour PC avec un nom du futur, le tout développé par Forte Technologies. Un produit vraiment bien fourni pour l’époque, avec deux écrans LCD fournissant un total de 789 x 230 pixels, une palette de 256 couleurs, un angle de vision de 45°, une détection de mouvement à 360°, accompagné d’un dispositif audio haute définition produit par AKG, de la détection de mouvement de la tête et d’une manette, la Cyberpuck, pouvant émuler les mouvements d’une souris. Honnêtement, c’était plutôt cool, sauf qu’à $695 la bête, ça a fait un flop. C’est dommage, parce qu’il était compatible avec des jeux comme Descent, Star Wars: Dark Forces, Heretic, System Shock et Quake. Je n’ai pas d’information concernant les ventes de ce produit, mais on peut se douter que le succès n’a pas été au rendez-vous non plus.
Néanmoins, de nombreuses sociétés sont persuadées qu’un jour ou l’autre, ce type de casque se vendra par millions. C’est le cas de Sony Corporation, qui avait déjà un gros pied dans le jeu vidéo depuis 1988 via un contrat signé avec Nintendo pour le développement conjoint du Super Nintendo CD-ROM Adapter. La suite, on la connait tous un minimum, et Sony sortira sa PlayStation en 1994. Pas de réalité virtuelle à l’horizon pour cette petite nouvelle sur le marché des consoles, mais tout de même plusieurs casques / lunettes chez Sony : le Visortron en 1993, puis le Glasstron en 1996 avec le PLM-50 comme première référence, suivi de 5 autres modèles. Ce n’était pas fou et ça a fait un énorme bide à cause de la technologie utilisée, des prix pratiqués et de l’utilisation globale qui finalement, n’était là que pour remplacer l’écran d’une TV ou simuler plus ou moins un cinéma. Mais, on reparlera de Sony un peu plus tard, ne vous inquiétez pas.
C’est alors que Nintendo débarque le 21 juillet au Japon et le 14 août en Amérique du nord avec le Virtual Boy, qui est probablement l’un de leurs pires désastres économiquement parlant. Un peu moins poussé techniquement que le reste de la concurrence déjà en place, le Virtual Boy ne pouvait pas suivre les mouvements de la tête, puisqu’il reposait sur une sorte double pieds que l’on devait poser sur une table. On parle même plus d’un visiocasque que d’un casque de réalité virtuelle. Créé par Gunpei Yokoi, l’un des créatifs les plus emblématiques de Nintendo (je vous conseille vivement de lire sa biographie parue aux Edition Pix'n Love), le Virtual Boy avait fait le pari d’un affichage stéréoscopique composé de deux couleurs (noir et rouge) et d’une manette de jeu, dont certains titres n’utilisaient même pas tout ses boutons.
En cette même année 1995 sort le Forte VFX1, un casque conçu pour PC avec un nom du futur, le tout développé par Forte Technologies. Un produit vraiment bien fourni pour l’époque, avec deux écrans LCD fournissant un total de 789 x 230 pixels, une palette de 256 couleurs, un angle de vision de 45°, une détection de mouvement à 360°, accompagné d’un dispositif audio haute définition produit par AKG, de la détection de mouvement de la tête et d’une manette, la Cyberpuck, pouvant émuler les mouvements d’une souris. Honnêtement, c’était plutôt cool, sauf qu’à $695 la bête, ça a fait un flop. C’est dommage, parce qu’il était compatible avec des jeux comme Descent, Star Wars: Dark Forces, Heretic, System Shock et Quake. Je n’ai pas d’information concernant les ventes de ce produit, mais on peut se douter que le succès n’a pas été au rendez-vous non plus.
Néanmoins, de nombreuses sociétés sont persuadées qu’un jour ou l’autre, ce type de casque se vendra par millions. C’est le cas de Sony Corporation, qui avait déjà un gros pied dans le jeu vidéo depuis 1988 via un contrat signé avec Nintendo pour le développement conjoint du Super Nintendo CD-ROM Adapter. La suite, on la connait tous un minimum, et Sony sortira sa PlayStation en 1994. Pas de réalité virtuelle à l’horizon pour cette petite nouvelle sur le marché des consoles, mais tout de même plusieurs casques / lunettes chez Sony : le Visortron en 1993, puis le Glasstron en 1996 avec le PLM-50 comme première référence, suivi de 5 autres modèles. Ce n’était pas fou et ça a fait un énorme bide à cause de la technologie utilisée, des prix pratiqués et de l’utilisation globale qui finalement, n’était là que pour remplacer l’écran d’une TV ou simuler plus ou moins un cinéma. Mais, on reparlera de Sony un peu plus tard, ne vous inquiétez pas.
Bref, vous l’avez compris, la réalité virtuelle dans le jeu vidéo n’était pas vraiment au point dans ces années-là, et a été mise en suspens un long moment. Alors oui, il y a eu beaucoup d’autres essais, mais le monde était plutôt tourné vers un futur s’appelant... Internet.