ARTICLE
Article technique : Initiation à l’animation
Analyse succincte d'une animation
Pour cet exemple, j’ai choisi une animation du jeu Skullgirls qui me parait intéressante : Assez simple, avec des poses dynamiques, cyclant de manière courte, et trouvable en assez gros plan sur le net.Ci-dessous, 2 gifs animés. Celui en haut est le fichier original, et celui du bas a été très fortement ralenti (et j'ai pris juste la 2e partie) afin que vous puissiez mieux voir ce dont je parle. La numérotation des dessins est là pour la même raison.
Le premier truc à dire c’est qu’on retrouve un élément assez courant dans les jeux vidéo avec la pose 1 qui est le dessin de base pour toutes les animations de ce personnage. C'est à dire qu'elles auront pour la plupart cette pose en début, et en fin de mouvement.
Les 2 et 3 sont les poses d’anticipation avec le poing droit qui recule très légèrement et l’œil qui s’ouvre afin de regarder là où elle va frapper. Le bassin descend un peu donnant une silhouette plus écrasée. C’est le moment du « squash ».
Les 4, 5,7 (oui il manque la 6, c’est volontaire) sont les poses de l’action principale : le coup de poing. Généralement on ferme les yeux sur un mouvement de tête sauf dans certaines conditions comme lorsqu'on poursuit une cible du regard, ce qui est le cas ici. Si l’on observe juste les poings, on remarque que le « spacing » (la distance) par rapport à sa position d’origine (4) augmente en 5, puis à nouveau en 6. C’est ce qui donne une idée d’accélération dans le coup, et donc une plus grande force d’impact. Le poids du corps (bassin) change aussi de jambe à ce moment-là, passant de l’arrière vers l’avant. C'est ce qu'on appelle le transfert de masse.
La 6 est spéciale : C’est un « overshoot » ou pose-qui-va-au-delà . Le dessin clé de cette partie de l’animation (le coup) est la 7, mais quand on frappe, il est difficile de s’arrêter à l’endroit exact désiré. Il est donc assez courant que le poing aille au-delà de la position finale avant de se stabiliser. C’est aussi la pose qui est la plus étirée de l’animation (« stretch »), à opposer à la frame 3. Ceci donne de l’élasticité à l’animation.
La 8, 9 et 10 sont les poses de stabilisations pour les éléments qui sont en retard sur le mouvement comme les manches, la robe.
Les 11, 12, 13, 14 sont un peu particulières : Il se passe plusieurs actions en simultanées avec le bassin qui recule en arrière et un nouvel overshoot (13) puis stabilisation en 14. Pendant ce temps, le serpent-chelou anticipe son attaque en 12 en reculant un peu, avant d’avancer de manière très vive en 13 avec un fx de déformation/motion blur histoire de lier visuellement cette frame avec la précédente. Comme indiqué auparavant, ceci permet de réduire l'impression de saccade lorsque le spacing est trop important, sur un mouvement rapide.
A l’image 15, alors que le corps est stabilisé (il ne reste plus que les retards mouvement sur les vêtements et les cheveux), elle ouvre les yeux. Pourquoi l’avoir fait à ce moment là ? C’était le moment idéal car il n’y avait plus trop d’animation permettant ainsi d'attirer l’œil du spectateur justement sur le regard du personnage.
De 17 à la fin, c’est le retour vers la pose de base.
Il y aurait d’autres choses à dire sur cette animation comme certaines choses qui seraient améliorables à mon avis ( les overlaps trop synchronisés entre eux par exemple), mais ça deviendrait probablement trop technique, je vais donc en rester là et arrêter de vous embêter avec cet article super long.
Quelques jeux qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo de part leur animation
- Prince of persia : Incontournable avec son animation rotoscopée (redessinée par dessus une vidéo) et une fluidité qui avait marqué à l’époque. Par la suite on a eu Another World et Flashback qui utilisaient une technique similaire.
- Dragon’s Lair : Les séquences animées de ce jeu, réalisé par Don Bluth, qui sont peut-être le seul intérêt du jeu .
- Aladdin sur Megadrive, à ne pas confondre avec la version SuperNintendo. Avoir un animateur du film de Disney éponyme pour s’occuper également du jeu a été une excellente idée, et on a eu comme résultat une des plus grosses claques au niveau de l’animation d’un jeu-vidéo.
- L’odyssée d’Abe : La palette expressive du héros, faisant également partie intégrante du gameplay, a permis que l’on s’attache plus facilement à ce personnage atypique (vidéo de la version pc)
- Uncharted : Mélange entre la motion capture et l’animation keyframe, réussi.
- "Rayman Origin" : Évolution hybride entre la 2D et la 3D, le moteur de ce jeu a fait baver beaucoup de monde lorsqu'il a été annoncé comme disponible librement (ce qui n'a jamais été avéré). L'animation de ce jeu, dans un style très cartoon, est assez proche de ce qui est fait dans le domaine du dessin-animé, flattant les pupilles du joueur.
Pour ceux qui veulent aller plus loin
Quelques livres de chevet à étudier et à maîtriser :- "Illusion of life" d'Ollie Johnson et Frank Thomas, qui sont les rescapés des "sages" de chez Disney. Ils sont souvent caricaturés sous forme d'Easter Eggs dans une multitude de films (un vieux un peu maigrichon, et un plus grassouillet avec une calvitie, qui sortent souvent des trucs genre "c'était mieux avant"). On retrouve dans cet ouvrage l'historique de l'animation, l'origine de la découverte des "12 principes" vus au-dessus, et pleins d'anecdotes très instructives.
- "The Animator Survival Kit" de Richard Williams, surtout connu pour sa direction d'animation du film "Roger Rabbit". C'est un livre avec plein d'exercices de cycles de marche grâce auxquels il aborde tous les principes d'animation.
- "Cartoon, l'animation sans peine ", par Preston Blair : Longtemps ce livre a été Ze référence pour les apprentis animateurs. Depuis, d'autres sont sortis, mais ça n'enlève pas ses qualités, surtout si vous vous intéressez à l'animation cartoon type Tex Avery.
- Les livres recueillant les photos de Muybridge.
Un grand merci à Niko, Nicaulas, Edhen pour leurs suggestions et corrections, ainsi qu'à Zakwil pour la vignette.
Cet article se termine, en espérant que vous ayez compris l’essentiel des bases de l'animation. En aucun cas il ne faut prendre la totalité comme vérité absolue et s'appliquant telle quelle, tout le temps. Je vais prendre ce qu'il s'est passé avec le fameux exercice de la balle qui rebondit, présente dans l'ouvrage de référence écrit par Preston Blair (un animateur très célèbre, notamment pour son travail sur les productions Tex Avery) : Sans rentrer dans les détails, il a été corrigé par Ken Harris (une autre célébrité exerçant pour la Warner Bros, et sur les projets de Chuck Jones), car la version d'origine du rebond pourtant déjà très bien était perfectible : En modifiant certaines poses, il était possible d'apporter encore plus de vie à la balle. Le travail d'animateur est un apprentissage sans fin pendant lequel on doute de ses acquis pour mieux rebondir ensuite, et c'est ce qui est intéressant.
Pour ceux qui veulent se mettre à la pratique, hésitez pas à poster vos essais, ou vos questions.
Pour ceux qui veulent se mettre à la pratique, hésitez pas à poster vos essais, ou vos questions.