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For Honor, mais juste un doigt

miniblob par miniblob,  email  @ptiblob
Développeur / Editeur : Ubisoft
Supports : PC / Xbox One / PS4
Ça tient parfois à peu de chose de cultiver sa différence lorsque l'on parle de jeux vidéo. Prenez le fameux Factortime par exemple, vous pensez que c'est la preuve de l'indépendance de vos dévoués serviteurs vis à vis du tempo des campagnes marketing ? En réalité, c'est plus souvent la conséquence d'un gros poil dans la main, d'une actualité chargée voire d'une méchante panne informatique. Dans le cas de For Honor, les trois ingrédients se sont savamment combinés pour aboutir à une découverte tardive du titre. Peut-on en ressortir indemne lorsque l'on se décide à plonger dans le bain d'un jeu essentiellement multi quatre mois après sa sortie ?
On s'est souvent moqué de la manie qu'a Ubisoft de recycler encore et toujours sa même recette d'open world, et pourtant il faut reconnaître que c'est sans doute l'un des derniers poids lourds du jeu vidéo qui cherche encore à innover de temps en temps. À ce titre, For Honor constituait un pari risqué : non seulement il s'agit d'une nouvelle licence, mais en plus elle nous embarque sur un terrain pas vraiment balisé, à la croisée de différents genres. Prenez des vikings, des chevaliers et des samouraïs, faites les combattre dans ce qui ressemble à un hybride entre un jeu d'action multijoueur classique et un versus fighting, ajoutez-y une mécanique d'escrime plutôt originale, et vous obtenez un titre qui bouscule gentiment les habitudes. Histoire de mettre le joueur dans le bain en douceur, Ubisoft a tout de même prévu une campagne qui tient lieu de long tutoriel.

Une campagne pour les vils

Au vu des reproches qu'ont essuyés le premier Titanfall et le reboot de Battlefront, on comprend aisément que les développeurs de For Honor se soient sentis obligés d'ajouter une dimension solo à leur titre bien que ce dernier soit davantage taillé pour le multijoueur. Le résultat tient en une campagne sagement découpée en 18 chapitres, 6 par faction, qui vous réserve 6 à 7 heures de bonheur intense. Notez enfin que si vous êtes vraiment allergique à la solitude, vous pouvez entraîner un ami (de préférence que vous n'aimez pas trop) pour réaliser chaque segment en coop. Non contente de vous révéler rapidement les conditions dans lesquelles les trois forces en présence ont fait connaissance, cette fameuse campagne s'intéresse aux événements qui se déroulent 1000 ans après cette rencontre improbable, sachant qu'entre temps les vikings, les chevaliers et les samouraïs n'ont jamais cessé de se livrer une guerre sans merci. On ne va pas y aller par quatre chemins, cette campagne est un désastre complet.



Au niveau du rythme d'abord, on se retrouve avec un jeu d'action mollasson qui alterne entre des phases de musô en moins bien et des duels contre des IA franchement pas malines. Les arènes sont généralement bien trop étriquées pour offrir le moindre sentiment de s'engager dans des batailles épiques. Le tout est porté par un scénario proprement catastrophique. Quelle idée aussi d'essayer de raconter une histoire avec un point de départ pareil ? On sent qu'il a fallu faire entrer une intrigue au chausse-pied dans des bottes qui n'étaient de toutes façons pas conçues pour accueillir un solo. Le monde lui-même n'a aucun sens (comment expliquer une guerre de 1000 ans sans la moindre évolution ni le début d'une hybridation entre les cultures ?), mais le pompon de l'absurde revient quand même à la grande méchante et à ses motivations. Tenez-vous bien, on risque de vous spoiler le twist de fin : elle répand la guerre partout pour que seuls les plus forts survivent... Et c'est tout. Et c'est une justification suffisante pour que des peuples entiers la suivent dans son délire. Et au passage ça ne nous explique pas comment ils peuvent s’entre-tuer depuis aussi longtemps sans pour autant disparaître tout bêtement.

À la fin de l'ennui, je me couche

On va faire mine d'oublier un instant cette campagne désastreuse. De toutes façons, il fallait bien pondre une intro, il était impossible de balancer le joueur à sec dans le bain du multi. On aurait préféré quelque chose d'un peu plus court, de précis et de complet, mais il faut se contenter de ce qu'on a, tant pis si certaines classes n'ont pas droit à leur petite présentation. Le mérite du solo est au moins de nous faire découvrir les bases du système de combat : tout se décline autour de trois gardes, gauche, droite et bas, de deux attaques, forte et faible, d'une roulade et d'un coup étourdissant pour casser la défense. Le tout est bien entendu conditionné à une jauge d'endurance située directement sous la vie. Pour parer un coup, il suffit d'adopter la même garde que son adversaire. À force d'enchaîner les parades, on fait monter la jauge de vengeance, ce qui permet ensuite de devenir inébranlable pendant quelques instants.



Sur le papier, ça paraît simple, peut-être même simpliste, d'ailleurs ça l'est durant toute la campagne, mais quand on commence à se frotter à d'autres joueurs, on comprend que ce système possède une vraie profondeur. Chacune des douze classes (quatorze si vous craquez pour le DLC) possède un set de mouvements qui lui est propre. Ça va des combos bien dangereux aux attaques spéciales imparables. Le tout repose moins sur des manipulations complexes que sur une parfaite maîtrise du timing. Pour bien faire, il faut non seulement connaître sa panoplie de coups sur le bout des doigts, mais aussi savoir de quoi est capable l'adversaire quelle que soit sa classe. Dans For Honor, comme dans la plupart des jeux de baston, l'important est d'apprendre à lire son adversaire pour saisir la bonne opportunité, que ce soit pour lui asséner le coup de grâce, l'expédier dans le vide ou le mettre à terre après avoir siphonné son endurance. Le tout est loin d'être con, par contre ça manque furieusement de fun. Ne vous attendez pas à des affrontements viscéraux (et parfois un peu débiles) comme dans Chivalry, ici tout est calcul. Il faut mesurer ses coups, anticiper les réactions, battre en retraite au bon moment... En un mot, il ne faut pas avoir peur de s'emmerder.

C'était pas ma guerre, et c'est pas près de le devenir

On reste dans le classique avec les différents modes multijoueur proposés : du duel en 1v1 ou 2v2, du teamdeath match ou de la domination en 4v4... Là où For Honor se démarque un peu du lot, c'est dans son système de progression : on peut essayer les douze classes de base sans les acheter, mais passer à la caisse permet ensuite de modifier le look et surtout l'équipement de son combattant. Chaque pièce d'armure ou chaque morceau d'arme va apporter des malus et des bonus différents, à vous ensuite de jouer sur les différents paramètres pour construire un build qui vous convient puis de le faire évoluer. C'est pas bête mais ça déséquilibre forcément un peu le jeu en faveur de ceux qui ont le plus d'expérience. Heureusement, ces modificateurs de statistiques ne sont pas pris en compte dans certains modes tels que les duels. On aimerait aussi râler sur les deux personnages en DLC, surtout qu'au moins un des deux, le légionnaire pour ne pas le citer, semble un poil plus costaud que la moyenne, mais il est possible pour le joueur déshérité (ou simplement radin) de les débloquer à condition de farmer un tout petit peu (notamment via la campagne).



À ces bases solides, il faut aussi ajouter un système de guerre entre les factions, de conquêtes de territoires et de fonctionnement par saison qui sont pour le coup aussi incompréhensibles qu'inutiles. Rien n'est fait, à part un rapide choix au début, pour qu'on s'identifie davantage à un clan plus qu'à un autre, autant dire qu'il est difficile de se sentir concerné par ce genre d'enjeux. Tant qu'on en est à ronchonner, il faut aussi préciser que l'absence de serveurs dédiés se traduit naturellement par quelques soucis de connexion fort désagréables. Mais le vrai problème, c'est d'arriver sur le jeu après la bataille, difficile de monter dans le train lorsqu'il est déjà en marche depuis si longtemps. Ce n'est pas tant le fait de prendre raclée sur raclée en duel qui pose problème car dans le fond, être mauvais, c'est presque devenu une habitude chez votre pauvre serviteur. Le souci c'est que la phase d'apprentissage est tellement rébarbative que ça finit rapidement par lasser. On veut bien croire qu'une fois maîtrisé, le gameplay apporte un minimum de satisfaction car même si la fréquentation du multi semble baisser, il reste tout de même quelques acharnés qui continuent à retourner le jeu et c'est bien qu'ils prennent au moins un peu leur pied... Mais ce Nirvana parait aujourd'hui hors d'atteinte pour le malheureux quidam qui a loupé le coche de la sortie et qui devra se taper des heures d'entraînement fastidieux.
On pourrait reprocher à For Honor certains défauts formels, mais dans le fond il faut reconnaître qu'Ubisoft accouche là d'une formule originale et assez carrée. C'est peut-être justement là le vrai problème, à trop vouloir faire bien net et bien propre, on y perd en fun. Vous vouliez des barbares qui se foutent joyeusement sur la gueule ? Vous aurez des duellistes plutôt posés qui calculent le moindre de leur coup avant d'aller vous proposer de prendre le thé.

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