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Culture : Making a Murderer
Ici, chez Factor, on est à fond dans le jeu vidéo mais pas trop. La raison est simple : la majorité du staff ayant découvert le jeu vidéo à une époque si reculée que la deuxième dimension n’avait même pas été inventée, que PornHub s’appelait La Redoute et que le Parti Communiste servait encore à autre chose que cuire des merguez et boire des bières une fois l’an, il est logique qu’elle se soit diversifiée dans des occupations plus de son âge, comme par exemple la lecture (Beach Bitches: A DOAX Anthology pour Frostis, The Perfect Guide of Halloween Costumes That Will Get You Arrested pour CBL ou encore Vie et œuvre de Laurent Voulzy pour moi), le troll politique dans la tribune ou le regardage de séries. Oui, regardage. Mais pas n’importe quelles séries, attention. On ne parle plus « Trilogie du samedi » là, parce que depuis octobre 2015, nous sommes officiellement dans le futur, et dans le futur, les séries, ça parle aussi aux gens à deux-trois ans de la retraite.
C’est pourquoi je vais parler aujourd’hui de Making a Murderer, une série Netflix, en espérant convaincre les trois personnes qui ne regardent pas les séries dès leur sortie (voir « grabataire », ci-dessus) d’y jeter un œil, parce que ça vaut largement le coup.Le pitch : Steven Avery fait partie de ces gens qui n’ont vraiment pas de chance. Né dans une famille à l’intelligence médiocre du Wisconsin qui s’occupe d’une casse automobile, c’est un gamin à l’éducation et au QI très moyens qui va enchaîner des petits délits de jeunesse, et qui va finir par se faire inculper pour le viol d’une femme malgré le fait qu’il avait un alibi. S’ensuit un combat de 18 ans pour prouver son innocence, qui sera finalement confirmée par un test ADN. Il cherchera ensuite à toucher des dommages et intérêts des corps policier et judiciaire qui l’avaient désigné comme coupable avant même d’en avoir les preuves mais, quelques temps avant d'obtenir gain de cause, il sera arrêté à nouveau, pour le meurtre d’une femme qui venait prendre des photos d’une de ses voitures. Seront entre autres retrouvés sur son terrain la voiture de la victime, ses clés de voiture et ses restes calcinés, tous découverts dans des conditions tellement improbables qu’elles en deviennent suspectes.
Si le premier emprisonnement était déjà le fait d’une procédure pleine de trous, de vices de forme et de forces de l’ordre biaisées, cette affaire là va devenir un imbroglio juridique tellement rempli de non-sens qu’on se demande comment le dossier ne s’est pas effondré sous le poids de sa propre malhonnêteté. Épisode après épisode se dresse le portrait d’une justice plus prompte à se défendre elle-même que ses concitoyens, et d’un système qui laisse passer sans aucune vergogne la présomption de culpabilité. Le documentaire est évidemment tourné de façon à être favorable à Avery, et l’on pourra évoquer l’absence de certains faits et données, mais ce biais importe peu quand on voit les preuves et les faits présentés, qui feraient passer les affaires Outreau et Omar Raddad pour des chefs-d’œuvre du respect des procédures.
Making a Murderer est une série d’autant plus terrifiante qu’elle est une histoire vraie. C’est un travail de documentation et de tri énorme qu’ont accompli les réalisatrices et qui, malgré quelques longueurs, réussit à tenir en haleine pendant 10 épisodes. Comme le dit l’un des avocats d’Avery : « We can all say we will never commit a crime. But we can never guarantee that someone will never accuse us of a crime. And if that happens, good luck in this criminal justice system. »