TEST
Watch Dogs : Un temps de chien
par Nicaulas,
email @nicaulasfactor
Des ratés de communication, un report in extremis, des bruits de couloirs sur son développement, une avalanche de versions différentes, un carpet bombing de trailers à l’approche de son lancement, des débats houleux sur les publi-reportages déguisés accompagnant sa sortie… Le moins que l’on puisse dire, c’est que Watch Dogs partait avec un handicap sérieux à nos yeux. Alors on lui a laissé le temps de s’exprimer pour sa défense, le temps que l’actualité s’emballe sur autre chose, le temps de redevenir un jeu.
Chicago, Illinois. Troisième plus grande ville des Etats-Unis, septième ville de classe mondiale d’après Foreign Policy, un des maillons de l’ancienne Manufacturing Belt (et l’un des rares à avoir supporté le passage à la Rust Belt), porte d’entrée et centre névralgique du Midwest, et par conséquent place financière agricole de premier plan où sont fixés les prix du blé, du maïs et du soja dans toute l’Amérique du Nord (quand les USA se sont mis à faire du biocarburant avec du maïs, les prix ont grimpé à Chicago, obligeant la classe moyenne mexicaine à abandonner les tortillas au maïs pour adopter des produits équivalents au blé). Placez-y le ctOS, un système d’information connectant tous les objets contenant de l’électronique dans la ville, qu’ils soient publics ou privés, dont le but est d’assurer la sécurité et la prospérité via l’hypersurveillance des citoyens, mais placé sous contrôle d’une entreprise privée, et vous obtenez un immense champ de problématiques possibles. La société de l’information, les objets connectés, la collecte d’informations et de données privées, la cybercriminalité, la finance et son impact sur la vie réelle, la démocratie, les libertés individuelles, la collectivité, la surveillance des uns par les autres, la délation… Watch Dogs n’en aborde quasiment aucune, même sommairement.
Super Connard 2.0
Malgré les prétentions de ses créateurs, le jeu n’enterre rien du tout. Que la vision par Orwell d’une société sous surveillance soit périmée, on peut l’admettre, bien qu’il y ait d’autres grilles de lecture à appliquer à 1984, et notamment celle de la construction d’un réseau humain où l’individu-chair disparaîtrait dans le collectif-conscience « pour le plus grand bien de tous ». Une thématique pas si éloignée d'Internet, ce grand tout dans lequel se développent des identités virtuelles collectives, et qu’on retrouve d’ailleurs chez d’autres grands auteurs de SF du début du XXème siècle, Asimov en tête. Pas si périmés, les papis. Bref. Si on accepte l’idée qu’Internet et les objets connectés ont (ou sont sur le point de) révolutionné notre société et la nature même de l’homme en tant qu’individu, et qu’il y a par conséquent matière à s’interroger sur ces changements, on a du mal à voir en quoi Watch Dogs pose les bases d’une réflexion sur le sujet. Tout juste lit-on parfois en filigrane que les caméras dans les salles de bains des gens c’est pas très très cool. En réalité, le jeu d’Ubisoft s’est contenté de créer un microcosme dans lequel tout ceci existe (à l’exception notable d’Internet, qui étrangement n’est pas utilisable dans le jeu, notre super smartphone étant dépourvu de navigateur).
Certes, le jeu tente de se justifier plus ou moins efficacement : les gardes tués sont des repris de justice et des mercenaires, nos poursuivants sont encore plus dangereux que nous, ou bien juste par le fait que Blume, la société derrière le ctOS, soit ouvertement désignée comme une entité néfaste et liberticide car hors de contrôle. Mais on imagine mal qu’un individu n’ayant reçu aucun mandat de la part de ses concitoyens soit adulé pour des actions aussi spectaculairement dangereuses, égoïstes et arbitraires. Ou, au minimum, que cela ne crée pas un débat public, qui ne sera ici qu’évoqué au détour d’une seule séquence vers la fin du jeu, et de quelques flashs d’info.
Bien sûr, il faut aussi voir dans cette simulation de danger public une mécanique de gameplay nécessaire à un jeu en open world. Puisqu’on est censé pouvoir aller partout et tout faire librement, d’autant plus dans une ville où tout est connecté et piratable, il est logique d’offrir au joueur la possibilité de se comporter comme un connard. On pourrait même aller jusqu’à dire que c’est le rôle d’un tel jeu que d’offrir la possibilité de transgresser virtuellement les règles établies et de servir de défouloir bête et méchant. D'ailleurs, l'une des originalités du titre vient de son mode multi compétitif, qui consiste à se pourrir mutuellement ses parties. Néanmoins, pour un jeu qui a décidé de s’ancrer dans le réel, qu’il n’y ait que peu de contrepoids parmi les citoyens de Chicago brise l’immersion. Et, surtout, cela nuit considérablement à l’image d’Aiden Pierce, qui au final est exactement de la même trempe que les parrains de la mafia, les chefs de gangs ou les industriels cyniques qu’il combat. On remarquera d’ailleurs que la police est un ennemi dans le jeu, et ce parce qu’elle cherche à arrêter celui qui agit en dehors de toute juridiction. Comment pourrait-on accorder la moindre valeur au sale combat d’un pauvre type qui n’a rien pour lui, si ce n’est la douleur d’avoir perdu un proche (ce qui ne justifie rien) ?
On pourrait se dire qu’il s’agit là d’un moyen de responsabiliser le joueur, de le laisser libre de ses choix, pour ensuite le placer face aux conséquences. En un sens, c’est le cas : le jeu vous laissera souvent la possibilité d’agir selon votre conscience. Le problème de cette démarche, c’est que pour être efficace, elle aurait nécessité de faire de Chicago le personnage central de l’histoire, pour qu’une décision individuelle et ponctuelle ait des conséquences durables sur l’ensemble de la communauté. Or, ici, ce sera Aiden Pearce, hacker/cambrioleur/spécialiste des arts martiaux/élève assidu des stands de tir. Un héros AAA générique, pour une histoire AAA générique : un casse qui tourne mal, des gros caïds énervés, la nièce du héros qui devient un dommage collatéral, une traque des coupables pour leur faire payer. La voilà la thématique de Watch Dogs : la vengeance individuelle, dans tout ce qu’elle a d’aveugle et d’absurde.
Et d’immoral. La ville connectée est en fait désincarnée et n’est qu’un outil, une arme de plus au service d’un héros one-man-army. Par conséquent, toute utilisation du ctOS relève d’une méthode et d’une efficacité propres à Aiden Pearce, peu importe que cela se fasse au détriment de ses concitoyens. Il est d’ailleurs assez étonnant que vos actions soient très peu remises en cause tout au long de l’aventure et que vous deveniez un Justicier, alors que même en cherchant le moins possible l’affrontement direct et les fusillades de masse, on ne pourra échapper à des séquences de courses poursuites impliquant mise en danger d’autrui et création d’accidents de la route, sans compter les explosions dans les lieux publics, les PNJ au mauvais endroit au mauvais moment, ou même tout simplement l’élimination de certains ennemis.
Et d’immoral. La ville connectée est en fait désincarnée et n’est qu’un outil, une arme de plus au service d’un héros one-man-army. Par conséquent, toute utilisation du ctOS relève d’une méthode et d’une efficacité propres à Aiden Pearce, peu importe que cela se fasse au détriment de ses concitoyens. Il est d’ailleurs assez étonnant que vos actions soient très peu remises en cause tout au long de l’aventure et que vous deveniez un Justicier, alors que même en cherchant le moins possible l’affrontement direct et les fusillades de masse, on ne pourra échapper à des séquences de courses poursuites impliquant mise en danger d’autrui et création d’accidents de la route, sans compter les explosions dans les lieux publics, les PNJ au mauvais endroit au mauvais moment, ou même tout simplement l’élimination de certains ennemis.
Bien sûr, il faut aussi voir dans cette simulation de danger public une mécanique de gameplay nécessaire à un jeu en open world. Puisqu’on est censé pouvoir aller partout et tout faire librement, d’autant plus dans une ville où tout est connecté et piratable, il est logique d’offrir au joueur la possibilité de se comporter comme un connard. On pourrait même aller jusqu’à dire que c’est le rôle d’un tel jeu que d’offrir la possibilité de transgresser virtuellement les règles établies et de servir de défouloir bête et méchant. D'ailleurs, l'une des originalités du titre vient de son mode multi compétitif, qui consiste à se pourrir mutuellement ses parties. Néanmoins, pour un jeu qui a décidé de s’ancrer dans le réel, qu’il n’y ait que peu de contrepoids parmi les citoyens de Chicago brise l’immersion. Et, surtout, cela nuit considérablement à l’image d’Aiden Pierce, qui au final est exactement de la même trempe que les parrains de la mafia, les chefs de gangs ou les industriels cyniques qu’il combat. On remarquera d’ailleurs que la police est un ennemi dans le jeu, et ce parce qu’elle cherche à arrêter celui qui agit en dehors de toute juridiction. Comment pourrait-on accorder la moindre valeur au sale combat d’un pauvre type qui n’a rien pour lui, si ce n’est la douleur d’avoir perdu un proche (ce qui ne justifie rien) ?
Un échec de narration
Les enjeux et le scénario, c’est une chose. Mais même s’il est profondément regrettable que Watch Dogs passe à côté des enjeux de son sujet et préfère se rabattre sur une trame scénaristique convenue, un tel choix n’est pas surprenant. Comment reprocher à une production AAA d’avoir les caractéristiques d’une production AAA ? Et même si certains trouveront ça désolant, on a fini par prendre l’habitude des purges scénaristiques des grosses productions, cherchant si elles ont d’autres qualités ailleurs. Watch Dogs a beaucoup d’autres qualités ailleurs, et on y reviendra, mais quitte à parler des choses qui fâchent, on va devoir parler narration. Sur ce point, le medium vidéoludique n’est finalement pas si différent du théâtre, de la littérature ou du cinéma. Il a ses spécificités bien sûr, au premier rang desquelles le fait que le joueur est le moteur du récit. Mais il repose sur des bases communes.
Par exemple, pour d’évidentes raisons pratiques, on commence toujours par décrire rapidement l’univers dans lequel se déroulera le récit. Ses règles principales, ses différences majeures avec la réalité.
Bon, là je pinaille sur du détail, mais tout le jeu est rempli d’erreurs de ce genre. Rien que la première scène de gameplay, par exemple. Dans les sous-sols d’un stade, au moment où on prend la main pour la première fois, on nous demande explicitement de tirer dans la tête de Maurice, le sous-fifre responsable de la mort de notre nièce. Après un temps d’hésitation, on s’exécute, mais il n’y a pas de balles dans le chargeur. Juste après, on est introduit à Chin, un personnage secondaire qu’on a engagé pour retrouver Maurice, et qui avoue avoir déchargé notre arme pour nous empêcher de le buter. Par la suite, il gardera Maurice au chaud en attendant qu’on retrouve le commanditaire. Pourquoi avoir engagé un inconnu pour retrouver ce type alors que la suite du jeu montre qu’on est très bien capable de le faire tout seul ? Pourquoi veut-on le garder en vie alors qu’on voulait explicitement le buter au début ? Pourquoi Chin préfèrerait le buter alors que c’est lui qui nous a empêché de le faire ? Pourquoi s’emmerder à faire une scène aussi compliquée qui n’a d’autre intérêt que d’introduire des personnages secondaires inutiles ? Comment est-il humainement possible de rater à ce point une scène d’introduction qui devrait juste se contenter d’amorcer le récit ?
Et Chin n’est que le premier d’une trop longue liste de personnages secondaires tous plus ratés les uns que les autres. Caricaturaux jusqu’à la moelle (le parrain de la mafia est vieux et blanc, le chef de gang est jeune et black, la jeune hackeuse surdouée est piercée et tatouée, le vieux hacker anarchiste est un alcoolique à dreadlocks…), ils servent surtout de prétexte à prolonger le scénario le plus longtemps possible (un rebondissement = un nouveau personnage secondaire qu’on sous-exploitera puis jettera comme un Kleenex), pour donner l’illusion qu’il y a quelque chose à raconter. Le jeu les sort de sa manche alternativement lorsqu’il a besoin de l’une ou l’autre figure susceptible de donner un cachet cinématographique à une scène, mais c’est systématiquement raté, souvent soporifique, parfois ridicule. La chronologie des péripéties est affreusement poussive et n’arrive à proposer aucune tension narrative, la seule petite originalité étant qu’il n’y a au final aucun « vrai » grand méchant et que le boss de fin est en réalité le ctOS, manipulé par un personnage secondaire avec un sérieux complexe d’infériorité. Mais globalement, on s’en tamponne de savoir ce qui va arriver aux uns et aux autres, on se contente de se resservir un café pendant les cinématiques, en attendant de reprendre la main dans les missions, ou simplement d’explorer Chicago à notre guise.
Par exemple, pour d’évidentes raisons pratiques, on commence toujours par décrire rapidement l’univers dans lequel se déroulera le récit. Ses règles principales, ses différences majeures avec la réalité.
De quoi donner des repères au joueur et poser les bases du contrat de suspension de l’incrédulité. Dans Watch Dogs, c’est relativement simple. On est à Chicago, dans un futur très proche, le ctOS a été mis en place par Blume qui est désormais plus puissant et influent que le maire, mais le système est controversé et permet à des cybercriminels de prospérer. Ça prend 30 secondes à décrire. Watch Dogs ne prend même pas la peine de le faire, nous lâchant dans son open world sans un mot d’explication. Certes, ces éléments sont repris au fil du scénario ou bien disponibles en se baladant dans la ville, nous permettant de recoller les morceaux. Mais Aiden étant supposé être l’un des meilleurs hackers, ayant vécu toute sa vie à Chicago, il aurait été bien plus logique qu’on nous les donne à nous, joueur, avant de commencer le jeu, pour être au même niveau de connaissances que le personnage qu’on est censé incarner.
Bon, là je pinaille sur du détail, mais tout le jeu est rempli d’erreurs de ce genre. Rien que la première scène de gameplay, par exemple. Dans les sous-sols d’un stade, au moment où on prend la main pour la première fois, on nous demande explicitement de tirer dans la tête de Maurice, le sous-fifre responsable de la mort de notre nièce. Après un temps d’hésitation, on s’exécute, mais il n’y a pas de balles dans le chargeur. Juste après, on est introduit à Chin, un personnage secondaire qu’on a engagé pour retrouver Maurice, et qui avoue avoir déchargé notre arme pour nous empêcher de le buter. Par la suite, il gardera Maurice au chaud en attendant qu’on retrouve le commanditaire. Pourquoi avoir engagé un inconnu pour retrouver ce type alors que la suite du jeu montre qu’on est très bien capable de le faire tout seul ? Pourquoi veut-on le garder en vie alors qu’on voulait explicitement le buter au début ? Pourquoi Chin préfèrerait le buter alors que c’est lui qui nous a empêché de le faire ? Pourquoi s’emmerder à faire une scène aussi compliquée qui n’a d’autre intérêt que d’introduire des personnages secondaires inutiles ? Comment est-il humainement possible de rater à ce point une scène d’introduction qui devrait juste se contenter d’amorcer le récit ?
Et Chin n’est que le premier d’une trop longue liste de personnages secondaires tous plus ratés les uns que les autres. Caricaturaux jusqu’à la moelle (le parrain de la mafia est vieux et blanc, le chef de gang est jeune et black, la jeune hackeuse surdouée est piercée et tatouée, le vieux hacker anarchiste est un alcoolique à dreadlocks…), ils servent surtout de prétexte à prolonger le scénario le plus longtemps possible (un rebondissement = un nouveau personnage secondaire qu’on sous-exploitera puis jettera comme un Kleenex), pour donner l’illusion qu’il y a quelque chose à raconter. Le jeu les sort de sa manche alternativement lorsqu’il a besoin de l’une ou l’autre figure susceptible de donner un cachet cinématographique à une scène, mais c’est systématiquement raté, souvent soporifique, parfois ridicule. La chronologie des péripéties est affreusement poussive et n’arrive à proposer aucune tension narrative, la seule petite originalité étant qu’il n’y a au final aucun « vrai » grand méchant et que le boss de fin est en réalité le ctOS, manipulé par un personnage secondaire avec un sérieux complexe d’infériorité. Mais globalement, on s’en tamponne de savoir ce qui va arriver aux uns et aux autres, on se contente de se resservir un café pendant les cinématiques, en attendant de reprendre la main dans les missions, ou simplement d’explorer Chicago à notre guise.
Chicago Grise (mais jolie) (et vivante)
Car s’il y a bien un aspect sur lequel Watch Dogs est convaincant dès le premier coup d’œil, c’est le rendu visuel de la ville qui lui sert de toile de fond. Certes, en vanilla tout n’est pas aussi joli qu’espéré, et outre la gourmandise en ressources il y aura toujours de-ci de-là des détails (ou l’absence de ceux-ci) qui chagrinent. Mais elle est fluide, lisible et plutôt pêchue, et entre les différents tweaks sortis depuis un mois, vous avez de quoi recomposer un rendu adapté à vos goûts et à votre machine. C’est surtout la cohérence et la crédibilité de l’ensemble qui sont réussies. Bien sûr, comme tous les open worlds, cette Chicago virtuelle a des limites, des murs invisibles, des failles qui se révèlent quand on gratte un peu le vernis. Mais il s’agit aussi et surtout d’un open world assez original, qui combine à la fois la puissance et la démesure du rêve américain comme on peut la trouver chez Rockstar, et la personnalité plus intimiste d’une grande métropole générique comme on en trouve sur le nord de la côte Est et autour des Grands Lacs. C’est Chicago, mais ça ressemble également beaucoup au Montreal des développeurs, à Philadelphie, Pittsburgh, Boston ou Toronto. Du coup, c’est certes un peu plus gris que le soleil d’un GTA ou les néons d’un Sleeping Dogs, mais cela donne un cachet réaliste à la ville. Sans aller jusqu’à dire qu’on est sur une démarche documentariste à la The Wire, on est sur une ambiance proche et c’est un choix intéressant qui permet de trancher avec la concurrence… et fait à nouveau regretter que le jeu n’aille pas plus loin en termes de fond.
Divisée en quartiers séparés par des frontières naturelles (l’eau) et artificielles (les ponts), Chicago est un terrain de jeu assez vaste et varié, puisqu’on y retrouve un centre d’affaires aux buildings modernes, des quartiers WASP plus anciens, un quartier black plus pauvre, des zones industrielles et portuaires, un village vaguement plouc au bord de l’eau pour les week-ends des citadins, et ainsi de suite. Dans l’absolu, ça n’est pas aussi colossal que ce qu’on nous avait promis, d’autant moins quand on se rappelle la communication d’Ubisoft sur le sujet avant le report du lancement. Mais Watch Dogs n’a pas à rougir de son open world, d’autant moins qu’une bonne distance d’affichage permet d’oublier que le décor est compartimenté. On a vraiment la sensation d’être dans un espace global dans lequel on reste parce qu’on a des choses à y faire, pas parce qu’il est limité. À la tombée de la nuit, si on vole un bateau et qu’on se promène sur la rivière, on peut s’arrêter quelques secondes pour contempler la skyline, et ça claque pas mal. Le mobilier urbain est assez chouette également.
Et c’est assez intéressant si vous jouez en difficile, puisqu’à chaque fois que vous mourrez dans une mission (on meurt peu en normal), la zone se rechargera dans une configuration différente, la mission en question devenant un peu plus que du die and retry.
On mentionnera enfin la conduite des véhicules, un peu aléatoire. Étonnamment, les voitures se pilotent très bien, et on sent même des différences nettes et logiques entre la conduite avec un pickup ou un monospace, et celle avec une citadine ou une voiture de sport. La tenue de route et les sensations changent de l’une à l’autre, et même dans le feu de l’action on se prend à réfléchir à la voiture qu’on va piquer pour augmenter ses chances de survie sur la route. Les motos sont intéressantes à piloter sur voie rapide, mais infernales sur les petites routes, principalement parce que dans Watch Dogs, comme dans la plupart des open worlds, on conduit comme un sagouin, et si les voitures encaissent bien les chocs, les motos sont des cercueils ambulants. Et, étrangement, vous êtes la seule personne dans tout Chicago à conduire des motos. On trouve aussi quelques bateaux, mais outre leur pilotage pas très intéressant, ils ne servent surtout pas à grand-chose, à part peut-être leurrer le jeu lors des courses-poursuites sur routes, vos ennemis étant trop cons pour vous poursuivre dans l’eau. Et si vous préférez les modes de transport doux, un métro (piratable si vous avez manqué votre arrêt) sillonne la ville et vous permettra de vous comporter en piéton au milieu des piétons. L’ensemble donne l’illusion d’une ville en permanente activité et dans laquelle vous pouvez vous déplacer comme bon vous semble. Et pour un open world, c’est déjà une bonne chose.
Divisée en quartiers séparés par des frontières naturelles (l’eau) et artificielles (les ponts), Chicago est un terrain de jeu assez vaste et varié, puisqu’on y retrouve un centre d’affaires aux buildings modernes, des quartiers WASP plus anciens, un quartier black plus pauvre, des zones industrielles et portuaires, un village vaguement plouc au bord de l’eau pour les week-ends des citadins, et ainsi de suite. Dans l’absolu, ça n’est pas aussi colossal que ce qu’on nous avait promis, d’autant moins quand on se rappelle la communication d’Ubisoft sur le sujet avant le report du lancement. Mais Watch Dogs n’a pas à rougir de son open world, d’autant moins qu’une bonne distance d’affichage permet d’oublier que le décor est compartimenté. On a vraiment la sensation d’être dans un espace global dans lequel on reste parce qu’on a des choses à y faire, pas parce qu’il est limité. À la tombée de la nuit, si on vole un bateau et qu’on se promène sur la rivière, on peut s’arrêter quelques secondes pour contempler la skyline, et ça claque pas mal. Le mobilier urbain est assez chouette également.
Et le tout est rempli par une foule assez dense, soit de conducteurs soit de piétons. Bien sûr, tous ces PNJ suivent des routines qui finissent par être visibles. Mais pas mal de petits détails permettent d’oublier ça, comme leur comportement lorsque vous faites quelque chose qui sort de l’ordinaire (faire des appels de phares quand vous roulez à contresens, appeler la police quand ils sont témoins d’un de vos méfaits, vous prendre en photo s’ils vous reconnaissent), et surtout la dose de procédurale introduite dans la composition des décors. Pour une même zone donnée, chaque fois que vous y retournerez, vous tomberez sur une combinaison différente de voitures garées, de citoyens immobiles et de passants. Les profils de ces derniers, consultables depuis votre smartphone, sont également différents à chaque fois. C’est plus une illusion de variété qu’autre chose, mais c’est suffisant pour oublier la monotonie.
On mentionnera enfin la conduite des véhicules, un peu aléatoire. Étonnamment, les voitures se pilotent très bien, et on sent même des différences nettes et logiques entre la conduite avec un pickup ou un monospace, et celle avec une citadine ou une voiture de sport. La tenue de route et les sensations changent de l’une à l’autre, et même dans le feu de l’action on se prend à réfléchir à la voiture qu’on va piquer pour augmenter ses chances de survie sur la route. Les motos sont intéressantes à piloter sur voie rapide, mais infernales sur les petites routes, principalement parce que dans Watch Dogs, comme dans la plupart des open worlds, on conduit comme un sagouin, et si les voitures encaissent bien les chocs, les motos sont des cercueils ambulants. Et, étrangement, vous êtes la seule personne dans tout Chicago à conduire des motos. On trouve aussi quelques bateaux, mais outre leur pilotage pas très intéressant, ils ne servent surtout pas à grand-chose, à part peut-être leurrer le jeu lors des courses-poursuites sur routes, vos ennemis étant trop cons pour vous poursuivre dans l’eau. Et si vous préférez les modes de transport doux, un métro (piratable si vous avez manqué votre arrêt) sillonne la ville et vous permettra de vous comporter en piéton au milieu des piétons. L’ensemble donne l’illusion d’une ville en permanente activité et dans laquelle vous pouvez vous déplacer comme bon vous semble. Et pour un open world, c’est déjà une bonne chose.
Un open world open bar
Mais un open world sonnerait bien creux s’il n’était pas un minimum rempli d’activités pour le joueur. Et sur ce point, on avait très peur à la rédaction, sachant de sources sûres que le report de six mois avait surtout servi à implémenter des features annexes initialement écartées puis rapatriées en urgence, les retours des playtests tournant beaucoup autour du peu de choses à faire en dehors de la trame principale. Déjà, il faut bien reconnaître que la trame principale offre une durée de vie dans la moyenne haute des jeux d’action-aventure récents : une quinzaine d’heures en difficulté normale, un poil plus en difficile grâce à certains pics de difficulté. Mais plus qu’en termes de quantité, c’est surtout dans sa variété que l’aventure est intéressante. En mêlant plusieurs genres au sein de son gameplay, Watch Dogs a pris le risque d’être un pot-pourri sans originalité et indigeste. Mais globalement, il arrive à maintenir un équilibre entre ses phases de jeu, et offre surtout suffisamment de liberté dans la manière de finir les missions pour attiser votre curiosité.
Trois types de gameplay classiques sont le moteur du jeu : l’infiltration, les gunfights et les courses-poursuites. Les gunfights semblent tout droit sortis d’un TPS classique, puisqu’on y retrouve le cover derrière des éléments de décor, l’utilisation de quatre types d’armes (pistolets, shotguns, fusils d’assaut et de précision), d’explosifs, ou encore un focus qui permet de ralentir le temps pour augmenter vos chances de placer des headshots (à la manette du moins, sur PC je ne m’en suis jamais servi). L’infiltration est elle aussi classique, à base d’observations des routines de l’ennemi, d’utilisation du décor, de diversions, de neutralisations silencieuses, etc. On regrettera de ne pas pouvoir cacher les corps (qui disparaissent au bout de quelques minutes mais peuvent malgré tout alerter les survivants) ou neutraliser à distance sans tuer (un petit taser n’aurait pas été une mauvaise idée pour accompagner la matraque télescopique), mais là encore c’est globalement convaincant. Si on a déjà évoqué la conduite des véhicules qui rend les courses-poursuites plutôt cool, on ajoutera que le jeu contient deux bonnes idées pour les pimenter. La première, c’est le cercle matérialisant l’utilisation du ctOS par la police : si vous croisez les forces de l’ordre ou qu’un citoyen vous dénonce au moment où vous commettez un méfait, vous n’aurez que quelques secondes pour fuir la zone avant que votre signal ne soit tracé et que la police sorte le grand jeu pour vous arrêter. La seconde, c’est l’implémentation des courses-poursuites d’exfiltration lente basées sur votre sang-froid et l’évitement des patrouilles et des hélicoptères de la police. Pour nous avoir offert une version vidéoludique réussie de la course-poursuite introductive de Drive, merci Ubisoft.
Ce qui fait le lien entre tout ça, c’est le hack. Grâce à son smartphone, il est possible d’agir avec un grand nombre d’éléments ayant un impact plus ou moins direct sur le gameplay.
Malgré tout, cette trame principale n’utilise quasiment pas la dimension open world du jeu, et la suivre sans s’intéresser à tous les à-côtés s’apparente à un jeu d’action-aventure classique. Pour vérifier ce que Chicago a dans le ventre, il faut se balader dans les quartiers et piocher au choix dans le menu des activités, finalement pas si vide. Ubisoft n’a pas pu s’empêcher de coller son système de tours à escalader pour débloquer les points d’intérêts proches, ce qui est un sacré non-sens dans un environnement urbain tournant autour du hack, mais passons. On peut soit s’intéresser au background en vérifiant des infos autour d’un lieu en particulier ou en s’introduisant dans la vie privée des gens, s’approvisionner dans des magasins (en armes, en matériel ou en diverses choses futiles), ou démarrer une flopée de missions secondaires plus ou moins longues et plus ou moins difficiles. Des embuscades sur des convois mafieux aux contrats de fixeurs en passant par quatre enquêtes annexes dérivées de la trame principale, ce n’est pas vraiment copieux, mais ça permet de faire des pauses dans la poussive trame principale. Encore plus éloignées du scénario, on trouve de petites activités gadget, comme jouer au poker, aux échecs, à des jeux de forains ou à des jeux de réalité augmentée qui fleurent bon la feature ajoutée à l’arrache mais arrivent à nous arracher des sourires tant elles semblent hors de propos. Enfin, malgré son côté aléatoire (je n'ai été infiltré qu'une seule fois en presque 30 heures de jeu), le multi compétitif est très original, puisqu'il vient se greffer directement sur la partie solo et peut littéralement vous couper dans votre élan au beau milieu d'une mission. Et vice-versa, vous pouvez aller pourrir des inconnus comme un bon gros troll, ce qui est tout aussi grisant que culpabilisant. Tout ça mis bout à bout permet de prolonger l’expérience de quelques heures, pour arriver à un Watch Dogs suffisamment riche et amusant.
Jeu testé à partir d'une version commerciale fournie par l'éditeur.
Trois types de gameplay classiques sont le moteur du jeu : l’infiltration, les gunfights et les courses-poursuites. Les gunfights semblent tout droit sortis d’un TPS classique, puisqu’on y retrouve le cover derrière des éléments de décor, l’utilisation de quatre types d’armes (pistolets, shotguns, fusils d’assaut et de précision), d’explosifs, ou encore un focus qui permet de ralentir le temps pour augmenter vos chances de placer des headshots (à la manette du moins, sur PC je ne m’en suis jamais servi). L’infiltration est elle aussi classique, à base d’observations des routines de l’ennemi, d’utilisation du décor, de diversions, de neutralisations silencieuses, etc. On regrettera de ne pas pouvoir cacher les corps (qui disparaissent au bout de quelques minutes mais peuvent malgré tout alerter les survivants) ou neutraliser à distance sans tuer (un petit taser n’aurait pas été une mauvaise idée pour accompagner la matraque télescopique), mais là encore c’est globalement convaincant. Si on a déjà évoqué la conduite des véhicules qui rend les courses-poursuites plutôt cool, on ajoutera que le jeu contient deux bonnes idées pour les pimenter. La première, c’est le cercle matérialisant l’utilisation du ctOS par la police : si vous croisez les forces de l’ordre ou qu’un citoyen vous dénonce au moment où vous commettez un méfait, vous n’aurez que quelques secondes pour fuir la zone avant que votre signal ne soit tracé et que la police sorte le grand jeu pour vous arrêter. La seconde, c’est l’implémentation des courses-poursuites d’exfiltration lente basées sur votre sang-froid et l’évitement des patrouilles et des hélicoptères de la police. Pour nous avoir offert une version vidéoludique réussie de la course-poursuite introductive de Drive, merci Ubisoft.
Ce qui fait le lien entre tout ça, c’est le hack. Grâce à son smartphone, il est possible d’agir avec un grand nombre d’éléments ayant un impact plus ou moins direct sur le gameplay.
Hacker les caméras de surveillance permet par exemple de naviguer à l’intérieur des zones sans y mettre le moindre orteil, de repérer le nombre et la position des ennemis et ainsi de les afficher sur votre mini-carte et les placer en surbrillance pour les suivre visuellement à la trace. Certains éléments du décor permettent d’attirer l’attention des gardes et de modifier leurs routines, d’autres peuvent être manipulés pour servir d’abri, d’autres enfin peuvent être explosés pour éliminer à distance et sans arme. Des éléments du réseau routier sont également piratables pour vous donner des occasions de vous tirer d'un mauvais pas sans dommage pour vous, par exemple en relevant des plots, en abaissant des ponts mécaniques ou encore en modifiant les feux tricolores (ce qui revient littéralement à utiliser des innocents comme bouclier humain). Une légère touche de plate-forme vient se poser là-dessus, ouvrir certaines portes ou atteindre certains terminaux nécessitant de manipuler l’environnement et de grimper sur des trucs pour se mettre à portée de signal d’éléments activables. Un mini-jeu de réflexion grandement inspiré de Bioshock fait également office de séquences de piratage plus longues que « press X to hack ». Il n’y a pas grand-chose de révolutionnaire en tant que tel, d’autant moins que vous êtes visiblement la seule personne de Chicago à utiliser le hack et que vous n’échapperez de toutes façons pas à des passages de pan pan boum boum scriptés. Mais le nombre d’éléments interactifs est suffisamment important pour que cette dimension du gameplay ait une vraie consistance. Vous pourrez toujours bourriner tout du long si vous le souhaitez, mais vous auriez tort de ne pas utiliser un minimum les possibilités offertes par le hack, qui permettent de faire des choses bien rigolotes.
Malgré tout, cette trame principale n’utilise quasiment pas la dimension open world du jeu, et la suivre sans s’intéresser à tous les à-côtés s’apparente à un jeu d’action-aventure classique. Pour vérifier ce que Chicago a dans le ventre, il faut se balader dans les quartiers et piocher au choix dans le menu des activités, finalement pas si vide. Ubisoft n’a pas pu s’empêcher de coller son système de tours à escalader pour débloquer les points d’intérêts proches, ce qui est un sacré non-sens dans un environnement urbain tournant autour du hack, mais passons. On peut soit s’intéresser au background en vérifiant des infos autour d’un lieu en particulier ou en s’introduisant dans la vie privée des gens, s’approvisionner dans des magasins (en armes, en matériel ou en diverses choses futiles), ou démarrer une flopée de missions secondaires plus ou moins longues et plus ou moins difficiles. Des embuscades sur des convois mafieux aux contrats de fixeurs en passant par quatre enquêtes annexes dérivées de la trame principale, ce n’est pas vraiment copieux, mais ça permet de faire des pauses dans la poussive trame principale. Encore plus éloignées du scénario, on trouve de petites activités gadget, comme jouer au poker, aux échecs, à des jeux de forains ou à des jeux de réalité augmentée qui fleurent bon la feature ajoutée à l’arrache mais arrivent à nous arracher des sourires tant elles semblent hors de propos. Enfin, malgré son côté aléatoire (je n'ai été infiltré qu'une seule fois en presque 30 heures de jeu), le multi compétitif est très original, puisqu'il vient se greffer directement sur la partie solo et peut littéralement vous couper dans votre élan au beau milieu d'une mission. Et vice-versa, vous pouvez aller pourrir des inconnus comme un bon gros troll, ce qui est tout aussi grisant que culpabilisant. Tout ça mis bout à bout permet de prolonger l’expérience de quelques heures, pour arriver à un Watch Dogs suffisamment riche et amusant.
Jeu testé à partir d'une version commerciale fournie par l'éditeur.
Watch Dogs n’est pas le jeu qu’on nous avait promis. L’inverse aurait été surprenant. Mais ça n’est pas un mauvais jeu. S’il est sacrément décevant sur ses enjeux et sa dimension narrative à cause de son manque d’ambition, il se rattrape avec son open world riche, interactif et plutôt joli, ainsi que par un gameplay, certes classique, mais suffisamment riche et équilibré. On a déjà vu mieux, mais pas si souvent, et on ne regrette finalement pas de lui avoir accordé quelques heures.