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Twilight Princess HD

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
Développeur / Editeur : Nintendo
Supports : Wii / 3DS / Wii U / Gamecube
Quand on a reçu une copie du remaster HD de Twilight Princess, j’étais dans les starting blocks. Enfin, l’actualité allait me permettre d’enfourcher un de mes chevaux de bataille favori : la réhabilitation de cet épisode honni, que je considère pourtant comme excellent, que j’ai fini plusieurs fois et que j'estime de plus en plus comme étant le meilleur Zelda 3D. Et puis en y réfléchissant, je me suis rendu compte que j’étais sur le point de m’humilier publiquement en ferrant contre des moulins : Wind Waker est tout autant détesté, et la radicalité de Skyward Sword a, jusqu’à la sortie du prochain épisode, éclipsé tout débat sur les épisodes précédents. Soit, pas d’insultes à la Slate, pas d’angle ridicule à la Vice, contentons-nous d'étudier l'intérêt d'un portage HD. MAIS LAISSEZ-MOI QUAND MÊME VOUS DIRE A QUEL POINT J'AIME CE JEU.
Évacuons d’abord une comparaison qui semble plus tenir du hasard de calendrier que de la symbolique lourde. Certes, ce remaster sort au moment où le prochain Zelda est reporté pour coïncider avec la sortie de la NX, comme le fut Twilight Princess pour la Wii en son temps. Nintendo traite les remakes des Zelda dans l’ordre chronologique : OoT sur 3DS, Majora’s Mask sur 3DS, Wind Waker sur WiiU et désormais Twilight Princess sur WiiU. S’ils avaient été traités dans le désordre ou avec un calendrier décalé de 6 mois, personne n’aurait pensé à faire le lien entre le crépuscule du titre et les virages stratégiques de Nintendo depuis la Wii.

Au nord, c’étaient les Gorons

En termes de contenu, ce Twilight Princess HD n’offre rien d’exceptionnel. On y trouve l’aventure originale, proposée dans deux modes de difficulté : normal et héroïque. En normal, c’est la version Gamecube originelle avec un Link gaucher et Hyrule ainsi que les donjons dans le « bon » sens. Le mode héroïque reprend la version Wii, avec un Link droitier et une carte et des donjons renversés par symétrie axiale : les lieux initialement à gauche sont à droite et inversement. Une précision qui a du sens pour ceux qui ont déjà fini le jeu dans l’une des versions et en garde un souvenir assez précis : si vous êtes comme moi un gros joueur de la version Gamecube, le mode héroïque s’avère très perturbant, avec quelques moments du style « donc là normalement il y a un monstre à droi… et merde, à gauche ». Bien évidemment, le mode ajoute également de la difficulté en supprimant les items de cœur. On trouve toujours des fragments de cœur, des fées, des gelées et des potions pour regagner et/ou augmenter sa barre de vie, mais aucune jarre ne vous donnera de cœurs pour la recharger en cours d’aventure, seulement des rubis ou des flèches.



On se rend alors compte à quel point les Zelda sont généreux en items : initialement facile, Twilight Princess offre ainsi quelques game over au joueur imprudent qui entre dans un donjon sans avoir fait le plein, chose impensable sur les versions GC/Wii. Cela redonne également de l’intérêt à des features de gameplay qu’on trouvait accessoire, comme la poule téléporteuse qu’on n’utilisait jamais auparavant, mais qui devient indispensable pour aller refaire le plein de potions lorsqu’on est proche de la mort au milieu d’un donjon. Ajoutez-y l’Amiibo Ganondorf, qui augmente les dégâts des ennemis, et vous obtenez un challenge étonnamment relevé pour un Zelda. Alors qu’il faut compter 25 heures pour finir la trame principale en ligne droite dans le mode normal, vous pouvez en rajouter 5 à 15 en héroïque, selon l’ajout ou non du handicap Ganondorf. De là à dire que c’est un Zelda how it should be il n’y a qu’un pas qu’on vous laisse maître de franchir. On peut en tous cas apprécier que Nintendo offre une nouvelle raison de se lancer dans le jeu même lorsqu’on l’a fini plusieurs fois. Notons tout de même que les autres Amiibo (Zelda, Link, Link cartoon) offrent des items aux joueurs impatients, tandis que l’Amiibo Link loup ajoute un donjon supplémentaire qui rappelle un peu trop la caverne de l’Ordalie pour justifier son achat.



Niveau gameplay, pas grand-chose de notable non plus. Il serait même ridicule de lister les modifications tant elles sont marginales : quêtes des perles de lumière raccourcies, bourse de 500 rubis dès le départ, vitesse de grimpe aux échelles augmentée, ce genre de détails qu’on ne remarque que si on a déjà fini le jeu 3 ou 4 fois. Ceci étant, Nintendo a eu la bonne idée de dégager les contrôles à la Wiimote : seuls la mablette et le controller pro sont autorisés. Si vous êtes nostalgique du gyroscope, la mablette vous permettra de viser à l’arc avec le sien, mais c’est sincèrement peu recommandable tant on perd en précision par rapport à la Wiimote. C’est heureusement désactivable, la mablette s’utilisant alors comme le controller pro (qui s’utilise comme le pad GC en son temps). Et c’est étonnamment la mablette qui s’en sort le mieux, si vous n’avez pas de trop petites mains et que vous n’envisagez pas de longues sessions de jeux à cause de sa batterie limitée : en affichant la carte et surtout l’inventaire ainsi qu’un switch Link/loup, elle fait gagner du temps et du confort d’utilisation dans les menus. Et puis pouvoir continuer à jouer à Zelda pendant que vos colocataires s’abrutissent devant TF1, ça n’a pas de prix (et la qualité est tout à fait honorable pour peu que vous restiez dans la même pièce).



Du coup, ce qui justifie le plus l’appellation de « remaster », c’est la refonte graphique. L’œil averti remarquera une modification de la colorimétrie, avec une luminosité un peu plus intense et plus « blanche » qui pousse les oranges/mordorés d’origine vers le jaune, et les bleus/verts parfois profonds vers le gris. Sans être aussi violent pour la rétine que le très criard remaster de Wink Waker, ce Twilight Princess HD perd donc un peu en personnalité mais reste toujours intéressant dans son traitement esthétique. D’ailleurs, les textures ont bénéficié d’un joli travail, certaines gagnant en détails (les bas-reliefs du temple du temps sont un bon exemple), d’autres bénéficiant d’un travail plus abstrait qui rappelle la touche « impressionniste » des textures de Skyward Sword (le temple abyssal a pris une toute autre figure). Ajoutons le 1080p et le jeu gagne en ampleur visuelle et perd l’effet de flou qui le caractérisait à l’époque (quand on n’y jouait pas sur un écran cathodique…). On pourra toujours arguer que sur Dolphin la ROM d’origine offre un rendu encore plus « récent », mais la valeur ajoutée du travail sur les textures se fait sentir. Seul regret, les modèles 3D n’ont pas bougé d’un iota depuis 2006 et offrent parfois un vilain contraste avec le reste. Dommage d’avoir un château d’Hyrule tout saillant sur fond de ciel de feu impressionniste.

Jamais marre de cette Midna-là

Tout ça c’est très bien, mais ne répond pas à la question fondamentale : quel intérêt y avait-il à ressortir Twilight Princess ? Pour Ocarina of Time et Majora’s Mask, outre le fait de grossir le catalogue de la 3DS, on pouvait justifier le remaster par la volonté de faire découvrir aux jeunes générations deux jeux mythiques dans des versions un poil plus attirantes. Pour Twilight Princess, incontournable des ludothèques Wii (en grande partie parce qu’il était nécessaire pour craquer la console), l’intérêt d’une ressortie ne saute pas aux yeux, d’autant plus que le jeu n’a pas vraiment la cote auprès des fans. Il y a pourtant de solides arguments en sa faveur, et pour avoir fini plusieurs fois chacun des Zelda 3D (à l’exception de Majora’s Mask), il a su grimper à la force du poignet en haut de mon podium. Si je garde une affection immodérée et irrationnelle pour Wind Waker, Twilight Princess semble être, avec du recul, l’aboutissement de la lente évolution des fondamentaux posés par Ocarina of Time, le Zelda ultime (catégorie 3D jouable au pad, s’entend).



Déjà parce qu’il reprend beaucoup de choses chez Ocarina of Time. Pas seulement le cahiers des charges de la licence, mais bien des pans entiers du jeu qui sont dépoussiérés, agrandis, légèrement modifiés avant d’être remis à leurs places respectives exactes, afin à la fois de se reposer sur les bases d’un grand classique et de les masquer suffisamment pour ne pas choquer le joueur. Cela va de la copie de donjons (le temple abyssal est vertical et joue sur les niveaux de l’eau) à la succession des péripéties (d’abord un temple proche dans la forêt, puis un donjon chez les Gorons après un passage dans le village de Cocorico, puis un chez les Zoras après être passé dans leur domaine…) en passant par le retour d’Epona, les musiques, le sound design ou les cartes du monde des deux jeux qui se superposent un peu en plissant les yeux. Et quand ça ne vient pas d’Ocarina of Time, c’est rarement de l’original : telle mission de protection de chariot évoquera Majora’s Mask, les blobs donnant de la gelée comestible ou le design des ennemis de base rappellera forcément Wind Waker. Il faut vraiment attendre la fin du jeu, avec Celestia et le (trop court) passage dans le Crépuscule pour trouver quelque chose qui paraisse créé pour l’occasion. Plus globalement, il y a un feeling impossible à décrire et justifier mais qui persiste pendant presque tout le jeu : Twilight Princess n’invente pas grand-chose, mais il magnifie les prédécesseurs qu’il copie.



Bien sûr, le jeu a des défauts. Certains sont inhérents à la saga, comme l’absence de voix, l’abondance de bons sentiments niais, une trop grande facilité, un parcours balisé… là où d’autres sont spécifiques : le début du jeu est plutôt mou et il faut attendre 3 ou 4 heures avant de commencer à s’amuser, le contrôle d’Epona et du loup manque de souplesse, les temps de chargements sont courts mais nombreux, le contenu annexe est plutôt frustrant, certains passages sont lourdingues, le character design part parfois en vrille totale… D’une manière générale, le jeu offre des sensations typiques de son époque et de son support, et même avec les yeux de l’amour je suis obligé de reconnaître que ça a vieilli. Pas tant parce que ça a été mal conçu, mais parce que d’autres sont passés par là et ont fait évolué les codes et les pratiques. Tout bancal et foutraque qu’il soit, Skyward Sword a fait preuve de tant d’inventivité et de dynamisme qu’on s’y ennuyait rarement. Il devient alors plus difficile d’accepter de rejouer à une aventure qui démarre mollement et contient quelques temps morts.



Il n’empêche, Twilight Princess offre une solide aventure, avec une belle montée en puissance, dans une ambiance mélangeant fin du monde et temps suspendu. Les termes abordés surprennent : si les motivations et objectifs du héros sont au départ classiques (sauver sa copine, des enfants, la Princesse, le monde), ils s’effacent progressivement. Au tiers du jeu, tout le monde ou presque est en sécurité. Reste alors le cœur du jeu, son vrai propos : une opposition de style. Entre Hyrule et le Crépuscule, mais surtout entre un Link qui reste dans son cliché et un sidekick cynique et narquois nommé Midna. Véritable perle d’écriture et de character design, elle est sans conteste le meilleur sidekick de l’histoire de la saga (seule Taya de Majora’s Mask lui arrivant vaguement à la cheville), et avec plus de lignes de dialogues (mais on est dans un Zelda…) elle aurait sans doute plus marqué son époque. En se moquant dans un premier temps du joueur et de ses malheurs (elle nous utilise contre notre gré), elle introduit une ironie mordante dans une trame narrative convenue, avant d’être le personnage central de tous les rebondissements de situation : elle est la véritable adversaire de Xantho, le méchant désigné, introduit le héros à Zelda, motive les recherches d’objets… Loin d’être un simple avertisseur sonore façon Navi, elle fait oublier la structure classique des Zelda et lui redonne de l’intérêt. Sans compter qu’elle bénéficie d’un sound design et de mimiques absolument parfaits.



Outre Midna, Twilight Princess réenchante la structure d’Ocarina of Time en lui ajoutant juste ce qu’il faut d’originalité et en perfectionnant des détails qui font plaisir aux fans. Cela passe par des items, comme les flèches-bombes ou le double-grappin, mais également par l’ajout de bottes d’escrime qui ont une réelle utilité (en plus d’être magistralement badass pour la plupart). Ce sont surtout les boss qui laissent le meilleur souvenir. Si certains sont légers en termes de design, ils ont tous le mérite d’être vraiment grands, de comporter la plupart du temps plusieurs phases distinctes et d’avoir presque à chaque fois un petit truc en plus qui les rend inoubliables. S’il me faut quelques instants pour me remémorer les boss d’Ocarina of Time ou Wind Waker, ceux de Twilight Princess me reviennent en un clin d’œil. Mêmes ceux qui sont un peu ratés, comme le très inoffensif ryu marin du temple abyssal dont on se souvient malgré tout parce que le cadre et l’ambiance (c’est un combat sous-marin…) sont atypiques dans la saga.



Enfin, il est indispensable de parler de la musique. Si les thèmes classiques des Zelda sont archi-connus au point qu’ils en deviennent un peu irritants malgré eux, on oublie trop souvent d’écouter en détail les compositions originales pour chaque jeu. En ce qui concerne Twilight Princess, outre Koji Kondo, on retrouve à la composition Toru Minegishi et Asuka Ōta. Or, si leur travail n’attire pas forcément l’oreille dans un premier temps (ce qui veut surtout dire que la musique s’accorde parfaitement à l’action), une écoute attentive révèle un univers musical de très bonne tenue. Les moins bons morceaux se « contentent » d’accompagner ce qui se passe à l’écran, la plupart du temps en se reposant sur les codes du genre, comme la musique des boss, épique à souhait mais pas franchement inoubliable. Mais les meilleurs jouent avec ces codes pour proposer des ambiances uniques qui donnent une teinte incomparable au jeu. Si je ne devais en retenir qu’une (et à l’inverse de beaucoup de gens qui citent le village perdu) ce serait la musique de nuit de la plaine d’Hyrule, pleine de variations et pourtant très équilibrée.


Mais ça c’est pour l’univers « classique » de ce Zelda, c’est-à-dire Hyrule et le monde de la lumière. Twilight Princess contient un monde du Crépuscule, qu’on côtoie surtout dans le premier tiers du jeu (quand le Crépuscule envahit Hyrule) puis le temps d’un donjon vers la fin du jeu. Afin de marquer la différence autrement que par un changement visuel, le sound design et les musiques s’adaptent et proposent un univers sonore fabuleux. En jeu, l’oreille est immédiatement attirée par ces morceaux en apparence foutraques et déconstruits qui sont pourtant parfaitement écoutables, et même pour la plupart aussi intrigants qu’agréables. Cette originalité participe grandement à l’attrait qu’on éprouve pour le Crépuscule et la facilité à s’en souvenir distinctement. Tiens, je suis à peu près sûr que nombre d’entre vous entendent dans leur tête, en ce moment même, le jingle d’entrée dans le Crépuscule mêlé d’un baillement de Midna.

Bien que soigné, ce remaster n’est pas absolument indispensable pour ceux qui possèdent l’original. En revanche, ceux qui sont passés à côté du jeu depuis sa sortie pourraient en profiter pour lui laisser sa chance : Twilight Princess est un jeu bien plus riche qu’il n’y paraît. Et quand bien même ses choix esthétiques vous déplairaient, au moins aurez-vous joué à un remake d’Ocarina of Time plutôt fidèle à l’original.
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