TEST
Shadow of the Tomb Raider : Incas, une fille
par billou95,
email @billou_95
Après avoir appris la survie à l'aide d'un couteau à huitres sur une île en mer du Japon puis le meurtre silencieux au milieu des loups et du froid sibérien, le parcours initiatique de la plus célèbre archéologue du jeu vidéo se termine cette année avec un petit traité sur la compassion qu'elle ingurgitera sur fond de mythologies précolombiennes. Shadow of the Tomb Raider (SOTR) vient conclure une trilogie qui à regret s'est peu à peu éloignée de l'originalité du reboot initial. Ce "season finale" saura-t-il réconcilier les joueurs avec les bons moments passés sur le premier épisode ?
Les scénaristes n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Réjouissez-vous, Jonah est enfin supportable ! On avait pesté sur ses lignes de dialogues et ses choix moraux stupides dans ROTR, il devient un personnage presque attachant qui se trouve même une petite copine au milieu de l'aventure, pourquoi pas. Un flashback arrivant au bout de deux petites heures nous fait carrément jouer la jeune Lara dans le manoir des Croft. Plus loin, Lara vient en aide à une tribu d'Amérindiens vivant en autarcie dans une cité perdue. Fini la fixette sur les Trinitaires, bien qu'on en voit durant tout le jeu, la nouvelle Indiana Jane est investie et compatissante. On regrette cependant qu'elle n'arrive toujours pas à trouver sa place dans la famille, broyant continuellement du noir dès que l'on évoque le travail de son père. On sent les scénaristes en déroute sur la manière de traiter le sujet, car ils expédient les problèmes familiaux à la toute fin du jeu, comme pour tirer un trait sur cette histoire sans chercher à justifier le fait qu'elle soit devenue la Lara Croft femme forte de 1996.
On a changé le chef, pas le menu
Nicaulas avait déjà joué au jeu des sept différences dans sa preview E3 et ce n'est certainement pas une surprise pour vous si vous suivez l'actualité du titre : SOTR ressemble à s'y méprendre à son prédécesseur. Lara bouge, grimpe, assassine et meurt sauvagement comme dans ROTR. Si c'est désormais Eidos Montréal qui a repris les rênes, le studio suit à la lettre le cahier des charges du gameplay établi par les créateurs de la saga. Seules petites fulgurances autorisées, la réduction drastique des gunfights (ouf!) et l'apparition de murs végétaux et de bains de boue en plus des bushs introduits dans le second volume, histoire de favoriser une infiltration qui était déjà l'une des réussites de ROTR. Pour le reste, c'est surtout un rééquilibrage des différentes phases de jeu : combats infiltrés, exploration, puzzles, grimpette qui se sent dès les premières heures et qui n'est franchement pas pour nous déplaire. Le contexte géographique est aussi une bonne excuse pour multiplier les phases aquatiques.Il faudra cette fois-ci éviter les bancs de piranhas ou de mérous et reprendre sa respiration dans des poches d'air pour éviter de finir noyé dans un affluent du fleuve Amazone. De même, Lara est maintenant capable de descendre en rappel le long des immenses formations rocheuses de la région pour atteindre des zones en contrebas, même si l'utilisation de cette compétence reste assujettie aux couloirs imposés par le jeu, évidemment... La jungle péruvienne cache également l'animal-totem de SOTR : le jaguar que l'on affrontera en de rares occasions, mais qui ne procurera son petit effet hélas que lors de la première rencontre (et qui n'a franchement rien à envier aux loups du second volet). Le monde ouvert peut-être trop prononcé et surtout lassant de ROTR cède, lui, sa place à une série de hubs matérialisés par des villes et villages entrecoupés de séquences couloirs dans lesquelles se raconte l'histoire principale. Un certain nombre d'activités attend Lara dans ces zones peuplées.
Ctrl+C, Ctrl+V
Outre le marchand qui permet d'acheter entre autres des accessoires indispensables pour ses flingues (dont le silencieux pour pistolet qui vient parfaire la panoplie de l'infiltrée), un ou plusieurs donneurs de quêtes demanderont à la jeune Croft d'aller accomplir des missions aux alentours pour récolter de l'or ou des artefacts qui servent eux à apprendre le dialecte local. Enfin, esbroufe parmi les esbroufes employées pour rallonger la durée de vie de la campagne, c'est surtout une tonne de collectibles qui sont cachés un peu partout dans l'environnement. On se retrouve donc dans une structure de jeu à la croisée du Tomb Raider "original" et de sa suite. Les développeurs nous avaient promis juré craché avoir pris le temps de peaufiner les tombeaux et défis annexes. Dans les faits c'est souvent une redite de ROTR : tombeau du vent, épave de galion à gravir, etc. Il n'y a vraiment que les énigmes dans la partie scénarisée qui ont eu droit aux bons soins des designers, particulièrement l'église de San Juan et ses soubassements.Au registre des regrets, c'était déjà le cas dans TR et ROTR : l'esquive et le corps-à-corps dans sa globalité sont toujours et encore problématiques, la faute à une caméra folle qui rend la visée impraticable dès qu'un ennemi approche trop près de Lara. Un comble lorsque certains ennemis ne font rien d'autre que vous foncer dessus tête baissée et en groupe. Autre imprécision agaçante commune aux précédents opus, les quelques courses hollywoodiennes façon QTE manquent souvent de finesse et il n'est pas rare de louper une accroche, car l'héroïne n'a pas réagi à nos inputs pourtant répétés. On peut aussi parler du nouveau type d'ennemi équipé de lunettes infrarouges sensées vous repérer dans les hautes herbes totalement anecdotique, la faute à un level design trop permissif qui vous propose toujours un endroit où vous planquer en hauteur. Pour terminer, deux mots sur l'arbre de compétence qui hérite du syndrome de Batman Arkham. Intéressant à développer pour la jeune aventurière qui apprenait à survivre en 2013, il a ici perdu tout son charme, Lara étant déjà en pleine possession de la grande majorité de ses aptitudes.
Là où SOTR brille le plus, c'est sans aucun doute sur sa partie technique. On ne remerciera jamais assez les petits artisans de Nixxes qui font un boulot admirable sur chaque jeu qu'ils touchent et ici encore, la version PC est soignée. Déjà, c'est l'un des tout premiers benchmarks de la technologie Turing qui équipe les nouveaux avions de chasse de Nvidia. Mais si comme moi, vous ne possédez qu'une carte de la génération GTX, rassurez-vous le rendu est tout de même saisissant et met parfaitement en valeur tout le travail des artistes et les jeux de lumière qu'offrent les paysages péruviens.
Shadow of the Tomb Raider est une conclusion satisfaisante à la trilogie initiée en 2013, un jeu qui plaira à coup sûr aux joueurs qui n'ont pas été trop regardants sur les faiblesses et les facilités de l'épisode précédent. Passé l'émerveillement devant des décors franchement réussis et une aventure il faut le reconnaître bien mieux calibrée, on ne peut que se rendre à l'évidence. En nostalgiques que nous sommes, ce ne sont pas de maigres ajouts de gameplay et une écriture plus digeste qui nous feront oublier la reculade effectuée depuis l'épisode fondateur.