Obscure (2004)
College Attitude
Prometteur, Obscure l’était. Casse-gueule aussi, il faut bien l’avouer, mais bougrement prometteur. Et français ! On a beau dire que c’est sans importance, l’état de mort clinique de l’industrie vidéoludique en France est suffisamment préoccuppant pour que l’on se réjouisse qu’un studio national parvienne à mettre sur pied un projet de jeu, et surtout à le terminer. Rien que pour ça, je mettrai au moins 2/20 à Obscure. Je plaisante, détendez vous.
Les développeurs d’Obscure avaient pour parti pris de reproduire à l’identique l’athmosphère si particulière des teen-movies américains. Première chose qui vient à l’esprit : «Quand on sculpte avec de la merde, faut pas avoir peur de l’odeur». Ainsi, tirer son inspiration d’une batterie de navets cinématographique pour composer un background n’est jamais une très bonne idée, qu’on se le dise. Dans la directe lignée des « trésors » du genre slasher-movie (« The Faculty », « Scream 2 », « Urban Legend », « Buffy » etc.), Obscure dégage dès sa séquence d’intro des ondes fort désagréables, le genre de vibrations qui vous donnent envie d’éteindre au plus vite votre console. Le genre de vibrations qui s’appellent Sum 41. Alors bon, force est d’avouer que l’ambiance des sympathiques daubasses citées précédemment est parfaitement retranscrite... mais un peu trop, quand même.
Les dix premières minutes du jeu nous catapultent sur les lattes bien cirées d'un terrain de basket - lieu favori de l'intelligentsia du campus Leafmore - dans les pompes d'un étudiant idiot qui ne fera pas long feu, à la manière de tous les débuts des films dont s’inspire le jeu. Pas de doutes, nous sommes bien face à une série B à deux balles. Les bases de l’intrigue sont on ne peut plus simples : après la disparition soudaine d’un élève, ses super-potes décident de rester après la fermeture de l’établissement et de partir à sa recherche. Les cons.
Le Club des 5 à Silent Hill
Mélange plus ou moins habile d’Alone in the Dark et de Silent Hill, Obscure se présente comme un survival-aventure à l’ancienne, aussi bien en ce qui concerne la mise en scène que les principales mécaniques du jeu. La caméra, non libre, est posée sur un rail et permet d’obtenir des cadrages typés cinéma « qui le font grave ». Pour le reste, autant dire que l’on est en terrain connu. Carte interactive, lampe torche, monstres dégueux et énigmes capillotractées, tout y est … Mais attendez une minute, ce n’est pas tout. Chez Hydravision on est des créatifs, oui madame, et même que dans le jeu y’a tout plein d’innovations top-moumoute aux poils longs et soyeux…
Premièrement, il faut noter un détail qui a son importance. En effet, en plus d’un background proprement insoutenable, vous allez avoir l’intense plaisir de diriger non pas un lycéen looser, mais une équipe complète de lycéens loosers. Voilà qui rend jouasse… surtout que les développeurs ont eu l’idée de génie de faire de leurs protagonistes une bande de crétins finis. Qu’il s’agisse de Shannon la blondasse suggestive, Kenny et son QI de loutre norvégienne, Stanley le beau-gosse sportif, Ashley la black grande-gueule ou Josh, le naze de service, on ne peut vraiment pas dire qu’on ait été gâtés. Enfilant les clichés comme des perles, et avec le plus grand sérieux s’il vous plait, Obscure était à deux doigts de griller tout son capital sympathie, l’agacement en prime. Heureusement pour lui, l’histoire ne s’arrête pas là…
La dream team de la cour de récré n’est en effet pas là pour faire jolie, et l’équipe est intégralement jouable selon votre bon vouloir. Il est ainsi possible de crapahuter par groupes de deux personnages, choisis par vos soins selon leurs capacités, chaque membre disposant d’une aptitude qui lui est propre. Au final, même si ce n’est pas grand chose, force est d’avouer que c’est rigolo de pouvoir se composer son petit duo perso. Et puis, Shannon et Stanley vont tellement bien ensemble…
Courants d'air
Comme son nom l’indique fort bien, l’intérêt principal d’Obscure réside avant tout dans son concept : l’obscurité, sépabien. Parcequ’à Leafmore, les choses ne se passent pas comme dans n’importe quelle fac de banlieue. En effet, d’indicibles créatures grouillent dans les recoins sombres de la bâtisse, et n’attendent qu’une panne de courant pour vous sauter à la gorge. Encore une excuse pour rater son bac… C’est donc dans ce cadre charmant que nos jeunes amis vont pouvoir s’exercer à l’extermination de monstres en tout genre. Pour ce faire, la fidèle Lampe De Poche©, accessoire indispensable à tout survival moderne qui se respecte, sera elle aussi de la partie. Bien qu’elle n’en ait pas l’air, la torche est en fait une arme redoutable contre les créatures des ténèbres, qu’elle brûle de son faisceau ardent et torride. Inutile d’envisager ne serait-ce qu’une seconde combattre une de ces effroyables bêtes sans elle.
Et les bestioles d’ailleurs, parlons en. Tout comme le design général du jeu, les différentes créatures d’Obscure sont plutôt réussies, alternant avec goût entre excroissances de chair putréfiée et tentacules imbibées de salive. Peu ragoûtant, mais diablement efficace. De même, l’ambiance générale du jeu est tout particulièrement soignée, qu’il s’agisse de la musique ou des graphismes, d’un niveau tout à fait correct. Idem du côté du scénario, bien construit et riche en rebondissements. Bon, il ne faut vraiment pas être réfactaire au trip « The Faculty », mais faut avouer que contre toute attente, la tambouille est plutôt digeste. Du coup, ça fout un peu les boules de devoir subir des doublages français aussi ratés. Même pour un slasher.
Une ambiance réussie donc, mais malheureusement pas assez pour nous faire oublier qu’Obscure reste largement en dessous d’un Silent Hill ou d’un Alone In The Dark. D’une facture trop classique, et empêtré dans les conventions d’un genre extrêmement jalonné, le jeu finit par sombrer dans les affres de la banalité, noyé entre une action trop répétitive et des énigmes d’une simplicité parfois outrancière. De même, certaines fonctionnalités du jeu sont très mal exploitées voir carrément inutiles, à l’image de ce mode coopératif bidon à la Sonic 2, où le deuxième joueur (qui ne sert à rien) est la plupart du temps hors-champ. Et que dire du système d’association d’objets, dont l’interface a très certainement été codée avec des moufles, et dont on cherche encore l’intérêt?
Mais le pire, finalement, c’est peut-être qu’Obscure n’arrive pas à nous immerger suffisamment dans son univers pour nous foutre réellement les jetons. On sursaute parfois, certes, mais ça ne va jamais plus loin. Franchement décevant, parcequ’il y’avait matière. En bref, Obscure n’est pas un mauvais jeu en soi, on peut même dire qu’il est franchement divertissant et bien réalisé, mais également beaucoup trop simple et superficiel pour pouvoir intéresser les amateurs confirmés, surtout sur des machines accueillant déjà l’indétrônable Silent Hill 2. Dommage, dommage…