TEST
Metroid Dread
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : Nintendo MercurySteam Entertainment
Support : Switch
Qui se souvient de Metroid ? Le concept original qui a carrément inventé un genre en son temps n'avait plus donné signe de vie depuis près de 20 ans. Il fallait bien une bande d'illuminés amateurs de sangria tiède, déjà en charge du dépoussiérage de l'autre jeu-genre Castlevania et de feu l’épisode Game Boy Metroid 2 pour revigorer une série singée à l'extrême. Alors oui, j'entends déjà certains vous noyer sous les superlatifs pour parler de Dread : "le retour du Roi", "le seigneur ressuscité", "le meilleur épisode de la saga !". Nous, on préfèrera saluer l'audace d'un studio qui a réussi tant bien que mal à remettre la série sur le devant d'une scène bondée de participants.
Et pourtant, c’était loin d'être gagné. Prenez le pitch du jeu par exemple : arrivés à la bourre après tout le monde, les pauvres occidentaux de MercurySteam doivent jongler avec les miettes d'un arc narratif essoré pendant 20 ans par les Japonais. Coincés derrière l'épisode Fusion et les déboires de Samus Aran avec le Parasite X, les voilà condamnés à reparler de ces (mignons) petits blobs de couleur. On repart donc sous les ordres de la Fédération Galactique vers la toute nouvelle planète de ZDR suivre les traces... du Parasite X qui semble encore vivant et en bonne santé (tiens donc), malgré l'annihilation des SA-X lors du crash de la station spatiale BSL sur SR388.Sauf qu'à peine arrivée sur place, Samus tombe nez-à-nez avec un chozo plus fort qu'elle qui lui retire tous ses pouvoirs (évidemment !). De là commence la longue traversée des laboratoires souterrains qui jonchent la planète et les rencontres avec sa faune locale. Tout en cherchant une voie vers la surface aidée par l'ordinateur de bord de son vaisseau, Adam. Vous connaissez la recette : récupération progressive de pouvoirs jusqu'à devenir un demi-dieu en fin de partie, déambulations dans des niveaux labyrinthiques. Oh et une poignée de boss aux patterns énervés pour pimenter le tout.
Le jeu de l'Adam
Vous avez joué à ça, on y a tous déjà joué. Des Metroid-likes, des "Metroidvanias" aux accents de RPG et plus généralement des jeux d'exploration en 2.5D, il en sort par paquets de 12 chaque année sur Steam. Alors qu'est-ce qui fait de Dread à la fois un authentique représentant de la saga, mais aussi un jeu auquel on ne peut pas passer à côté si on a un tant soit peu d'appétence pour le genre ? Déjà, parce que ça saute aux yeux dès la première demi-heure de jeu : le trip bizarro-sci-fi d'antan laisse la place à une véritable terreur façon Alien insufflée par les développeurs. Si l'univers est moins gluant et sombre que celui des précédents opus, les coursives aseptisées de ce complexe industriel sont également le terrain de jeu d'un tout nouvel ennemi implacable, irrésistible et quasi indestructible : les E.M.M.I. Des robots tueurs qui n'ont qu'un but, vacciner de force Samus contre le COVID-19 à l'aide de leurs gigantesques aiguilles (en tout cas, ça y ressemble). A peine a-t-on franchi le palier de ces "zones EMMI" délimitées que le jeu change sa formule : de chasseur on devient la proie et on a plus qu'une option, la fuite.Le level design de ces zones est aussi méticuleusement étudié pour angoisser le joueur. Les longs couloirs laissent la place à des enchevêtrements de plateformes juste là pour ralentir la belle et favoriser les mouvements de la bête qu'on entend cliqueter au loin.
Et lorsqu'on ne court pas pour sa vie face aux EMMIs, on fait face à des dangers comme des zones a priori infranchissables ou la vie descend toute seule et à des affrontements de boss en assez grand nombre. 20 ans plus tard, Metroid Dread est aussi beaucoup moins rigide qu'à l'époque. On pourrait même dire que c'est là son plus grand succès, arriver à faire table rase du passé, celui où on devait constamment s'arrêter pour viser ou déclencher telle ou telle action. La fluidité est partout ! Dash, rapidité de mouvements, visée à 360°, système de contre/parade hérité de Samus Returns et surtout les presque 60 images par secondes presque constantes (on y reviendra) qui font malgré tout un bien fou à la licence. La parade/contre justement, icône du Metroid à la sauce andalouse qui permet aussi de récupérer un peu de vie et de munitions se met à jour pour ajouter un degré de stress supplémentaire.
Il n'y a désormais plus d'animation qui déclenche automatiquement la frame de contre à l'instant T, mais une subtile fenêtre réduite pendant laquelle un ennemi peut déclencher un "blink" à n'importe quel moment. On retrouve cette notion d'aléatoire dans les ruées quasi imparables des EMMIs (comptez 2% de chance d'arriver à parer). Autre élément qui tranche avec la saga et qui dénote l'audace du studio : Dread casse les codes implémentés par Yoshio Sakamoto et impose au joueur un changement de rythme volontairement violent en milieu de partie. D'exploration-action, le jeu se transforme en ce qu'on pourrait presque qualifier de "boss rush" entrecoupé de séquences de jeu scénarisées. Les zones se font plus étriquées et propices aux coups bas d'un bestiaire aux patterns plus complexes.
Les timings, ceux des boss, sont délicieux, insolents et poussent à refaire en boucle ces orgies de baston jusqu'à trouver LA faille qui permettra une heure plus tard de battre un ennemi qu'on traitait de tous les noms sans perdre une seule barre de vie. Et c'est dans ces moments ou Metroid Dread est vraiment généreux, lorsqu'il nous fait persévérer et sortir victorieux d'un combat qu'on pensait nous faire lâcher le Joy-con pour jouer à autre chose.
Parasite Eve
Malgré le plaisir qu'il procure à nous pousser dans nos retranchements, cet épisode conclusif n'en est pas moins irritant pour des raisons principalement techniques. Déjà, on le disait plus haut, les 60 FPS vantés par Nintendo ne sont en réalité présents que sur la moitié la plus sage du jeu, et encore. Lorsque le chaos commence à régner sur ZDR, entre le déluge d'effets de particules, de réflexions et de boss nerveux qui zigzaguent dans les niveaux, le jeu se met à toussoter sévèrement. On est nombreux à l'avoir constaté à la rédac' dans tous les cas de figure possibles (jeu démat'/physique, console en docké/portable).Et si le framerate fait régulièrement du yoyo, c'est surtout le feeling qui en pâtit, car il semblerait que dans ce cas, le jeu annule trop souvent des commandes manette indispensables pour utiliser des capacités vitales comme le Saut Spatial. Et lorsqu'on perd un combat de boss à cause de ça pour la 10ème fois de suite, il y a de quoi s'énerver contre un contrôle qualité effectué à la va-vite (preuve en est le crash bloquant certains joueurs avant le dernier boss, qui sera corrigé en fin de mois par une mise à jour...). Au registre des couacs, on peut aussi citer une accroche aux corniches trop peu précise et globalement un système de saut aux timings pas agréables.
Autre constatation au coeur de sa mécanique phare : le charme des premières rencontres avec des EMMIs aux IAs pas très fut-fut s'estompe face à la répétitivité indue par des robots tueurs toujours plus mobiles et rapide que nous. Au final, on nous oblige trop vite à suivre le chemin voulu par les développeurs dans ces zones cloisonnées, quitte à try hard en boucle. La mécanique artificielle de flippe/fuite se transforme lentement en parkour par coeur bête et méchant.
Enfin, on regrette que la gestion des transferts de fluides entre les pièces n'ait pas été plus exploitée que cela. Ne vous y trompez pas, Metroid Dread reste un bon cru qui s'en sort avec les honneurs. On pourrait citer tout un tas de détails qui font encore la différence : les mises en scènes en QTEs interactifs qui permettent de mettre à terre les boss plus rapidement lorsqu'on a déniché leur point faible. Une carte bien fichue qui permet de mettre en surbrillance tous les éléments de tel ou tel type. Des arrière-plans qui dévoilent de nombreux détails (le prochain boss qui s'immisce discrètement dans la scène, des robots-machines qui charcutent un cadavre de monstre géant, etc.). Jusqu'aux fameux "objets inconnus" clin d'oeil aux épisodes précédents qui prennent cette fois-ci sens plus tard dans l'histoire... En passant par une bande originale toujours aussi oppressante qui vient nous matraquer les oreilles pendant les pires combats de boss.
La licence la plus sombre de Nintendo plonge cette fois-ci pour de vrai dans la terreur et c'est réussi ! Metroid Dread est à prendre comme il vient, avec son rythme volontairement haché pour faire ressortir le meilleur en lui. Mais aussi hélas ses quelques soucis techniques qui peuvent entacher le feeling manette en main. Mais les équipes de MercurySteam peuvent tout de même être fières d'elles, car elles ont mis un point final aux "premières" aventures de Samus Aran en beauté. Tout en réaffirmant leur indépendance face à ce grand nom du jeu vidéo japonais et à ce que le genre a créé en 30 ans d'existence.