King's Bounty: Warriors of the North
Des Vikings réchauffés
Fils cadet du roi de la petite île Viking de Nordlig resté un peu trop longtemps dans les jupons maternels et raillé à tout-va par son aîné, Olaf est fermement décidé à prouver à son père qu'il est lui aussi capable de s'occuper d'affaires délicates, tout aussi bien que sa brute de grand frère. Fort à propos, une attaque de morts-vivants venus d'on ne sait où menace l'île : voilà une merveilleuse occasion de briller en société que notre avatar ne saurait laisser passer, mais les choses vont bien sûr se compliquer... Comme à l'habitude, les développeurs Russes s'amusent à caricaturer ouvertement le classicisme des scénarios de RPG et nous dépeignent des méchants qui se voient venir à cent lieues et un héros d'une naïveté à toute épreuve, souvent dépassé par les évènements mais que le destin a cependant décidé de frapper de son inéluctable sceau. Autre marque de fabrique de la série, les quêtes secondaires qui introduisent des personnages farfelus sont souvent totalement déjantées, contrastant avec les répliques de notre musculeux blondinet qui sont délicieusement mièvres.
Si le moteur de Kings's Bounty: The Legend n'avait pas à rougir en 2008, force est d'admettre que graphiquement il commence à accuser son âge. Il est heureusement soutenu par une direction artistique une fois encore de qualité, avec des environnements toujours très colorés qui permettent une adroite mise en avant des points d'intérêt des nombreuses cartes à explorer. Côté modélisations, animations et effets divers, ceux qui ont déjà joué aux précédents opus auront le plaisir de retrouver de nombreuses unités déjà rencontrées auparavant et celles qui ont été créées pour Warriors of the North ont fait l'objet d'autant de soin. Difficile enfin de ne pas souligner, une fois encore, la qualité des musiques qui accompagnent exploration et combats, tant elles sont marquantes, variées et superbement orchestrées. Pompeuses à souhait, elles illustrent admirablement cette dualité entre le sérieux d'une quête épique et l'auto-dérision toujours en filigrane dans les King's Bounty de Katauri.
Hero of Might, Mind or Magic
Vous allez tout d'abord devoir décider d'orienter Olaf vers l'une des trois classes disponibles : Viking (combat), Skald (commandement) et Soothsayer (magie), chacune étant associée implicitement à un arbre de compétences. Cette orientation reste relativement souple et va surtout influer sur les trois runes (Might, Mind, Magic) qui vous permettront de débloquer des compétences dans l'arbre de votre choix. Chaque compétence a trois niveaux, et certaines changeront radicalement votre façon de jouer au point qu'il peut être intéressant de les déverrouiller en priorité. En plus des caractéristiques globales d'attaque, de défense et d'intelligence liées au prince Viking et qu'on aura l'occasion d'améliorer au cours de la partie, Olaf a une caractéristique de commandement qui va s'avérer particulièrement importante puisqu'elle limite le nombre d'unités qu'il va pouvoir enrôler.
Passée la troublante prise de contact avec l'humour un peu embarrassant des Vikings de Nordlig, le tutoriel, qui se déroule dans les sous-sols d'un château paternel parfaitement anachronique, nous permet d'apprendre rapidement les rudiments du combat. Une fois cette formalité remplie, Olaf file aux quatre vents à la recherche de ces terribles morts-vivants qui inquiètent tant le roi et c'est l'occasion pour nous de découvrir la carte de l'île sur laquelle figurent les points importants, ainsi que la présence des ennemis et des nombreux objets à ramasser. Ces derniers sont parfois facilement accessibles et on fera bien de faire en sorte que notre jeune prince en fasse la récolte avant de s'attaquer aux monstres qui peuplent la carte, tant ils vont l'aider à améliorer à peu de frais ses compétences. Ainsi, les drapeaux de commandement vont permettre de recruter plus de troupes, les runes de déverrouiller ou d'améliorer des aptitudes, l'or permettra d'acheter de l'équipement auprès des marchands ou encore de recruter des unités, et on aura parfois la chance de trouver armes, armures ou parchemins dans les nombreuses cachettes et trésors disséminés ça et là.
On y croisera aussi de nombreux PNJ, certains nous proposant des quêtes, d'autres de l'équipement, d'autres encore des troupes en quantité limitée. Lors des combats, on va immanquablement en perdre, et il est sage de retourner faire le plein avant les affrontements qui s'annoncent difficiles. Si on s'approche trop près des ennemis, ils tentent de nous poursuivre, et s'il sera la plupart du temps assez simple de les distancer, il faudra toutefois se débarrasser d'eux pour accéder aux trésors ou aux lieux qu'ils gardent.
Rage against the Vikings
Bien rodée depuis King's Bounty: The Legend, la formule de combat n'a pas connu d'évolution notable. Les troupes des deux camps sont disposées de chaque côté d'une zone de combat tapissée de cases hexagonales et suivant l'initiative de chaque combattant, Olaf ou son opposant ordonnent déplacements, attaques ou actions spéciales à chacune. Le prince, qui ne prend pas directement part au combat, peut utiliser parchemins et sortilèges pour tâcher de prendre l'avantage, si sa réserve de mana le lui permet. En plus des sorts, il dispose de compétences uniques améliorables qu'il peut lancer en utilisant la rage, ressource qui croît à chaque fois que des ennemis sont touchés. Lorsque les Valkyries se seront enfin décidées à venir en aide au jeune Viking, la rage permettra également d'invoquer leurs pouvoirs.
La variété est une fois encore au rendez-vous et une véritable profusion d'éléments tactiques permettent de maintenir l'intérêt des affrontement : combattants à distance, sorts de zone, téléportation, invocations, malédictions, bénédictions, vitesse de déplacement et d'initiative, sans compter les aptitudes qui se combinent parfois avec celles d'autres unités. Le combat est d'ailleurs assez tactique, d'autant qu'il ne suffit pas de se débarrasser de toutes les unités adverses, mais de tâcher de le faire en minimisant les pertes. Si on a tendance à assez vite mettre en place des stratégies efficaces, la nécessité de les adapter aux ennemis et de recruter de nouvelles troupes au fur et à mesure qu'on progresse imposent malgré tout de varier les tactiques offensives, ce qui est heureux tant le nombre de combats qu'on va devoir livrer est démesuré.
Malgré une boucle de gameplay somme toute assez redondante, puisqu'il s'agit toujours d'explorer la carte et de ramasser tout ce qui est accessible, de prendre les quêtes, de faire les combats tout en améliorant Olaf et ses unités avant de pouvoir changer de zone, les développeurs Russes ont mis en œuvre tout leur savoir-faire pour briser la monotonie. Les quêtes nous invitent par exemple souvent à retourner dans d'anciennes zones, où les dialogues des PNJ refléteront d'ailleurs notre avancée globale. Les zones ont une grande amplitude dans le niveau des ennemis, ce qui invite parfois à commencer la suivante pour revenir plus tard terminer ce qui était inaccessible ou trop difficile quelques niveaux auparavant.
La corne est pleine
King's Bounty: The Legend proposait déjà un contenu vertigineux et des mécaniques de gameplay d'une remarquable richesse, à tel point qu'on se demandait comment il allait être possible d'en rajouter. Craignant probablement qu'on leur reproche de n'avoir fait qu'un énième reskinnage de leur licence, les développeurs ont chargé la mule mais semblent avoir oublié que la profusion des unités et de leurs compétences, la richesse de l'évolution du personnage, des sorts, de la rage ou encore de l'équipement, finissent finalement par faire naître un sentiment de trop-plein et de flottement dans le déroulement de la partie, tant l'incidence de nos choix semble noyée dans un flot de variables aux effets difficilement mesurables.
S'ils ont adroitement réussi à juguler l'écrasant sentiment de répétitivité que le titre aurait dû générer, sentiment renforcé mécaniquement par une durée de vie absolument colossale, les développeurs n'ont en revanche pas su donner de cohérence aux trop nombreux éléments de game design qu'ils avaient mis dans la balance. On a le sentiment qu'ils ont tout bonnement capitulé devant l'insoluble équation de l'équilibrage de leur jeu.