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Another Code: Recollection, le devoir de mémoire
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : Nintendo Arc System Works
Support : Switch
On peut désormais faire confiance à Nintendo lorsqu’ils nous parlent de Re-quelque chose. Mais si le petit artisan japonais est passé expert dans le retapissage d’anciennes gloires, celui-là, on ne l'avait clairement pas vu venir. C’est un petit peu entre le fromage et le dessert lors du Nintendo Direct automnal que l’annonce est tombée : Arc System Works travaille sur un remake d’Another Code: Mémoires doubles et sa suite Another Code: R, Les Portes de la mémoire. Et pourquoi Arc System Works ? Tout simplement parce qu’une grande partie du casting original s’est exilé chez eux après la fermeture du studio Cing en 2010.
Cing, c’était un peu le spécialiste des jeux d’aventure proposant des puzzles dopés au motion gaming, à l’ère de la DS et de la Wii. On retiendra surtout d’eux Another Code, bien sûr, et le très original Hotel Dusk: Room 215 qui proposait de tenir sa DS sur le côté, comme un livre ouvert pendant toute la partie. C’est d’autant plus étonnant de voir débouler un remake de leurs jeux quand on sait que Nintendo est super timide sur le motion gaming de la Switch, pourtant presque aussi bien lotie que la Wii dans ce domaine. Ce n’est d’ailleurs plus une surprise de constater que ce remake ne contient quasiment aucun puzzle faisant appel au gyroscope ou au pointeur infrarouge du Joy-Con.Au final, tout ou presque a été refait. A commencer par une direction artistique modernisée et surtout unifiée. Ainsi les deux jeux ne sont désormais plus séparés par une génération de console, mais bien enchainés l’un après l’autre dans une seule et même aventure. C’est plutôt bien vu, surtout que le premier épisode pouvait se croquer en une après-midi. Là l’ensemble gagne en cohérence et on fait qu’on s’attache plus à son héroïne, Ashley Mizuki Robins.
Was ist DAS?
Entre murder-mystery, pur visual novel et point & click, Another Code est une série assez unique. On y dirige une pré-adolescente dont le père, un scientifique qui travaillait autour de la mémoire et qu'elle avait perdu de vue depuis des années, vient de l’inviter à la rejoindre sur la mystérieuse Blood Edward Island. En guise de cadeau de bienvenue, il lui fait parvenir le DAS, un appareil qui ressemble étrangement à uneDans sa suite qui se déroule deux ans plus tard, Ashley rejoint son père pour une journée camping autour du Lake Juliet, un weekend détente qui va rapidement tourner à l’enquête autour, là aussi, de disparitions mystérieuses et, évidemment, de sa défunte mère. Ici encore, il sera question de fantômes du passé et de rencontres avec d’autres personnages emmenant Ashley dans des quêtes annexes, mais dans une histoire beaucoup plus légère. Une des caractéristiques des jeux est qu’ils se déroulent chacun sur une temporalité de 24 heures, ce qui permet de conserver un certain rythme pendant toute la durée de l’aventure.
Bon, on reste malgré tout dans du visual novel très bavard, mais l’accélération du scénario au fur et à mesure que le soleil décline est plutôt une bonne chose. Pour le reste, on l’a dit, Another Code: Recollection est bardé de puzzles. Hélas, si les fonctionnalités tactiles et autres étaient l’occasion de varier les plaisir et de se creuser la tête un minimum, les énigmes sont ici beaucoup trop simplistes et on les résout très rapidement. Le remake, qui plus est, a coupé une grande partie des puzzles originaux qui n’ont tout simplement pas été repris et retravaillés, surtout sur le second volume. La première conséquence est une durée de vie nettement amoindrie, comptez 15 heures au lieu de plus d'une vingtaine entre les deux opus sur DS et Wii. Mais on a aussi l'impression de ne plus retrouver ce qui faisait l’essence même du concept d’Another Code.
Dommage parce que visuellement et techniquement, le remake est vraiment très convaincant pour de la Switch. Déjà, fini les vues top-down et de côté qui handicapaient un peu les jeux originaux. Another Code: Recollection se déroule entièrement à la troisième personne, ce qui permet de profiter du paysage et d’apprécier les volumes dans le manoir qui sert de décor au premier épisode. Mais c’est essentiellement sa suite qui y gagne le plus. Il est bien plus aisé de se repérer dans le camping et ses environs maintenant qu'on s'y promène en 3D et les interactions avec les uns et les autres en sont facilitées.
Le soin autour du jeu ne s’arrête pas là : les expressions du visage des personnages et les mouvements de cheveux sont aussi très bien rendus lors des phases de dialogue, et les décors offrent un peu plus de vie qu’à l’époque, grâce à de nouveaux effets d’éclairages et des feuillages animés. Le titre est en plus sublimé par un doublage japonais (et anglais) de très bonne qualité et une bande originale retapée qui y font pour beaucoup dans le plaisir de jeu. Au global, on est très surpris par le boulot effectué par les développeurs qui ont vraiment tout retapé de A à Z, jusqu'aux jolis artworks dans les souvenirs d'Ashley, et la plupart du temps avec goût.
Evidemment, Recollection n’est pas techniquement irréprochable. Les textures en arrière-plan des dialogues sont souvent assez baveuses. Des lenteurs répétées rendent l’interface du DAS assez poussive. Le jeu nous invite par exemple plusieurs fois à prendre des clichés d’objets ou énigmes pour les garder en mémoire et s’en servir plus tard. On a plus vite fait d’utiliser le bouton dédié de la Switch pour prendre une copie d’écran rapide et aller la rechercher dans l’Album plutôt que de sortir le DAS et naviguer dans ses menus lourdingues.
Idem, les seuls collectibles du jeu sont ces origamis posés çà et là qui déverrouillent des archives textuelles lorsqu’on les scanne avec le DAS, mais le scan implique de naviguer dans cette interface et patienter un peu trop longtemps… Enfin, il nous semble que le jeu souffre de problèmes de frame pacing particulièrement visibles lorsqu’on fait un panorama de gauche à droite.
Le simple fait qu’Another Code Recollection existe aujourd’hui est une énigme de plus dans la série. Surtout, on s’étonne du budget accordé par Nintendo à un titre qui n’a finalement qu’une petite niche de fans. Si techniquement, le boulot est plutôt bien fait et qu’il donne l’occasion de se replonger dans un visual novel aussi intéressant à suivre qu’à l’époque, on regrette les coupes franches dans ses puzzles, l’absence de challenge et tout l’aspect motion gaming du titre passé à la trappe alors qu'il était pourtant l’une des marques de fabrique de l’original.