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Un Rédacteur Factornews vous demande :

PREVIEW

Gamescom 24: Lost Records: Bloom & Rage

Newin par Newin,  email  @newincpp
 
Jusqu’à maintenant, je m’étais restreinte aux formats audio à cause de ma maîtrise approximative de l’écrit. Mais aujourd’hui, je ferai une exception, pour ce titre spécifiquement. Cette preview sera très différente de celles que vous lisez d’habitude sur Factor. Pour la Gamescom, j’ai joué à une bêta du jeu, mais j’ai aussi eu l’occasion d’échanger avec les développeurs d’une œuvre et d’une expérience qui m’ont profondément touchée.

Et c’est ce qui rend cette preview si particulière. Lost Records: Bloom & Rage est un gros flashback sur la jeunesse des années 90 qui met en scène des personnages que je définirais comme queer. Ce mot est délibérément choisi ici malgré l’absence de thématiques LGBT, mais j’y reviendrai plus tard.
Lost Records : Bloom & Rage se joue à la troisième personne avec des mouvements relativement limités et quelques interactions qui mènent à des choix. La filiation avec Life is Strange est évidente. Ça bouge comme un Life is Strange, on interagit comme dans un Life is Strange, c’est découpé comme un Life is Strange. L’intérêt dans le gameplay réside donc ailleurs. Dans la démo, on nous mettait devant deux mécaniques relativement circonstancielles.

La première où le jeu nous demande d’interagir avec une boîte à rythme, la deuxième où on manipule un caméscope. Je reviendrai sur le signifiant de cette dernière interaction plus tard. Retenez simplement que l’essentiel du gameplay tourne autour de cette caméra. Cela étant dit, comme c’est un jeu narratif, j’aimerais surtout vous parler de ce qui s’y dit et ce qu’on y montre. J’ai commencé cet article en qualifiant les personnages de queer. J’ai choisi cet adjectif parce qu’il a deux sens, l'original qui désigne des personnes étranges et celui maintenant plus répandu.

Le mot a aussi et surtout été utilisé pour désigner les personnes LGBT qui se le sont par la suite réapproprié comme une bannière de rassemblement. Kat (l’un des quatre personnages principaux du jeu) le dit d’ailleurs très bien : “I can’t complain, I like weirdos”. Cela dit, sur ce point, le titre n’évoque jamais le sujet LGBT et c’est donc probablement moi qui lis un peu trop dans les signaux que le jeu me donne. Dans mon entretien, j’ai fait part de cette lecture aux développeurs et, même si le sujet LGBT n’a pas été évoqué par eux (je dirais même qu’il a été évité), celui de la sororité était par contre très important.

Pour continuer sur ce thème, j’ai mentionné un autre détail qui m’avait beaucoup intéressée et qui était très présent dans la démo : le punk. En cherchant un peu, on trouve notamment le terme “Riot Grrrl” utilisé pour décrire Kat. Je ne vais pas vous faire l’affront de vous expliquer tout l’ancrage protestataire dans le punk. Beaucoup des mouvements qui en sont issus ont leurs spécificités, souvent stylistiques, parfois politiques, ou les deux. Les Riot Grrrl ont un ancrage à la fois politique et stylistique, évidemment marqué par le féminin. Un féminin qui essaye de se défaire des contraintes de la féminité par les codes du punk.

De façon intéressante, “punk” est (comme queer) une réappropriation d’un terme péjoratif, porté comme l'étendard d’un style de vie différent. Les Riot Grrrl s’inscrivent dans les années 90 (comme le jeu) et les développeurs me confiaient qu’ils étaient particulièrement intéressés par le côté “les femmes peuvent le faire aussi”, qui est l’une des fondations du mouvement. Ils me disaient aussi que cette lecture politique était introduite par Kat, qui est décrite comme une personne cultivée et lettrée. Mais on découvre surtout cette émancipation par l'aspect contestataire qu’induit la relation entre Nora et Autumn.

Automn, accordant sa guitar, Qualité VHS
Une qualité VHS qui sent bon les 90's

Les deux ados sont les musiciennes du groupe et ont l’air instantanément proches, suffisamment pour exciter l’aiguille de mon gaydar à peu près aussi fort qu’un compteur Geiger à côté d’un demon core après une sale histoire de tournevis. Elles ont aussi une dynamique, avec l’une très exubérante et fière et l’autre en miroir qui a encore beaucoup de honte à s’afficher ; dynamique qui apparaît comme les deux faces d’une pièce sur l'acceptation de cette singularité que j’ai décrite au début.

Maintenant, c’est la partie de la preview qui va devenir personnelle. Pour celles et ceux qui n’écoutent pas les podcasts, j’ai une nouvelle pour vous : je suis trans (et accessoirement aussi bisexuelle). Ma musique se compose d’à peu près 80% de jeux vidéo et le reste d’une énorme quantité de punk. J’aime surtout écouter du punk féminin avec des groupes tels que Not On Tour, War On Women, Besserbitch... J’ai aussi appris la guitare (électrique) quand j’étais ado, mais je n'ai jamais joué dans un groupe. Je suis de 92 et je n'étais donc définitivement pas adolescente à cette époque, mais le jeu a quand même réussi à faire quelque chose que je n’avais pas vu depuis Ladybird : ressentir une nostalgie par procuration d’une enfance que je n’ai jamais eue.

Pour la personne trans que je suis, cette vie de jeune fille que je n’ai pas vécue me manque profondément. C’est à la fois une source de frustration liée à cette partie de ma vie que je n’ai pas connue et ne connaitrai jamais. Mais c’est aussi beaucoup de regrets de ne pas avoir compris et transitionné plus tôt. Alors, quand une œuvre parvient à me faire ressentir un petit bout de cette enfance, j’ai le cœur serré et les glandes lacrymales qui s’agitent. Mais la beauté de Lost Records: Bloom & Rage ne s’arrête pas là. Elle touche à un autre aspect qui parvient à titiller en moi à la fois la critique envers les tendances formalistes et mon autre amour qu’est le cinéma. La protagoniste, répondant au nom de Swann, est une cinéphile d'un cinéma que je qualifierais d’alternatif et que d’autres désigneraient sous l'appellation de “films de vidéoclub”.

Le jeu s’ouvre notamment sur Swann qui cherche sa VHS du film Dark Crystal et le titre est à deux doigts de citer The Crow. Après avoir trouvé sa cassette vidéo, le jeu nous demande de nous saisir d’un caméscope, qui s’avère être la réplique exacte de celui que j'avais quand j’étais petite. Parce que oui, je vous le donne en mille, ma connexion avec Lost Records: Bloom & Rage ne s’arrête pas là. J’ai passé un bout de mon enfance à être une grande fan de science fiction et j'avais à l'époque mis la main sur un caméscope Sony avec lequel je tournais des scénettes d’action en compagnie d'amis. Imaginez mon petit cœur se mettre à fondre à la vitesse d'une glace à l’italienne sur mercure quand le jeu nous demande de saisir ledit caméscope pour commencer à filmer. Le jeu présente une mécanique à base de pointer et filmer. Je me suis vite demandée si c’était un gimmick spécifique au début de la démo ou une mécanique qui allait s’inscrire tout le long du jeu. Les développeurs m’ont dit que cette caméra allait être centrale et le concept de point de vue important.

Une etagère pleine de VHS
Point Break ? Heavenly Creatures ? Serais-tu en train d'essayer de me dire quelque chose ?

Elle constitue alors une mécanique tangible de gameplay, au contraire de Life is Strange qui introduisait Maxine par la photographie, sans véritablement inscrire celle-ci dans le jeu alors qu'elle aurait pu constituer une force évocatrice forte de la mémoire figée dans le temps, complémentaire de cette capacité de réécrire le passé. Ici, la question du point de vue et de la mémoire est centrale et mécanique. En jeu, cela se traduit par le fait de pointer vers les objets et les personnages puis d'enregistrer, personnages qui ont tendance à réagir à ce que Swann filme.

Deux choses en ressortent, la première est que la réaction des compagnons a tendance à “mettre en jeu” (comprendre au sens “mettre en scène”) le commentaire sur le point de vue. Le jeu essaye de mettre en lumière et de façon dynamique le sens évocateur du regard. La seconde est la mémoire. Le jeu va conserver ce que le joueur a décidé d’enregistrer pour rejouer les séquences plus tard. Les développeurs m’ont expliqué que Swann avaient pris l’habitude d’enregistrer tout et rien, comme une sorte journal de vie, ce qui vient compléter l’idée d'un grand flashback et accentue l’aspect nostalgique du jeu.

Je pourrais encore longuement vous parler de l’évocation du style MTV qui est très présent ou du found footage qui apparaît vers la fin de la démo mais cette preview est déjà bien assez longue. Je vais donc m’arrêter ici et résumer en vous disant que Lost Records: Bloom & Rage m’a touchée au plus profond ; que les intrications à la fois mécaniques et narratives lui donnent un potentiel évocateur qui me passionne ; qu’il est traversé par une quantité de sujets politiques qui m’intéressent.

Alors certes, je pourrais faire ma pisse-froid et dire que les mécaniques de montage et d'enregistrement pourraient être plus étoffées afin de rendre l’action de filmer intrinsèquement fun. Mais au vu de la quantité d’émotions que m’a données cette démo, Lost Records: Bloom & Rage s’est fermement inscrit comme un rendez-vous que je ne raterai pas. Rendez-vous que j’attends pleine d’espoir pour un jeu qui me marquera longtemps. Et même si ça ne devait pas être le cas, cette démo à elle seule était déjà un bonheur à découvrir.
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