TEST
ShootMania
Fort de son expérience Trackmania, Nadeo remet le couvert du jeu social, s’attaquant cette fois-ci à un gros morceau : le FPS multijoueur compétitif. Il faudra certainement jouer des coudes pour s’imposer sur un territoire déjà assez peuplé, pourtant, entre son rythme propre à exciter les joueurs de Quake 3, son look ridicule, assuré de les faire fuir, et son éditeur de niveau, ShootMania semble déjà avoir tiré son épingle du jeu. Qu'en est-il finalement?
Le premier contact avec le jeu n’a rien de très rassurant. Avec son interface impersonnelle qu’on croirait inspirée du Xbox-Live, on ne peut pas dire que le jeu se la joue séduction. Tout est aseptisé, à l’image du cœur du jeu. Ceux qui débarquent sans avoir touché à Trackmania vont devoir trouver leurs marques. Si tout est propre, il y a clairement un manque de lisibilité en ce qui concerne les modes de jeux et leurs règles qui rendent les premiers pas confus. Vous devrez vous familiariser avec Storm, Royal et autres appellations obscures. On aurait bien aimé que des bulles s’affichent simplement en passant la souris sur les différentes icônes. Une seule solution finalement, apprendre sur le tas. De ce côté là, pour joindre une partie pas de problème, en trois clics c’est réglé. D’une certaine façon, c’est l’essentiel.Graphiquement c’est d’ailleurs aussi l’essentiel. Vous ne vous attendiez à rien d’extraordinaire ? Vous aviez raison. Le jeu est mignon, lisible, fluide et devrait pouvoir tourner sur à peu prêt toutes les machines. C’est tout ce qu’on lui demande, et c’est tout ce qu’il offre. L’effet bloc dû à l’éditeur de niveau est bien présent, mais pas gênant dans la mesure où le jeu ne cherche pas vraiment à simuler un environnement réaliste, mais une arène aux contours bien délimités. Plus que le terrain de jeu (on est habitué aux maps closes finalement), c’est surtout l’interface et l’ambiance qui risquent de donner des boutons aux plus sensibles. Pas d’armes visibles, des skins de joueurs et des tirs d’armes multicolores, pas de body-awarness ni de sang, des explosions minables : bref tout est réduit au maximum au profit de la lisibilité et de accessibilité.
Dans ShootMania, nous ne sommes pas un Marines écrasant ses adversaires dans des explosions de tripes et de feu, mais bien ce type fluo qui saute partout et qui disparaît après avoir été « touché » trois fois. Pas de quoi hurler à chaque frag en se baignant dans le sang de ses victimes, la testostérone ou l’imaginaire militaire sont restés au placard.
ShootMania c’est lisse, gentil et tout public. C’est bien la logique sportive qui sous-tend le jeu : tous les joueurs sont classés selon leur performance continentale, nationale et régionale. Des compétitions sont organisées ça et là. Et on ne dit d’ailleurs pas frag, mais pudiquement élimination.
Du coup, le gameplay a lui aussi subi une purge similaire. C’est un jeu que même ta grand-mère elle peut comprendre comment y jouer. Vous-même ne devriez donc pas avoir trop de mal à le prendre en main, puisqu’en dehors des déplacements, il vous suffira de deux boutons pour jouer (tir et endurance/saut, les deux sur la souris). Ensuite, tout est une question de dosage : il faut gérer sa barre de stamina pour rester le plus mobile possible. Pas de crouch, pas de lean, on n'est pas là pour camper. Les déplacements sont très rapides et dépendent du terrain : avec les rampes et les stations de sauts disposés sur les cartes, vous pouvez atteindre des vitesses et des hauteurs impressionnantes, à condition d’accumuler le skill nécessaire.
Quant aux armes, vous n’en possédez qu’une à la fois. La plus commune est un lance-roquette qui dispose de 5 munitions. Elles se rechargent avec le temps, ce qui fait que vous pouvez vite passer du rôle du prédateur à celui de la proie. Il peut être plus utile d’attendre d’avoir trois coups en recharge que de les tirer un à un au fur et à mesure. D’autres armes sont disponibles, mais elles sont limitées à une zone. Tant que vous y êtes, elles remplacent automatiquement votre lance-roquette. Shotgun, raygun, lance-mine et d’autres joyeusetés selon les modes de jeu et les cartes viendront donc régulièrement booster –ou pas- votre arsenal.
C’est qu’il n’y a pas d’armes ni de positions ultimes. Les situations changent tellement rapidement qu’un avantage peut bien vite tourner en votre défaveur. Il faut donc être rapide et réactif autant dans les déplacements que dans les prises de décision. Jouer sur la verticalité quitte à être exposé, se cacher au risque de se retrouver coincé, traverser le champ de bataille à toute vitesse plutôt que de miser sur l’affrontement direct. Le skill a ici tout autant d’importance que le fait de connaître les cartes, de savoir gérer munitions et endurance ou de repérer les positions de vos adversaires.
Outre son gameplay, le grand argument de ShootMania est bien sûr la possibilité d’inventer et de partager des cartes et des modes de jeu. Pour ce qui est des cartes, l’éditeur est facile d’utilisation, mais créer des maps équilibrées et intéressantes restera hors de portée du commun des mortels. Si vous êtes un joueur moyen, vous expérimenterez sans doute pour jouer entre potes, mais probablement pas plus.
Quant aux modes, en dehors des classiques Melee et Battle (en fait un Capture the flag) le jeu sort déjà avec des variantes bien plus intéressantes : le Battlewave et Royal, très accessibles et funs et des modes plus techniques Elite, Heroeset Joust.
Le mode Royalreprend le principe du chacun pour soi : le dernier debout gagne le round, sauf qu’il est possible d’activer un pylône qui réduira l’espace de jeu au minimum par le moyen d’une tornade géante. Pas très subtil, mais très drôle.
Le mode Battlewaveest un Capture the Flag dont les règles ont été modifiées pour rendre le tout beaucoup plus dynamique. Chaque équipe doit capturer des pôles pour gagner. Elles ne peuvent les capturer que lorsque l’équipe a l’initiative d’attaque. Dès lors un chronomètre de 15 secondes s’enclenche et sera réinitialisé chaque fois qu’un pôle est en train d’être capturé. L’équipe qui défend doit donc empêcher tout attaquant d’atteindre un de ses pôles 15 secondes consécutives, afin de regagner l’initiative. Ce principe fonctionne assez bien et peut donner lieu à des parties serrées jusqu’à la fin : sur une session d’attaque bien coordonnée, une équipe peut rattraper tout son retard. Les joueurs sont toujours en tension entre la perspective d’anticiper l’initiative en avançant vers les pôles adverses, et celle d’être suffisamment nombreux pour défendre leurs propres pôles.
Le mode Elite, qui semble avoir la faveur des compétitions, est lui aussi très amusant, mais s'adresse à des joueurs ayant un peu plus de bouteille. Deux équipes de 3 attaquent à tour de rôle : l’attaquant est seul mais possède un raygunqui one-shot ses adversaires. Les défenseurs sont trois mais doivent réaliser trois touches sur l’attaquant. Le jeu se déroule en deux phases. D’abord l’attaquant doit survivre, puis une fois le pôle activé, il dispose d’un court laps de temps pour le capturer. Il gagne s’il y arrive ou bien s’il tue ses trois adversaires. Il existe une variante hardcorenommé Heroesqui propose du 5v5 et deux pylônes au lieu d’un.
Enfin, le mode Joustqui propose du 1v1 mais avec munitions limitées à recharger en passant sur des pylônes pousse à la mobilité et à un jeu de poursuite/fuite amusant, mais qui risque de vite se terminer si vous ne connaissez pas la carte.
Dans Shootmania, tout semble avoir été pensé comme géométrie variable de positionnements et de rapports de force. Les différents phases de jeu, les tornades, les déséquilibres des armes et des rôles forcent le joueur à constamment ré-envisager son comportement (chasseur/chassé, défense/agression, prudence/risque). Le tout produit un véritable ballet stratégique, quasi-abstrait, et rendu hyper fluide par la vitesse et la limpidité des mouvements, des graphismes et une interface épurée au possible. L’important n’étant plus alors la forme du jeu mais bien les situations toujours changeantes qu’il produit.
ShootMania renoue là avec le plaisir premier de notre enfance, quand on jouait à chat ou à l’épervier. Un terrain de jeu, des règles à définir et surtout un jouer ensemble à inventer, compétitif et pourtant social. Dans le mode Royal par exemple, lorsque l’on meurt en premier, le jeu nous redonne un point de vie. Pour attirer son public, ShootMania n’exploite pas d’univers, comme a pu le faire avec succès Natural Selection 2, mais juste un lieu de jeu. En ce sens, il a autant à voir avec un shooterqu’avec Bombermanou même une partie de balle au prisonnier. C’est bien un fast-fps mais qui pourrait tout autant être la simulation d’un vrai sport du futur, où des concurrents bariolés joueraient au chat et à la souris au milieu de ruines écossaises.
Bien sûr, comme tout jeu communautaire, Shootmaniasera largement tributaire de son succès public et de la ténacité de sa communauté, mais on a d’ores et déjà envie de saluer la prise de risque énorme de Nadeo : sortir un FPS grand public et compétitif qui ne repose sur rien d’autre que le simple et pur plaisir de jouer, il fallait oser. On peut reprocher un manque de profondeur du gameplaysur le long terme, mais il ne s’agit pas tant ici de façonner un skillque d’investir un terrain de jeu, ce que n’hésiterons pas à faire, on l’espère, des moddeurs de qualité. Le potentiel est là, espérons que le jeu puisse convaincre.
Derrière l’aspect minimaliste rebutant au premier abord, se cache dans ShootMania un jeu jouissif, exigeant et surtout immédiatement très amusant. Même si vous n’êtes pas un grand fan de FPS, n’hésitez pas à tester la bête, le résultat pourrait vous surprendre.