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Ultros

Xavor2Charme par Xavor2Charme,  email
Développeur / Editeur : GOG Kepler Interactive Hadoque
Supports : PC / PS4 / Steam / PS5 / Epic Games Store
S’il y a bien un style de jeu de gougnafier, c’est bien le metroidvania. Quand on y pense, le style de jeu préféré des indés consiste la plupart du temps à venir foutre le bazar chez quelqu’un qui, ok, est méchant, mais qui suis-je pour juger ? Imaginez, vous êtes dans votre chambre, tranquille en train de savourer un verre de vin en vous demandant “Hum, au fond, qu’est-ce que l'homme?” quand soudain un zozo débarque, zigouille un par un vos proches et vos potes, déshabille leur cadavre pour porter leurs fringues, saccage votre mobilier, s’approprie votre bâton sauteur planqué dans votre garage avant de venir vous planter avec votre propre Opinel n°13 ! Alors quand Ultros en tente une approche différente, évidemment je suis curieux outre le fait que lorsque je l'ai découvert, je me suis dit, je cite: “la vache ! qu’est-ce que c’est beau !”.
Ultros, sorti le 13 février 2024, est donc le rejeton d’El Huervo, connu pour ses musiques et illustrations sur Hotline Miami 1 & 2 (Dennaton, vous me manquez…) et beaucoup moins pour sa participation à un jeu un peu oublié que j’aime bien, Else Heart.Break(), un étrange mélange de jeu de programmation et de Shenmue au pays des hipsters. Son retour au jeu vidéo se fait par le genre star de la scène indépendante, le Metroidvania, en proposant une relecture à la fois classique tout en essayant de le subvertir. 

Les développeurs ont effectivement pris de la drogue

Évacuons donc immédiatement l’éléphant dans la pièce, le jeu est super beau. Même super giga ultra-beau. Les couleurs pètent dans tous les sens, les designs des personnages sont inspirés et les décors vraiment impressionnants visuellement. Ce n’est pas tous les jours qu’un jeu débarque avec une direction artistique pareille, qui ne ressemble à rien d'autre. Je n’ai jamais pris de LSD parce que c’est illégal et que je dis non à la drogue, mais le jeu restitue bien l’idée que l’on se fait d’un gros trip.

C’est en voyant ce genre de DA que l’on se rend compte du peu de styles graphiques proposés par le médium, surtout comparé aux mondex de l’illustration, de la bande dessinée et du design. Le jeu vidéo peut techniquement afficher tout et n’importe quoi et l’on se retrouve en permanence confronté aux mêmes techniques graphiques. Il existe d’autres styles que le photoréalisme, le manga ou le pixel art ! Heureusement que ce genre de jeu débarque de temps en temps et de plus en plus fréquemment : entretemps Harold Halibut et sa magnifique stop-motion est enfin sorti.

Les animations sont moins époustouflantes, ce n’est pas de l'image par image raffinée à la Cuphead et elles font un peu “jeu en flash”.  Elles font le boulot, mais desservent la maestria visuelle. Il est aussi tout à fait légitime à la vision des captures d’écran de se demander si c’est lisible tout ce beau bazar. La plupart du temps le jeu l’est, mais il arrive effectivement qu’il soit difficile d’y retrouver ses petits. 

Metro(id), Ultros, Dodo

La structure du jeu semble au départ assez classique : nous sommes le zozo qui vient tout casser en explorant un utérus-vaisseau spatial de gauche à droite et de haut en bas. Ultros nous assigne la destruction de 9 shamans éparpillés sur la carte, généralement gardés par un boss. La progression est classiquement bornée par l'obtention de pouvoirs comme l'indéboulonnable double saut ou d’autres pouvoirs plus originaux. Une fois tous les shamans zigouillés, boss final et zou, un générique et au lit au bout d’une dizaine d’heures si on se contente de la mauvaise fin. Ultros propose néanmoins plusieurs originalités au cours du jeu, menant, si on le souhaite, vers la bonne fin. 

Twist à Saint-Ovaire

Le plus évident est qu’une fois un shaman occis, le jeu boucle et nous renvoie au début, nous dépossédant de nos pouvoirs et améliorations. Ce petit aspect rogue-lite permet au jeu de déployer plus efficacement sa narration (qui arrive à être mystérieuse sans être pompeuse) ainsi que de mettre facilement en évidence le vrai propos du jeu : nous ne serions en fait pas là pour foutre le bazar.

Si lors des premières boucles, nous traversons le jeu en tapant sur tout ce qui passe en se nourrissant de la chair des ennemis pour gagner de l’expérience, assez rapidement un personnage nous apprend à planter des arbres, à récolter leurs fruits et leurs graines. Les fruits apportent plus d’expérience que la chair animale, les graines permettent de faire pousser des plantes ouvrant des passages. Il est possible de nourrir les ennemis pour qu’ils deviennent nos potes, bref, de vivre en symbiose avec l'environnement.

Ultros c’est trop

Le souci, c’est que pour parvenir à parcourir le jeu de manière pacifique, il va falloir suer. Le jeu n’explique quasiment rien de ses mécaniques de jardinage et de copinage, encourageant de fait l’expérimentation. J’ai donc essayé de planter un peu au hasard en espérant que c’était le bon végétal pour débloquer un passage et tenter de nourrir la bonne bestiole en épuisant mes stocks de nourriture. Il faut aussi savoir que la téléportation ne se débloque qu’au fur et à mesure de cette poursuite vers la bonne fin, rendant les énièmes aller-retour encore plus pénibles.

Au fil de cette belle quête vers la symbiose plutôt que vers la destruction, j’ai commencé à me lasser de ces beaux visuels tout en pestant contre l’absence de plaisir manette en main. La maniabilité du jeu est rigide et l’on n'atteint jamais cette virevoltante maîtrise typique du genre une fois tous les pouvoirs débloqués. Pire, la mécanique de sprint qui se déclenche au bout d’un moment se réinitialise à chaque changement de tableau. Le personnage passe alors son temps à accélérer et ralentir, rendant l’exploration frustrante. Le système de combat est au mieux anecdotique, rigide comme le reste des contrôles, basé sur un système d’esquive répétitif.

Dépité, je me suis contenté de la mauvaise fin pour ne pas complètement pourrir mes quelques ressentis positifs envers le jeu. C’est dommage, c’est rare les jeux dans lesquels on répare au lieu de tout casser.

Avec des contrôles plaisants et en étant un peu mieux guidé, il y aurait eu moyen qu’Ultros réussisse son pari : sortir le Metroidvania de ses habitudes destructrices et déprimantes pour devenir un classique du genre. En l’état, nous avons un très beau jeu intéressant à parcourir une fois pour le délire visuel, mais dont l’accès au vrai propos demande beaucoup trop d’investissement et de frustrations au joueur. Malgré tout, je n’arrive pas totalement à lui en vouloir et reste heureux que ce genre de tentative arrive à voir le jour.

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