NINTENDO DS : LE GROS DOSSIER
LA NINTENDO DIFFERENCE
Première console portable à être dotée d'un écran tactile, la DS est un pari à la hauteur des ambitions de ses concepteurs. Ainsi que nous le prouvent les paroles du toujours modeste Satoru Iwata, illustre président de Nintendo Corporation. Surpris en pleine crise de marketing lyrique, Iwata a ainsi avoué que selon lui, " la Nintendo DS va changer la façon de jouer aux jeux vidéo ", de même que la mission de sa société est de " développer de nouvelles expériences de jeu ". Après plusieurs décennies passées à recycler ses vieilles licences jusqu'à plus soif, nous sommes très heureux d'apprendre que Nintendo prend enfin de bonnes résolutions. Et puis au vu des jeux à venir, il n'y a assurément pas à s'inquiéter quant au potentiel ludique de la bête. Le fun sera bel et bien là. Seulement voilà, si l'on réfléchit à l'impact que pourrait avoir la DS sur l'industrie du jeu, on s'aperçoit que loin de faire un pas en avant pour surpasser une concurrence aussi douée que féroce, Nintendo écarte en fait le problème d'un geste de la main. Et propose un produit non pas nouveau mais différent. Il ne s'agit pas ici pour eux de faire avancer leurs mécaniques de gameplay, mais bien de tout reprendre à zéro un peu plus loin en nous détournant le regard. Loin des vrais problèmes auxquels ils sont confrontés. La Nintendo DS s'affirme de fait comme un espace de jeu où la machine est reine et dicte ses règles aux développeurs, paradoxalement confrontés à une ouverture ludique à priori intéressante mais dont l'importance qu'on lui donne semble destinée à occulter le jeu lui même. A la manière de Donkey-Konga et sa paire de bongos-alibis, la Nintendo DS déplace subtilement les attentes que l'on peut avoir d'un jeu vidéo en occupant l'espace de pseudo innovations secondaires. Ou comment faire passer l'inconséquent pour l'essentiel. Et du coup, en se focalisant sur son concept-gadget, en nous submergeant de communiqués de presse emphatiques quant à cette nouvelle génération de machines sensorielles où l'on va toucher, sentir, frotter, pointer etc., Nintendo oublie que l'on vient avant tout pour jouer.
DOUBLEMENT FRAGILE
Cette fuite en avant résume assez clairement la situation dans laquelle se trouve Nintendo. Forcé à se renouveler face aux menaces d'un concurrent passé maître dans l'art de faire rouler les têtes et prêt à tout pour faire de sa PSP rutilante le nouveau accessoire technologico-branchouille à posséder absolument au fond de sa poche. Autant dire que sur ce terrain là, Mario et ses potes doivent un peu moins se marrer, d'autant que le chemin emprunté ne garantit en aucun cas qu'ils s'en sortiront indemnes. La Nintendo DS est en effet doublement fragile. Même si l'interface bi écran est d'une certaine façon prometteuse, il est d'ores et déjà possible de constater que certains jeux ne sont que de paresseuses adaptations qui délaissent totalement les possibilités offertes par l'écran tactile. Et qui pourraient aussi bien sortit en l'état sur GBA. De même que de nombreux jeux sensés tirer parti du hardware de la machine ne semblent exister que dans le seul but de coller au cahier des charges imposé par la DS. Et vas-y que je te joue Mario 64 au stylet, que je souffle sur ma console pour avancer dans Project Rub, véritable catalogue ludique des possibilités offertes par la console… Cela illustre bien le dilemme auquel est confronté Nintendo, d'un côté figé dans un domaine d'expression ludique dominé (et donc limité) par son hardware, et de l'autre tenu de fournir plus qu'une simple évolution de sa GBA. En résulte toute une gamme de jeux qui n'existe que par obligation technologique, et dont l'adaptation semble avoir été réalisée aux forceps. Des jeux esclaves de leur plate-forme, est-ce là l'avenir que Nintendo souhaite à son industrie ? Quoiqu'il en soit, et malgré des jeux qui s'annoncent indubitablement réussis, la Nintendo DS n'a rien de la machine expérimentale que ses concepteurs s'évertuent à nous vendre, pas plus qu'elle ne sonne le glas de la révolution au sein d'un média sujet à une grave crise identitaire. Le jeu gadget comme retour aux sources ? Messieurs les développeurs, la balle est dans votre camp.