TEST
The Walking Dead S02E04 : Amid the Ruins
par Nicaulas,
email @nicaulasfactor
Après un troisième épisode qui aura un peu divisé les joueurs, entre ceux enthousiasmés par l’intensité narrative et ceux déçus par le comportement très adulte de Clementine, on approche tout doucement de la fin de la saison deux de Walking Dead. Une fin qui s’annonce délicate à aborder pour Telltale : là où la saison une montait progressivement en puissance, cette saison deux a très vite placé la barre très haut.
S’il y a bien une chose qu’on ne peut pas reprocher à cette saison, c’est de ne pas avoir tenté d’optimiser petit à petit la formule mise sur pied par la saison une. Bien sûr, tous les fondamentaux sont à nouveau présents, de la réalisation techniquement poussive au système de dialogue ouvert en passant par les dilemmes. Mais le deuxième épisode a marqué un tournant en reconnaissant ouvertement la baisse de rythme occasionnée par les phases de point’n click, les réduisant à la portion congrue. Et cet épisode quatre, lui, prend le parti de ne plus vous accorder une seconde de répit en vous soumettant à un feu nourri (encore plus que d’habitude) de dialogues et de choix.
Absence inverse
Et échoue partiellement. Ce qui surprend le plus, c’est le retour en force des phases de point’n click pur sucre, comme on en trouvait à foison dans la saison une, où il faut se déplacer d’objets en objets pour les observer, les activer, éventuellement les combiner.Et après avoir expérimenté deux épisodes n’en contenant quasiment aucune, le contraste joue terriblement en la défaveur de ces phases de jeu. Parce que la maniabilité est toujours aussi raide, et parce que ces séquences suspendent le déroulement du temps : là où rater un QTE ou prendre trop de temps pour répondre dans un dialogue a des conséquences immédiates et irréversibles, on retrouve ici des séquences supposées être tendues (basiquement, des zombies frappent à la porte) qui sont en fait effroyablement pépère et safe (ils ne rentreront pas tant que vous n’aurez pas observé la canette vide sur le sol). Un choix relativement incompréhensible quand on se rappelle à quel point l’épisode précédent avait réussi à faire grimper la tension sans y recourir.
Ceci étant dit, Amid the Ruins reste captivant, notamment parce qu’il tranche dans le vif du sujet à l’approche du dénouement de la trame principale. Les personnages secondaires mineurs sont évacués d’une manière ou d’une autre, pour faire de la place aux compagnons de route de Clementine les plus intéressants. Si le troisième épisode avait permis la reconstitution d’un groupe autour de notre adolescente à casquette, il est déjà mis à rude épreuve. Certes moins brutalement que dans sa confrontation avec Carver, mais plus méthodiquement, puisque la fuite en avant initiée depuis le premier épisode continue minute après minute. L’effet est saisissant et on est happé dans le jeu (pas très longtemps, on est toujours sur une durée moyenne d’une petite heure), ne serait-ce que parce que, une nouvelle fois, un grand nombre de péripéties se déroulent dans une seule unité de temps (une journée), de lieu (les ruines d’un musée) et d’action (spoilers). Le cliffhanger de fin d’épisode est à ce titre assez terrible, puisqu'intervenant après un épisode riche en péripéties, et en annonçant une pelletée de nouvelles.
A Christmas Clementine
Le deuxième point fort de cet épisode, c’est qu’il consacre une grande part de son temps à s’intéresser aux femmes du groupe. Rétrospectivement, à part Clementine, la femme était assez peu à l’honneur dans la première saison. Mère de famille effacée, grande gueule traîtresse, fille dévouée, marâtre façon Auberge Rouge, louve solitaire foldingue… Il n’y avait guère de positif dans tout ça. Non pas que les personnages masculins étaient des enfants de chœur de leur côté, mais on leur accordait plus de temps pour développer la complexité de leur personnalité et apparaître moins caricaturaux. Ici, les rôles s’inversent. Mis à part Kenny, qui commence sérieusement à déconner du carafon à force de voir des horreurs, on trouve seulement un black costaud et un bellâtre inconsistant, et ce sont les femmes qui prennent les choses en main. Avec des personnalités très différentes, mais à qui l’épisode offre du temps de présence et de parole pour les développer, elles font avancer l’intrigue, et enlèvent des épaules de Clementine le poids du rôle de leader. Non pas qu’il y en avait spécialement besoin, les reproches faits à l’épisode précédent sur ce point me semblant hors de propos, mais ça permet sans doute d’éviter de transformer Clementine en super héroïne badass, et de caser une scène clin d’œil à des épisodes précédents. S’il m’est permis de donner ici un avis très subjectif et vulgaire sur ce point, c’est une idée à la con qui fait régresser le personnage à son statut de la saison une, à tel point que les dialogues ne proposent même plus d’utiliser son jeune âge pour attendrir l’adversaire et se servir de lui.
Néanmoins, une autre manière de comprendre l’omniprésence des personnages féminins, c’est qu’ils placent Clementine à la croisée des chemins, en la confrontant à ses fantômes passé, présent et futur. Sarah, la gamine apeurée et inadaptée à la survie, fait écho à la Clementine de la saison une. Jane, survivante solitaire, efficace, mais torturée est une projection de ce en quoi on est en train de se transformer dans cette saison deux, l’empathique Bonnie servant d’alternative. Rebecca, figure maternelle incarnant par sa grossesse tout autant l’espoir d’un renouveau que la crainte des difficultés d’élever un enfant dans un monde dévasté, incarne la possibilité et les dangers de stopper sa fuite en avant pour essayer de reconstruire quelque chose. C’est une belle manière de présenter les enjeux de cette fin de saison et de faire monter la tension, tout en dégageant le chemin vers le dénouement de la trame principale. Mais fait également naître un regret et une crainte.
Néanmoins, une autre manière de comprendre l’omniprésence des personnages féminins, c’est qu’ils placent Clementine à la croisée des chemins, en la confrontant à ses fantômes passé, présent et futur. Sarah, la gamine apeurée et inadaptée à la survie, fait écho à la Clementine de la saison une. Jane, survivante solitaire, efficace, mais torturée est une projection de ce en quoi on est en train de se transformer dans cette saison deux, l’empathique Bonnie servant d’alternative. Rebecca, figure maternelle incarnant par sa grossesse tout autant l’espoir d’un renouveau que la crainte des difficultés d’élever un enfant dans un monde dévasté, incarne la possibilité et les dangers de stopper sa fuite en avant pour essayer de reconstruire quelque chose. C’est une belle manière de présenter les enjeux de cette fin de saison et de faire monter la tension, tout en dégageant le chemin vers le dénouement de la trame principale. Mais fait également naître un regret et une crainte.
Fear and Desire
Le regret, et il est profond, c’est d’avoir douché les espoirs placés en Jane. Androgyne, mutique et cynique dans le troisième épisode, elle incarnait un fantasme surréaliste (au sens premier du mot, genre je vous ouvre l’œil avec un rasoir), une sorte de nouvel être humain façonné par l’apocalypse, dont le mode de fonctionnement et les échelles de valeurs semblaient profondément bouleversés, et elle était aussi attirante que flippante. Personnage le plus développé de cet épisode, Jane est ouvertement sexuée (certains cadrages sont équivoques), nous raconte sa vie pour qu’il n’y ait aucun mystère sur sa personnalité et ses motivations, et son rôle de grande sœur attentionnée auprès de Clementine (amené par le dialogue le moins subtil de l’histoire de la série) peu crédible pour une solitaire cynique qui n’hésitait pas à –littéralement- détruire les couilles d’un crétin insignifiant dans l’épisode précédent.
Dans l’absolu, le personnage en lui-même n’est pas complètement raté, et dans un autre contexte on aurait sans doute un peu mieux apprécié ce qu’elle apporte au développement de Clementine, à savoir rendre crédible le fait qu’une gamine de 11 ans a encore quelques trucs à apprendre sur la survie.
La crainte qu’Amid the Ruins fait naître, c’est celle d’un système de jeu qui commence à montrer ses limites à force de se concentrer sur ses points forts, au point de créer ses propres clichés. Partout ailleurs, le choix de laisser mourir quelqu’un ou pas donnerait lieu à une scène forte. Dans l’univers narratif de Walking Dead, c’est devenu un lieu commun. Dans la même veine, les développements des personnages ne sont plus la conséquence de ce qu’ils subissent (donc de nos choix), mais sont utilitaristes et se conforment à l’intrigue. C’est ce qui explique que le personnage de Jane ait été salopé de la sorte : il y avait besoin d’une relation grande sœur / petite sœur pour étayer le passage à l’âge adulte de Clementine, Jane était la plus indiquée, les scénaristes l’ont donc forcé à rentrer dans ce moule. Et de tels écarts semblent se multiplier. On n’en est pas encore au point où le jeu nous fait soupirer, et vu ce qui se profile pour le dernier épisode il y a peu de chance que ça arrive dans cette deuxième saison. On attends donc désormais le dernier épisode pour voir où on va, une troisième saison ayant été confirmée par Telltale.
Tout en maintenant une grosse tension narrative et en ouvrant la voie à un épisode final qui s’annonce riche en émotions, Amid the Ruins fait retomber la série dans certains de ses travers. Et, malheureusement, semble en créer de nouveaux.