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Indiecade 2018 : nos autres coups de cœur
Stereopolis
Dans le genre "installation expérimentale jouable uniquement en salon et à laquelle on n'aura peut-être jamais l'occasion de retoucher", Stereopolis se pose là. On y jouait assis en tailleur sur un tapis de coussins, l'écran était une grosse lentille de Fresnel sur laquelle un vidéoprojecteur projetait le jeu par l'arrière, et pour la touche finale, quatre lampes de chevet (de la période CAMIF catalogue 1974) entouraient la lentille. Le principe est à la fois ultra simple et foutrement compliqué à expliquer : il s'agit de manipuler des décors en fractales pour y faire apparaître un motif dessiné en anamorphose. On déplace la caméra avec le stick gauche, et on tourne sur soi-même avec le stick droit. On pourrait faire un parallèle avec The Witness ou les énigmes de Hellblade, même si l'utilisation de la lentille et des fractales rend Stereopolis unique en son genre.Lightmatter
Cette édition était riche en puzzle games, et parmi ceux-ci l'un des stands les plus peuplé était celui de Lightmatter. Un jeu de réflexion en 3D à la première personne qui emprunte un peu à Portal, et beaucoup à Talos Principle. Le principe : seules les plate-formes éclairées sont solides. Dès qu'on met un orteil dans l'ombre, on tombe. Il faut donc manipuler les sources de lumières et les différents mécanismes pour se tracer un chemin jusqu'à la sortie du niveau. C'est tellement Talos Principle qu'on a passé les premiers niveaux de la démo à la vitesse de l'éclair : ils reprenaient une idée centrale du level design du jeu de la CroTeam : utiliser une lampe pour éclairer une deuxième, retourner celle-ci vers la première pour pouvoir la récupérer et se retrouver avec deux lampes à disposition. Le jeu n'est pas prévu pour tout de suite et ils ont le temps de développer leur propre personnalité. On va d'ailleurs peut-être récupérer une version de dev pour voir ce que le jeu a dans le ventre sur le long terme et vous en faire une preview un peu plus riche.Please, do touch the artwork
Puzzle game encore, mais sur mobile et tablette cette fois. Il s'agit de reconstituer des tableaux inspirés de Piet Mondriaan. A gauche de l'écran, le tableau à recomposer. A droite, un quadrillage vierge. Au centre, un point de couleur. Quand on clique sur un rectangle vierge, tous les rectangles adjacents prennent la couleur indiquée au centre. Le jeu est relativement facile si on ne compte pas ses coups, mais il a le bon goût d'indiquer le nombre de coups minimal pour atteindre la solution. Ce qui le rend extrêmement efficace : on se triture les méninges pour réussir en 3 coups ce qu'on a fait en 6, et quand on trouve, on se sent à la fois très intelligent d'avoir réussi, et très con d'avoir mis autant de temps.The Game : The Game
On va finir par quelque chose de plus grave. The Game : The Game est un jeu de 2016, initialement prévu pour des installations dans des expositions. C'est un jeu narratif au format Twine, pas forcément ébouriffant sur le papier. Sauf que sa créatrice a utilisé des bouquins de pick-up artists type "The Game" et transposé tous leurs conseils dans un jeu. Et que le point de vue est celui d'une femme qui subit ces techniques. Glauquissime (certaines boucles narratives peuvent déboucher sur des séquences d'agressions sexuelles), le jeu est une démonstration brillante de la dangerosité de ces pratiques de manipulation, de ces ouvrages, de leurs auteurs et de la cohorte de pauvres types qui suivent ces préceptes.Il mérite son trigger warning et sa demande de consentement éclairé au début (une pratique qu'on aurait bien aimé voir dans des jeux plus mainstream mais tout aussi glauques), et traitez-moi de journalope SJW bobo-islamo-gauchiasse autant que vous voulez, mais c'était probablement un des jeux les plus importants du salon.
Si on retrouvait, comme lors des éditions précédentes, des jeux déjà sortis ou quelques trucs un peu moins bons, le cru 2018 de l'Indiecade Europe s'est révélé plutôt bon. Dans le sillage de Baba is You, la mode semblait aux jeux de réflexion, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Et encore une fois, on saluera la présence d'expériences uniques en leur genre, comme Stereopolis.