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IGP3 : On fait le bilan
par Nicaulas,
email @nicaulasfactor
Après un détour par Paris pour sa deuxième édition, l’Indie Games Play est revenu à Lyon et a gagné en ampleur : 12 studios présents le matin pour rencontrer la presse, 16 jeux présentés, 3 conférences et un public total d’environ 350 personnes selon les organisateurs. De quoi bien remplir les locaux de Bellecour Ecoles d’Art, et attirer une couverture médiatique importante : étaient présents, entres autres, des confrères de jeuxvideo.com, Gamekult ou encore jeuxvideo.fr. Et Factornews.
Avant de parler de tous les développeurs présents, un petit récap de la journée : c’était vachement bien. L’agencement des stands dans un espace restreint et la disponibilité des développeurs a permis une grande proximité entre studios, presse et joueurs. De quoi à la fois glaner des informations, faire connaissance avec des gens cools et avoir la sensation d’être des privilégiés jouant à des jeux pas encore sortis sous l’œil attentif de leurs créateurs. Et les conférences ont permis d’approfondir certains sujets. Si on passera rapidement sur celle présentant les cursus de l’école accueillant l’évènement (surtout intéressante pour les lycéens et leurs parents), on a eu droit à deux tables rondes très intéressantes, bien qu’un peu décousues.
Créer un jeu indépendant et en vivre
Je pense que ça ne surprendra personne si je résume par : c’est chaud sa race. Etant donné que les devs présents sur scène avaient tous eu des expériences assez différentes, il est ressorti du débat qu’il n’y a pas de solution miracle pour maintenir à flot un studio indépendant sans y laisser des plumes. Le combo gagnant chômage+aide du CNC est toujours valable, mais le CNC a donné un tour de vis ces dernières années (plus à cause de baisses de budget qu’à cause des débats sur ses membres). Les projets ne sont désormais validés que s’ils peuvent prouver l’adéquation entre leurs ambitions et leurs budgets. En clair, entre un super jeu sur le papier dont le budget semble sous-évalué et un jeu a priori moins intéressant mais dont le budget semble bien calibré, le CNC aidera le second projet. Et c’est souvent la masse salariale qui est sous-évaluée par les indépendants inexpérimentés : en France, embaucher quelqu’un à temps plein pour bosser sur un projet de jeu vous coûte au minimum 200 euros par jour, charges comprises.
Même aidé, il est donc parfois indispensable de « piger » en signant des contrats pour développer de petits projets en parallèle à la demande de tel ou tel client. Attention tout de même au piège des advert games : si ce sont en général des développements courts et bien payés, ce sont aussi et surtout des demandes issues de boîte de communication qui tenteront de vous imposer des choses au prétexte qu’elles connaissent mieux les consommateurs que vous. Il faut être capable de s’imposer et de faire comprendre au client que c’est vous qui savez faire un jeu, pas lui. Bon courage. Le crowdfunding peut être une alternative, mais après une croissance énorme le phénomène régresse fortement, notamment à cause du grand nombre de plates-formes et de projets s’y trouvant. Difficile donc de s’y faire une place, et c’est potentiellement une grosse perte d’énergie pour un résultat non garanti.
Quant à la question de la communication de votre projet, tout dépend des ventes dont vous avez besoin pour rentrer dans vos frais. Pour une poignée de milliers de copies, c’est encore gérable par vous-même si vous êtes capables de mobiliser votre entourage et vos contacts dans la presse. A plusieurs centaines de milliers, ça n’est plus la même histoire. Sachant que si vous avez besoin d’être visible sur le marché américain, vous en serez quitte pour engager une boîte de com’ américaine à 50 000 euros minimum. Les boîtes européennes sont quasiment inaudibles là-bas.
Cela dit, bosser en indépendant offre des avantages qu’on ne trouve pas en étant salarié dans une plus grosse structure. Beaucoup des développeurs présents essaient de bosser avec une mentalité différente de celle qu’ils ont connu auparavant : peu voire pas de crunch, souplesse des horaires, temps passé sur la définition du projet et son calibrage, développement itératif… en bref tout ce qui semblerait normal dans n’importe quelle structure, si les départements marketing ne venaient pas imposer des trucs intenables. Ceux qui ont connu les deux situations auraient aujourd’hui énormément de difficultés à retourner bosser pour de plus grosses structures. En bref, ils conseilleraient à ceux qui sont tentés par l’aventure de se lancer, mais en se préparant au maximum avant, notamment en accumulant le plus d’expériences possibles.
Même aidé, il est donc parfois indispensable de « piger » en signant des contrats pour développer de petits projets en parallèle à la demande de tel ou tel client. Attention tout de même au piège des advert games : si ce sont en général des développements courts et bien payés, ce sont aussi et surtout des demandes issues de boîte de communication qui tenteront de vous imposer des choses au prétexte qu’elles connaissent mieux les consommateurs que vous. Il faut être capable de s’imposer et de faire comprendre au client que c’est vous qui savez faire un jeu, pas lui. Bon courage. Le crowdfunding peut être une alternative, mais après une croissance énorme le phénomène régresse fortement, notamment à cause du grand nombre de plates-formes et de projets s’y trouvant. Difficile donc de s’y faire une place, et c’est potentiellement une grosse perte d’énergie pour un résultat non garanti.
Quant à la question de la communication de votre projet, tout dépend des ventes dont vous avez besoin pour rentrer dans vos frais. Pour une poignée de milliers de copies, c’est encore gérable par vous-même si vous êtes capables de mobiliser votre entourage et vos contacts dans la presse. A plusieurs centaines de milliers, ça n’est plus la même histoire. Sachant que si vous avez besoin d’être visible sur le marché américain, vous en serez quitte pour engager une boîte de com’ américaine à 50 000 euros minimum. Les boîtes européennes sont quasiment inaudibles là-bas.
Tout ceci étant lié à la question de l’édition : self publishing ou contrat avec un éditeur ? Là encore, pas de solutions miracles. Tout faire soi-même est un vrai défi, Swing Swing Submarine peut en témoigner avec Tetrobot, mais d’un autre côté tous les éditeurs ont des casseroles et certains studios jouent leur peau dans l’affaire, comme Alkemi qui est toujours en conflit avec l’éditeur de Transcripted. Le seul moyen de diminuer les risques, c’est de se renseigner auprès des studios qui ont déjà travaillé avec tel ou tel éditeur, la question primordiale étant celle des royalties et de la communication. En théorie, un éditeur fournit un travail de communication et de distribution pour vendre le jeu, et en contrepartie touche des royalties sur les ventes. Certains sont sans scrupules, signent des jeux indés, ne font aucun boulot de promotion et de distribution, ne reversent aucune royalties et attendent patiemment que le studio crève.
Cela dit, bosser en indépendant offre des avantages qu’on ne trouve pas en étant salarié dans une plus grosse structure. Beaucoup des développeurs présents essaient de bosser avec une mentalité différente de celle qu’ils ont connu auparavant : peu voire pas de crunch, souplesse des horaires, temps passé sur la définition du projet et son calibrage, développement itératif… en bref tout ce qui semblerait normal dans n’importe quelle structure, si les départements marketing ne venaient pas imposer des trucs intenables. Ceux qui ont connu les deux situations auraient aujourd’hui énormément de difficultés à retourner bosser pour de plus grosses structures. En bref, ils conseilleraient à ceux qui sont tentés par l’aventure de se lancer, mais en se préparant au maximum avant, notamment en accumulant le plus d’expériences possibles.
Les game jams
La deuxième table ronde concernait le phénomène des jams, qui s’est considérablement répandu ces dernières années. Le sujet était incontournable, puisqu’au moment même où on s’extasiait sur des jeux indés, la septième édition de la Game Dev Party se tenait dans les mêmes locaux. Sur scène, tout le monde avait déjà participé à au moins une jam, même si certains n’ont jamais retenté l’expérience par manque de temps ou d’intérêt. Dans le public, Atomium a dynamisé les échanges en intervenant à plusieurs reprises. A noter qu’il était surtout question des jams « physiques », organisées dans un lieu sur un week-end, et moins des jams sur Internet, comme la Ludum Dare. Le cas des jams internes, comme celles des employés de Double Fine, a été évoqué, mais personne ne semblait vouloir ou pouvoir importer le modèle dans son propre studio.
Tous les devs présents ont souligné que l’intérêt premier d’une jam vécue de l’intérieur, c’est que c’est une expérience collective intense et éphémère. Elle condense en un week-end tous les problèmes qu’on peut rencontrer sur un projet au long cours : les problèmes de communication, les ambitions trop importantes, les erreurs de code, la difficulté à mettre en place un développement itératif… C’est donc très instructif pour les participants, qui doivent apprendre à s’organiser pour aller efficacement à l’essentiel. Par exemple, il est beaucoup plus efficace de dormir pendant la jam, puisque cela diminue les erreurs de code et fait donc gagner du temps dans la dernière ligne droite. C’est d’autant plus instructif que le cadre, qui reste en général bon enfant et sans pression malgré la contrainte de temps, diminue l’impact d’un échec. Beaucoup de projets se plantent lors d’une jam, mais mieux vaut se planter sur un mini jeu réalisé en 48 heures que sur votre projet principal où vous en êtes à 6 mois de dev. Dans une jam, il y a un côté kermesse qui atténue la difficulté de l’épreuve : au bout du week-end, tout le monde fait le tour des stands et teste des jeux pas terribles en comparant ses expériences respectives et en buvant du Coca.
Cela étant, si tout le monde s’est accordé pour souligner l’aspect instructif et bon enfant des jams, l’intérêt de les médiatiser autant, et surtout d’exporter le modèle de production par contrainte, semble relatif. On a ainsi évoqué le cas de Cactus, qui développe à vitesse grand V et publie tous ses jeux sur son site : pour le dire gentiment, quantité n’est pas gage de qualité. Mais d’une manière plus générale, les étudiants qui constituent une grosse partie des participants aux jams (un moyen simple d’engranger de l’expérience) semblent de plus en plus enclins à continuer à développer sous une forte contrainte de temps une fois leur diplôme en poche et en dehors des jams. Derrière des exemples extrêmes comme les « One Game a Week » qui restent des cas isolés, beaucoup semblent persuadés que développer un jeu en 100 jours (par exemple) est le meilleur moyen de produire quelque chose de bien.
Ce qui ouvre finalement une question : qu’est-ce qu’un jeu, réellement ? Les jams de ces dernières années ont produit plus de 20 000 jeux, la plupart sont restés confidentiels à la jam à laquelle ils ont participé, les autres ont floodé une data base déjà surchargée, et au final seule une poignée de projets ont réussi à attirer les projecteurs sur eux. Sans pour autant être intéressants en dehors du contexte de la jam, cependant. Si on prend les exemples d’Evoland, Surgeon Simulator ou même Octodad dont le concept initial avait été développé assez rapidement (un projet étudiant…), leurs déclinaisons en jeux plus complets laissent circonspect. A part étirer leur concept de base sur un temps de développement plus long, ces jeux n’ont pas su ajouter de couches de gameplay supplémentaires, donnant l’impression de coquilles vides. Si on n’est pas arrivé à répondre à cette question ouverte de la nature d’un jeu, au moins est-on tombé d’accord sur ce point : sauf à de rares exceptions, les jeux des jams devraient rester dans les jams.
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