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Un Rédacteur Factornews vous demande :

INTERVIEW

Dordogne : Longue entrevue avec Cédric Babouche

Buck Rogers & miniblob par Buck Rogers & miniblob,  email


Du coup, tu peux nous expliquer comment tu fais passer une peinture en deux dimensions à un résultat en trois dimensions ?

Alors je vous donne l'astuce. Je la cachais mais faussement parce que c'est une technique qui est assez ancienne, celle du camera mapping. Le camera mapping, c'est comme quand tu projettes un film ou une diapositive sur un mur, si tu mets un objet devant l'image, elle se colle sur l'objet et est déformée par celui-ci. C'est le même procédé. On a par exemple une aquarelle avec ma maison, un arbre et une poubelle au premier plan. On va modéliser en 3D la maison, l'arbre et la poubelle. Avec une caméra en mode projecteur, on lui demande de projeter l'image sur ces éléments. Une fois que les éléments sont bien en place, on dit à l'image de rester collée sur la 3D et ça te donne une illustration en volume.

Au départ, c'est une technique qui est utilisée dans les effets spéciaux. C'est énormément utilisé pour compléter les décors dans les gros films. En publicité, parfois tu vas effacer une partie d'un décor ou tu vas la compléter grâce à un camera mapping. Des fois aussi tu veux intégrer un personnage dans un décor qui n’existe pas et qui a été complètement fait en matte painting. Ce décor qui a été peint ou qui a été fait à partir de photomontage, tu vas le projeter sur un élément en 3D, et ça va donner l'impression que le décor est réel parce qu’il est en 3D et tu intègres ensuite ton personnage dedans.

« la vraie originalité en fait, elle ne vient pas de la technique mais du média que tu projettes. Ce qui fait notre signature, c'est que c'est fait avec de l'aquarelle »


Au départ, c'est un procédé qui vient des effets spéciaux. Ca a été utilisé par les japonais assez tôt, par exemple par le Studio 4°C, il y a une quinzaine d’année, sur des projets que je trouvais assez géniaux. Je me suis un peu renseigné sur ces techniques. Le Studio Ghibli l'a aussi utilisé sur certains de ses films, entre autres dans Le Voyage de Chihiro. C'est à ce moment là que j'ai commencé à regarder un peu plus comment c'était fait. J'ai expérimenté moi-même, j'ai testé des choses, et la vraie originalité en fait, elle ne vient pas de la technique mais du média que tu projettes. Ce qui fait notre signature, c'est que c'est fait avec de l'aquarelle et du coup, les gens disent "Ah, mais je comprends pas, c'est une aquarelle qui est en volume". L'originalité vient de là. Après la technique est ancienne mais elle n’est pas énormément utilisée, ça je le reconnais, parce qu’elle peut être laborieuse en production. Mais en tous cas, c'est ce qui permet à mon sens de rester au plus près du travail d'illustration.


Tu dis qu'elle est laborieuse ? Quels sont les principaux défauts de cette technique ?

Je vais revenir sur mon exemple de la maison, de l'arbre et de la poubelle. Ta poubelle elle est au premier plan. Mais si tu te décales à droite dans le décor en 3D, ta poubelle, elle va être aussi projetée sur le sol comme si elle continuait à être projetée. Donc ça veut dire que sur le sol derrière, il faut nettoyer la poubelle et recréer les matières. Il faut dire que derrière la poubelle, il y a de l'herbe. Donc quand t'as un seul élément, ça va, et tu vas recréer l'herbe qu'il y a derrière la poubelle. Mais quand t'as beaucoup d'éléments dans le même décor, pour que ton personnage puisse se déplacer en 3D et aller derrière, et que en même temps quand la caméra bouge, tu vois ce qu'il y a derrière la poubelle, eh bien il faut corriger tout ça et c'est un gros travail de nettoyage.



Donc c'est assez laborieux, parce que ça n'existe pas dans l'illustration. Et la question qui revient souvent c'est : "mais alors pourquoi vous le faites pas tout de suite sur Photoshop ?" La raison est assez simple : c'est que faire des décors équivalents au style de Dordogne complètement sur Photoshop, ça prendrait deux jours. Moi, je fais un décor de Dordogne en deux heures maximum, à la main sur papier. Donc ça crée un tunnel on est d'accord, et si c'est pas moi qui pince, c'est forcément plus long. C'est pour ça aussi que ça a été difficile, parce que vu qu’au départ j'étais tout seul, il y avait de l'attente après moi. Mais en même temps, ça garantissait une unicité, une homogénéité des décors.


Et après derrière, tu utilises un cocktail de logiciels ?

Après, on importe dans Photoshop, on prépare, on découpe les éléments qui vont être en 3D : la maison, l'arbre, la poubelle, et ainsi de suite. Il y a des chaises, il y a des tables où ce que tu veux, il y a la barrière, il faut passer derrière... Et puis tu découpes tout ça, tu vas dans un logiciel 3D classique comme Maya ou Blender, nous on utilise Blender, on projette et on se retrouve avec le décor en 3D, et une fois que ce décor en 3D est prêt, on l'envoie dans le moteur temps réel Unity.


Comme Dordogne est une œuvre bucolique, l'ambiance est forcément super importante. Qu'en est-il de la partie musicale du groupe Supernaïve et du design sonore ?

La première chose que je voulais quand on a travaillé sur Dordogne, c'était surprendre les gens par rapport à ce qu’ils pouvaient attendre du jeu. C'est-à-dire que beaucoup de gens s'attendaient à ce qu'on fasse de la musique un peu lyrique, un peu comme le ferait Joe Hisaishi sur des films de Ghibli. Moi je ne voulais justement pas qu'on rentre là-dedans, vu qu'on a parfois tendance à trop me dire que je fais du Miyazaki. Donc le choix de ce groupe était totalement volontaire, parce qu'ils font plutôt de la musique électronique, et moi j'aime beaucoup la musique électronique, j'aime beaucoup l'ambiance etc. Donc très vite je me suis rapproché d'eux, d'autant plus que ce sont les amis d'un ami, donc on a pu très vite se mettre en phase.

« il y a des musiques qui sont parfois très narratives, parfois intrusives, d'autres qui sont beaucoup plus en nappes et qui vont compléter le travail de sound design. En plus, leur travail rentrait dans notre envie de faire du transmédia »


Par contre, je leur ai tout de suite fait part de mes envies de bucolisme, d'onirisme, d'espace, je voulais que les musiques complètent le design, c'est-à-dire la nature, le vent, les cigales, les chiens au loin, le bruit de la rivière. Je ne voulais pas que ça rentre en interférence, je voulais que ça complète le travail. Donc, il y a des musiques qui sont parfois très narratives, parfois intrusives, d'autres qui sont beaucoup plus en nappes et qui vont compléter le travail de sound design. En plus, leur travail rentrait dans notre envie de faire du transmédia, c'est-à-dire d'être présent sur différents médias. Par exemple, on va éditer leur vinyle, donc évidemment l'OST du jeu qui va sortir, mais on en fait une musique augmentée, c'est à dire que la musique qu'il y a dans le vinyle sera un tout petit peu différente de celle qu’il y a en jeu, en ce sens où elle sera enrichie d'instruments et de paroles pour certaines qu’il n’y a pas dans le jeu. On veut aussi que le joueur qui aura aimé la musique du jeu et qui aura envie de l'écouter soit surpris parce qu'il y aura des choses qui ne sont pas dans le jeu. C'est vraiment encore une inscription globale.

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