TEST
Terraforming Mars : Petits Mars-cartes entres amis
par billou95,
email @billou_95
Support : PC
Difficile exercice que l'adaptation vidéoludique d'un jeu de plateau. Encore plus lorsqu'on parle d'un succès interplanétaire comme Terraforming Mars, le jeu de stratégie évènement de FryxGames ayant décroché le sacrosaint Tric Trac d'or l'année dernière ! Et on le connait bien l'animal puisqu'on le pratique, lui et ses extensions entre amis autour d'une table depuis presque un an déjà. C'est donc accompagné d'une bande de férus de jeux de société que je me suis lancé à l'assaut de cette planète rouge version numérique, décortiquant le produit dans l'espoir d'y retrouver le plaisir de nos parties du dimanche après-midi.
C'est donc la mission qui a été confiée au jeune studio Luckyhammers par Asmodee Digital, branche numérique de l'éditeur français qui propose une avalanche d'adaptations depuis quelques mois, de l'iconique Carcassonne au tout récent Scythe : offrir une expérience de jeu fidèle à ce qui se passe autour du plateau et ses dizaines de tuiles, cubes de couleur et cartes. Mais avant tout, il était impératif de bien retranscrire les règles originales de Terraforming Mars. Dans le jeu de Jacob Fryxelius, chaque joueur contrôle une mégacorporation qui travaille de concert avec les autres pour terraformer la planète. Ce faisant, elle accumule les ressources, points de victoire et niveaux de terraformation. Lorsque les niveaux d'oxygène, de température et d'océans sont assez élevés pour que la planète soit habitable, on fait le compte et celui qui a le score le plus élevé gagne la partie.Les challengers commencent par choisir au hasard une mégacorporation (il y en a 17 au total) avec un avantage tactique particulier qui va dicter leur stratégie tout au long de la partie : boost dans la terraformation, réduction du coût de certaines cartes, exploitation de bactéries pour accumuler les points de victoire, maîtrise du plateau de jeu, il y en a pour tous les goûts. Ensuite, chaque tour de jeu représentant une génération, les joueurs enchainent tour à tour 2 actions : convertir des ressources, jouer une carte projet, effectuer une action, influer directement sur la terraformation en créeant des forêts, etc. Lorsque plus personne ne peut ou veut jouer, on passe à la génération suivante. Chacun produit ses ressources, se voit octroyer un nombre de mégacrédits égal à son niveau de terraformation, choisit d'acheter jusqu'à 4 nouvelles cartes et c'est reparti pour un tour.
Badger, badger, badger !
Tout cela se complexifie avec les effets octroyés par les cartes et leurs badges : augmentation de la production de telle ou telle ressource, terraformation accélérée, gain de x points de victoire par badge ou tuile en jeu, etc. sans compter les bonus d'objectifs qui peuvent rapporter gros. Les synergies sont légions et il n'est pas rare de revenir dans la course après un début de partie laborieux. Surtout qu'on est en face de matchs qui durent rarement moins de 2h30. On a donc tout le temps qu'il faut pour planifier son plan d'action sur le long terme. Terraforming Mars est donc un jeu de plateau dense mais passionnant qui, il faut le reconnaître, est assez bien rendu dans le jeu vidéo. On y retrouve tout ce qui fait le sel d'une bonne partie, avec quelques raffinements complémentaires, parce que bon hein, qui a envie de passer des heures à bouger des pions à la main dans un jeu vidéo ?On commence par le look du jeu qui a un peu changé, on passe des éléments clairs du jeu de plateau à quelque chose de plus sombre jusqu'au design des cartes qui est revu (bien qu'elles conservent les illustrations originales). Des popups font leur apparition pour représenter les actions disponibles dans le tour ou encore récapituler les effets/badges de nos cartes. De nouvelles options de jeu font leur apparition comme la possibilité de limiter le temps de jeu global de chaque joueur en ligne, par exemple à 1h de jeu pour éviter que les parties ne s'éternisent. On aurait par contre franchement préféré un bouton sauvegarde pour pouvoir reprendre ses parties plus tard. Le mode défi solo (en plus des parties contre l'IA) très apprécié est aussi présent et vous invite à terraformer Mars en moins de 15 générations, un véritable challenge avec certaines corporations.
Enfin, le jeu se taille une composition musicale et sonore minimaliste mais très agréable, dans la veine de Stellaris qui saura détendre les méninges des joueurs. On ne peut hélas pas en dire autant de l'interface du jeu qui cumule pas mal de défauts agaçants. Globalement, tout est à revoir, l'UI ayant bien du mal à clairement représenter les nombreuses tuiles, cartes et tokens du plateau virtuel. Cela prend par exemple beaucoup trop de clics pour voir le descriptif et les effets d'une carte, et ce avant même de l'acheter ! Autre souci, la superposition de fenêtres et d'onglets empêchant dans certaines conditions de jeter un oeil à nos statistiques avant de se payer telle ou telle carte ayant une influence sur celles-ci. En fait, il y a bien trop d'espace perdu dans l'interface, tous les éléments y sont beaucoup trop gros et gaspillent de la place pour rien.
On aurait aisément pu réorganiser le tout et insérer un petit tableau récapitulatif des données de jeu visibles en tout temps dans un coin de l'écran, ce qui aurait pu éviter d'avoir à cliquer encore et encore alternant entre les écrans des autres joueurs et le nôtre pour étudier leurs stratégies ou d'avoir à compter les tuiles sur la surface de la planète. Par contre on dénote la bonne idée des développeurs d'avoir mis en place un journal de tout ce qui est joué dans le jeu. On aurait également bien aimé pouvoir régler le temps de jeu par tour pour éviter les soucis de joueurs AFK en ligne. Mais ce que l'on regrette plus que tout, c'est que certains bugs signalés pendant les longues sessions de beta perdurent à la sortie du jeu (qui n'a reçu aucun patch depuis plus de 3 semaines...).
Un patch trop loin
Pêle-mêle on peut énumérer le visuel du décompte des ressources des autres joueurs lors des parties en ligne incorrect une fois sur trois, le deck qui disparaît aléatoirement et il faut aller cliquer sur le bouton cartes jouées pour le voir revenir, quelques rares cartes qui comptent mal certaines ressources/conditions nécessaires pour les jouer ou effets ajoutés à celles-ci (pas étonnant il y a plus de 200 cartes dans le jeu, mais où est le patch correctif à la sortie ?), ou encore la défausse qui ne se comporte pas comme dans le jeu de plateau, nous re-proposant à la pioche des cartes défaussées après une ou deux générations seulement. Bref, ce n'est pas très sérieux tout cela, même si ça semble assez facile à corriger, l'ensemble n'affectant pas le coeur du gameplay.Dernier petit détail loin d'être anodin : l'absence du draft, élément essentiel de Terraforming Mars qui rajoute une profondeur de gameplay sans pareille. Dans ce mode de jeu bien connu des fans de Magic, lorsqu'il est question de tirer des cartes on en choisit une parmi un certain nombre en main puis on passe le paquet à son voisin de gauche et on reçoit un paquet de son voisin de droite, on choisit à nouveau une carte et ainsi de suite jusqu'à obtenir une main complète. Les développeurs semblent avoir ignoré cette composante (mais alors, ont-ils déjà joué au jeu ?) jusqu'à ce que la communauté viennent grogner il y a un petit mois sur les forums de Steam. Ils se sont donc fendus d'un communiqué récent pour rassurer les fans en leur promettant l'arrivée du draft et de quelques remaniements d'interface courant décembre, ce qui n'est pas très rassurant quant à la fréquence des futurs patchs quality-of-life...
Terraforming Mars offre bien une bonne adaptation des mécaniques du jeu de plateau multi-récompensé et on mentirait si on disait ne pas nous être amusés entre aficionados sur cette version numérique. Toutefois, on se doit de tirer la sonnette d'alarme tant le jeu débarque avec des cailloux dans les bottes : entre les bugs persistants après la beta, l'UI qui mérite un gros ravalement de façade, le draft tout bonnement indisponible à la sortie et aucune information sur les extensions officielles Hellas & Elysium, Venux Next et Prelude (qu'on nous servira très probablement sous forme de DLC payant...), il y a de quoi être inquiet sur le suivi apporté au titre.