TEST
Serial Cleaners
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : 505 Games Draw_Distance
On parle souvent des réussites commerciales dans le jeu vidéo, mais peu du tunnel rempli de désillusions qui s'ensuit parfois. Draw_Distance en est pourtant un parfait exemple. Tout commence avec Serial Cleaner qui a surpris tout le monde en 2017. Mélangeant infiltration et narration sur fond de "nettoyeur" dans le crime organisé, le titre avait en plus pour lui une direction artistique minimaliste de grande classe et une bande originale aux accents 70s qui l'était tout autant. Mais voilà, depuis, entre un jeu d'action peu inspiré et un couple de visual novels Vampire: The Masquerade qui n'ont pas vraiment brillé, le studio cherchait un peu sa voie. Jusqu'à ce qu'ils se décident de faire une suite à leur premier hit.
Les fans de la première heure seront ravis d'apprendre que Serial Cleaners (avec un "s" donc) reprend l'exact principe de l'original, tout en l'étoffant pour lui donner des accents de vrai AA. Cette fois-ci, Bob, le moustachu du premier épisode, a pris du galon. Vingt ans après ses débuts d'homme de ménage, le voilà à la tête d'une véritable petite entreprise. Il s'est en effet acoquiné avec 3 personnalités bien trempées : Latisha, artiste ratée du Bronx plus à l'aise dans le parkour que dans la peinture. Erin alias "Vip3r", une hackeuse plutôt douée pour son jeune âge qui n'a pas peur de secouer un cadavre ou deux entre 2 piratages. Enfin, Psycho est, lui aussi, du genre artiste... timbré, et son instrument à lui c'est la tronçonneuse portative.L'histoire du jeu débute alors que nous 4 compères doivent accomplir une mission la nuit du nouvel an 2000 pour leur patron Don Reina. L'occasion pour les développeurs de dérouler leur histoire dans une série de dialogues entrecoupés évidemment de missions flashbacks qui permettront d'en apprendre plus sur l'un ou l'autre des héros. Ce qui frappe d'abord, c'est le look du jeu et plus généralement tout son enrobage audiovisuel. L'intrigue du jeu s'étalant entre 1985 et 1999, le titre est fortement inspiré par les courants artistiques et musicaux de l'époque. Un patchwork esthétique que l'on retrouve dans les cinématiques qui introduisent chacun des 5 chapitres du jeu. En partie, on retrouve ce fourmillement de lignes et textures déstructurées à la Disco Elysium, de graffs grossiers, de logotypes VHS jetés çà et là sur l'écran n'importe comment, et cette appétence pour la crasse, omniprésente.
Côté musical, on retrouve le surprenant Joshua Leeds Eustis à la composition, parfaitement dans son élément quand il s'agit de dépeindre le hip-hop des années 90, la technophile Vip3r et ses sonorités rave, le bruyant punk rock de Psycho, mais également à la baguette d'un excellent quartet jazz avec à sa tête Ben LaMar Gay, évidemment lié au personnage de Bob. L'ensemble est super convaincant, le titre se faisant un malin plaisir à jouer les demakes façon jeu PS2 en multipliant les filtres écran, les modèles lowpoly ou par exemple de fausses textures miroir du plus bel effet.
Tout ça nous ferait presque oublier qu'on n'est pas là pour s'extasier devant son esthétique. Les missions de Serial Cleaners vous jettent en effet dans un bon paquet de scènes de crime différentes. On peut d'ailleurs lui reconnaître la grande variété de situation de jeux : un yacht, un commissariat, une station de métro, voire carrément un complexe pénitentiaire ! Le but, lui n'a pas changé : il vous faudra ramasser X preuves compromettantes, vous débarrasser de Y cadavres et nettoyer assez de taches de sang pour que l'accident domestique devienne crédible auprès de la flicaille en enquête.
D'ailleurs, ces messieurs s'invitent rapidement à la fête, soit déjà présents en début de partie, soit peu après votre arrivée. A vous donc de jongler entre les uns et les autres (sans cône de vision), de vous faufiler tout en exploitant au mieux les compétences du quatuor : Sauts par-dessus des obstacles pour Lati, piratage pour Vip3r, débitage de corps à la tronçonneuse pour Psycho qui peut ensuite assommer les flics à l'aide des membres découpés et... grosse moustache et ruban adhésif pour Bob. Pour le reste, on retrouve tout ce qui était déjà présent dans le volume 1, à savoir une vue aérienne accessible en un clic pour voir où sont vos prochains objectifs, des cachettes dans certains niveaux pour échapper temporairement aux forces de l'ordre ou encore une foule d'accessoires interactifs pour distraire les ennemis... ou simplement broyer des cadavres.
Une fois qu'on s'est dit ça, comment ça se passe manette en main ? Eh bien, on ne va pas se mentir, malgré les nouveaux pouvoirs des membres du gang, on fait un peu le tour du jeu en une heure trente et on passe les sept suivantes à refaire la même chose en boucle jusqu'à un dénouement qui tombe à plat. Le jeu n'est franchement pas bien difficile et les niveaux, même s'ils gagnent en profondeur (plusieurs étages, quelques niveaux originaux) ne sont pas en mesure d'apporter vraiment plus de challenge à l'ensemble. De plus, là où on l'attendait plus que tout, c'est surtout dans la gestion de son IA il faut bien l'avouer très brouillonne sur un premier opus aux ambitions toutes autres (voir le test de Hohun). Et hélas, on est franchement déçus. On le répète, une bonne IA d'un jeu d'infiltration est prévisible, mais pas stupide. Ici, c'est un peu l'inverse.
Déjà, on peut abuser sans cesse de sa logique cassée. Vous alertez les flics ? Courez vous planquer et ressortez pile devant eux pour les faire tomber par terre. Claquez-leur une porte à la tronche pour également les faire tomber. Et ça, c'est s'ils ne vous ont pas oublié de suite après avoir sonné l'alarme après vous avoir poursuivi pendant 10 secondes autour d'un pot de fleurs. Le système d'IA est bourré d'incohérences et de bugs (personnages qui restent coincés dans un script devant un mur par exemple) qui prêtent à sourire... Mais aussi à vous prendre la tête à cause de la sauvegarde automatique qui demande souvent de s'y reprendre à plusieurs fois parce que l'IA ne réagit pas comme il faut à vos stimuli. Pour ne rien arranger, le gameplay se permet quelques toussotements et certains commandes ne sont pas interprétées par le jeu comme elles le devraient (ennemis qui ne chutent pas, lancé de membres qui n'assomment pas, etc.).
On ne peut donc parfois même pas se fier aux outils fournis pour arriver à nos fins et cela se termine le plus souvent par une énième tentative échouée et une recharge de sauvegarde automatique. Ces couacs à répétition couplés à un gameplay qui ne surprend plus beaucoup trop vite engendrent pas mal de frustration. Dommage.
Si son ramage s'était rapporté à son plumage, Serial Cleaners aurait eu de quoi satisfaire notre insatiable appétit d'infiltration. Malheureusement, aussi charmeur qu'il puisse être, un gameplay qui tourne trop vite en boucle, un challenge quasi inexistant et une intelligence artificielle qui peut se montrer chaotique ont eu raison de notre patience.