Mars : War Logs
Larguez-les à Mars
C’est une manie chez les humains non-mutants sur Mars d’avoir un nom-vertu, comme par exemple Charité, Sagesse ou encore Ténacité. Le personnage qu’on va incarner s’appelle Tempérance, mais il préfère se faire appeler Roy, probablement parce qu’il n’est pas convaincu que ses parents aient si bien choisi que ça. Il a été fait prisonnier lors du conflit qui oppose Aurore à Abondance, qui ne sont pas deux petites mamies en criant désaccord mais de puissantes compagnies des eaux devenues des entités politiques qui s’entre-déchirent pour le pouvoir depuis que l’élément liquide indispensable à la survie humaine est devenu une denrée aussi rare que précieuse.
Comme on va le découvrir au bout de quelques heures de jeu, Roy n’est pas n’importe qui et ses actions vont avoir de lourdes conséquences sur le cours de l’Histoire. Un peu comme le Geralt de CD Projeckt, ce n’est pas un vertueux héros qui a pour tâche de sauver le monde, mais quelqu’un d’assez à part dans la société et qui va devoir faire des choix délicat dans ses alliances et les causes qu’il va défendre. Mais n’anticipons pas : tout commence avec l’arrivée au Camp 19 d’un nouveau prisonnier, Innocence, qui aurait pu tout aussi bien s’appeler Candeur, Naïveté ou même Gros Loser si c’était une vertu. Roy va prendre la défense du nouvel arrivant et mettre au passage une correction à une bande de caïds aussi peu appréciée des détenus que des gardiens, ce qui va lui attirer sympathie et respect auprès des uns et des autres.
Nos premiers pas dans le Camp 19 nous permettent d’admirer à nouveau le rendu du Silk Engine, le moteur développé par Spiders et déjà utilisé dans Of Orcs And Men. La direction artistique, soignée sans être à couper le souffle, est globalement assez cohérente, mais difficile de ne pas remarquer la fréquente réutilisation des textures d’environnement et même des personnages, qui donne la désagréable impression qu’on tourne en rond dans des endroits identiques à parler tout le temps aux mêmes têtes. En plus d’être répétitifs et pas toujours très inspirés, les lieux du jeu sont scindés en zones minuscules, séparées très artificiellement et vraisemblablement pour des raisons techniques par des portes ou des obstacles qu’on doit franchir en nombre conséquent lorsque l’on doit se rendre d’un endroit à un autre sur la carte. Certaines zones sont d’ailleurs tellement exiguës qu’elles impactent négativement les combats, rendant les roulades ou encore l’utilisation des compétences à distance exagérément délicates. Au-delà de cette gêne dans les mouvements, l’étroitesse des environnements retire au jeu tout espoir de Grandeur et de Majesté, qualités-vertus dont on aurait tant aimé le parer.
Mars s’emballe
Les premiers contacts avec le jeu sont d’ailleurs assez déconcertants : les environnements étriqués sont quasiment vides et les rares objets avec lesquels on peut interagir, à savoir des cachettes à fouiller pour y trouver des ressources d’artisanat, sont affublés d’un effet de surbrillance qui fait encore plus ressortir l’absence récurrente d’autres éléments de décor. On ne peut discuter qu’avec un nombre très restreint de PNJ, et on sera même envahi par un profond sentiment de malaise en voyant parfois des prisonniers (encore qu’à ce stade il faudrait plutôt parler de meshes) totalement statiques, littéralement posés là, sans même une simple animation du type “tourner la tête”, “soupirer”, “éternuer” ou tout ce qu’on veut bien pour leur insuffler temporairement l’illusion de la vie. Heureusement, ces défauts manifestes vont se lisser dans les chapitres suivants, mais on sent bien que le Silk Engine a atteint ses limites et que Spiders a eu des ambitions nettement supérieures à ses moyens. Paradoxalement, c’est peut-être cette détermination à vaincre dans l’adversité qui va sauver le titre.
Mais revenons à Roy, notre personnage plein de ressources. En plus d’être un habile combattant au corps à corps, il sait manier les armes à distance, les explosifs et même poser des pièges. Il s’essaye également à l’infiltration, même si ce n’est pas nécessairement son point fort, et maîtrise l'électricité. Ces compétences sont réparties dans trois arbres qu’on va pouvoir faire évoluer au fur et à mesure que notre charismatique tête brûlée prend du galon, et permettent d’assurer dynamisme et variété aux combat, malgré une tendance naturelle à la répétitivité. On regrette en revanche un système de caméra et de ciblage assez mal pensé, les deux étant gérés par le même stick, ce qui fait qu’on préférera finalement se passer du ciblage et parfois frapper à l’aveugle un ennemi dont on sait vaguement où il est, dans notre dos et hors écran, le temps de repositionner la caméra.
Côté équipement, Roy va devoir faire avec les moyens du bord, à savoir bricoler des armes et renforcer sa tenue à partir de ce qu’il pourra trouver ici ou là. Les possibilités sont relativement limitées, mais elles remplissent bien leur rôle de complémentarité avec les compétences choisies et vont nous permettre d’adapter finement notre équipement au style de combat avec lequel on se sent le plus à l’aise. Notre héros est par ailleurs assisté par un compagnon tout au long de son périple, auquel il pourra donner quelques conseils tactiques simples comme être en position défensive, viser en priorité les tireurs ou encore la même cible que Roy. Bien qu’on ait au cours de l’aventure l’opportunité de changer de compagnon, on ne peut jamais en avoir plus d’un à nos côtés, sauf nécessité scénaristique exceptionnelle, et on ne peut ni faire évoluer leurs compétences ni les équiper. Le compagnon tombé au combat restera au sol jusqu’à ce que Roy se débarrasse des derniers opposants, mais il se relèvera une fois la rixe terminée et retrouvera rapidement toute sa vitalité.
Tout ne se soldera pas par un combat cependant, Spiders ayant fait en sorte que Roy ait parfois la possibilité de régler certains problèmes avec ses qualités de persuasion ou d’intimidation. Certaines de ses actions auront d’ailleurs un impact sur sa réputation, aussi faudra-t-il réfléchir à deux fois avant de prendre la vie des ennemis qu’il suffit normalement de mettre hors de combat, de s’approprier le bien d’autrui ou encore de se livrer à la délation.
Et ça repart !
On parle souvent de nuances de gris pour distinguer certains RPG du frustrant manichéisme qui a trop souvent dominé les productions ces dernières années, et Mars : War Logs est clairement à ranger aux côtés des The Witcher sur ce point. Roy va fréquemment être amené, en plus bien sûr de composer avec ses problèmes personnels, à prendre des décisions d’autant plus délicates qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais choix. Lorsqu’il faudra rejoindre l’une des deux factions qu’il va croiser au Havre d’Ombres, on se retrouvera sensiblement devant la même situation que Geralt hésitant entre Iorveth et Roche.
Malgré quelques incohérences mineures qui ne nuisent pas à l’ensemble, l’enchaînement des événements qui se déroulent dans le jeu des Parisiens est parfaitement maîtrisé, sans temps mort et sans faiblesse scénaristique notable. La trame principale est agrémentée de quêtes secondaires souvent à base d’enquête et qui permettent à ceux qui le souhaitent d’en apprendre un peu plus sur l’évolution de la colonisation de Mars ou sur les différents protagonistes que Roy va croiser lors de son périple. Soutenant le jeu à bout de bras, la narration est assez ouverte pour assurer une rejouabilité tout à fait respectable à Mars : War Logs, qui devrait vous occuper une quinzaine d’heures si vous faites les quêtes secondaires, avec en prime plusieurs niveaux de difficulté.
Jeu testé à partir d'une version PC digitale fournie par l'éditeur.
Config : Windows 7 64 bits / i5-2500K @ 3.30Ghz / 4Go / NVidia Geforce GTX 560 Ti