TEST
Interrogation: You will be deceived
par Tonuglin,
email @TitouanGourlin
Développeur / Editeur : Critique Gaming Mixtvision
Support : PC
Développé depuis 2016 par deux développeurs et une visual artist, Interrogation: You will be deceived est de ces jeux qui pourrait se vendre sur leur seul concept : vous êtes dans un film noir, vous êtes un flic et vous allez interroger des bad guys.
Vous n'êtes pas un flic comme les autres. Dans votre CV, une ligne vous distingue, vous avez suivi l'entrainement aux "Investigative interview and interrogation techniques" (le jeu n'a pas, pour le moment, de traduction française). Une dénomination un peu pompeuse que vous vous répétez le soir, comme pour vous rassurer lorsque vous vous endormez, de quoi vous convaincre que vous êtes spécial.
Noir c'est noir
En efffet, des années après cette foutue formation, on ne vous a toujours pas demandé d'interroger le moindre gars. Alors vous noyez votre cafard dans la lumière blafarde des néons du commissariat. Puis un jour, le chef Anderson vient vous chercher. "VOUS ÊTES LE GARS QU'IL NOUS FAUT". Le type ne semble pas au courant de votre manque d'expérience flagrant. En même temps, vous n'avez qu'une vague option de dialogue pour lui répondre: un oui enthousiaste, un oui formel, voire déférant, et un oui bredouillant. Allez, le mec vous sort du trou, on va lui donner du "Yes sir".
Très vite, votre premier interrogatoire apparaît comme un cas d'école. Ça va être facile: un voleur est entré dans une maison, on a retrouvé un couple attaché dans la maison, et l'épouse est morte de deux balles dans le dos. A priori le voleur est l'auteur du meurtre, merci bonsoir. Oui mais sauf que. Dès les premières minutes, il apparait clairement que le tueur est en fait le mari. Je ne sais pas à quoi ça tient, peut-être au fait qu'il était très, voire trop calme lorsque la police est arrivée, ou bien à ses airs de psychopathe au sang froid. La certitude s'installe d'autant plus que le voleur, interrogé dans la salle d'à côté, a l'air méga stressé de se retrouver avec un meurtre sur les bras.
Polar 101
Vous l'aurez compris, je trouve la plupart des affaires peu surprenantes. Le coup du "coupable idéal offert à l'enquêteur mais en fait c'est le mari qui est le tueur", c'est un peu le 101 du polar, et ça n'est pas franchement intéressant à vivre. Tout au long de ma progression dans le jeu, j'ai toujours compris assez vite qui a fait quoi, même lorsque le jeu donne l'occasion d'interroger trois personnes à la fois, les rôles sont limpides: le manipulateur, le manipulé, la victime innocente, etc. Rappelons tout de même qu'il est bien difficile pour un jeu basé sur la conversation, de sortir quelques mois après la tornade Disco Elysium... Tout ou presque, en comparaison, apparaît binaire, cousu de fil blanc et il est difficile d'en vouloir à ces deux développeurs tant le titre de ZA/UM explose les barrières.
D'autant qu'il n'est pas interdit de penser qu'il s'agit d'une volonté claire des développeurs. J'avais un prof en journalisme qui disait toujours: "pour écrire un bon article, faites l'inverse de Hitchcock. Donnez le nom du tueur dès le début, puis déroulez comment ça s'est passé là où Hitchcock, lui, vous racontera comment ça s'est passé, pour ne vous dévoiler le nom du tueur qu'à la fin du film". Je pense que Critique Gaming veut que nous connaissions le nom du malfaiteur bien vite dans chacun de ses interrogatoires. Le duo de développeurs n'a pas particulièrement envie de rendre la recherche du coupable intéressante, non. Leur kink à eux, c'est la psychologie : il va falloir les faire avouer, ces grands malades, et si possible en ne les esquintant pas trop, ni eux, ni les témoins.
La roto va tourner
Esquinter les témoins vous dites? Oui, car qui dit film noir, dit film aux personnages dotés de frontières morales un brin floues. C'est d'ailleurs l'idée de départ des développeurs : fabriquer un jeu qui vous immerge dans un film noir, tant sur la plan esthétique que moral. Pour l'aspect esthétique c'est plutôt réussi. L'inspiration tire clairement du côté du Sin City de Frank Miller, avec l'utilisation d'une technique vieille comme le cinéma, la rotoscopie. C'est-à-dire, pour faire court, qu'ils sont partis de photos d'acteurs à qui ils ont demandé de jouer les réactions dont ils avaient besoin. Une fois ces corps coulés dans un rendu façon fusain, et placés sur un fond sobre de salle d'interrogatoire, le jeu a plutôt de la gueule.
Ca c'est pour l'esthétique. Côté fond, votre interrogateur questionne sans cesse les barrières morales du maintien de l'ordre. Le plus souvent, il s'agit surtout de vous poser cette simple question : jusqu'où êtes-vous prêts à aller pour éviter un attentat à la bombe dans une partie de la ville ? Souhaitez-vous jouer à la loyale, malmener quelque peu votre suspect ou êtes-vous carrément tenté par la torture ? Pour vous aider à décider d'une méthode, vous aurez accès à deux ressources importantes: le rythme cardiaque de votre victi.. euh pardon, du prévenu, ainsi qu'une petite jauge qui indique la confiance qu'il vous porte. A partir de là, vous n'aurez que vos questions, et l'ordre dans lesquelles vous les poser pour faire cracher le gros morceau à vos cobay... euh pardon, aux terroristes présumés.
Si l'idée d'un jeu d'interrogatoire où l'on peut franchir quelques barrières morales paraît assez alléchante, elle ne tient malheureusement pas la route. Le système de dialogue est ainsi fait que l'on peut poser une même question au prévenu autant de fois qu'on le souhaite. Il est même conseillé de poser les mêmes questions en boucle en fonction de l'état de l'interrogé, s'il vous fait confiance ou pas par exemple. Saluons tout de même le thème central de l'enquête, qui en vous menant à la poursuite d'un groupe de terroristes d'extrême-droite organisé sur internet, abordera des sujets assez rafraîchissants pour un jeu vidéo, et plutôt d'actualité en cette ère post Gamer Gate.
Au-delà de ses mécaniques d'interrogatoire et de son écriture pas trop mal fichue, le jeu vous jettera d'autres mécaniques au visage sans jamais vraiment les approfondir ni les maîtriser: une équipe à gérer, des skills à choisir, et même un vague semblant de choix qui amènent à différentes fins.
Ca c'est pour l'esthétique. Côté fond, votre interrogateur questionne sans cesse les barrières morales du maintien de l'ordre. Le plus souvent, il s'agit surtout de vous poser cette simple question : jusqu'où êtes-vous prêts à aller pour éviter un attentat à la bombe dans une partie de la ville ? Souhaitez-vous jouer à la loyale, malmener quelque peu votre suspect ou êtes-vous carrément tenté par la torture ? Pour vous aider à décider d'une méthode, vous aurez accès à deux ressources importantes: le rythme cardiaque de votre victi.. euh pardon, du prévenu, ainsi qu'une petite jauge qui indique la confiance qu'il vous porte. A partir de là, vous n'aurez que vos questions, et l'ordre dans lesquelles vous les poser pour faire cracher le gros morceau à vos cobay... euh pardon, aux terroristes présumés.
Si l'idée d'un jeu d'interrogatoire où l'on peut franchir quelques barrières morales paraît assez alléchante, elle ne tient malheureusement pas la route. Le système de dialogue est ainsi fait que l'on peut poser une même question au prévenu autant de fois qu'on le souhaite. Il est même conseillé de poser les mêmes questions en boucle en fonction de l'état de l'interrogé, s'il vous fait confiance ou pas par exemple. Saluons tout de même le thème central de l'enquête, qui en vous menant à la poursuite d'un groupe de terroristes d'extrême-droite organisé sur internet, abordera des sujets assez rafraîchissants pour un jeu vidéo, et plutôt d'actualité en cette ère post Gamer Gate.
Au-delà de ses mécaniques d'interrogatoire et de son écriture pas trop mal fichue, le jeu vous jettera d'autres mécaniques au visage sans jamais vraiment les approfondir ni les maîtriser: une équipe à gérer, des skills à choisir, et même un vague semblant de choix qui amènent à différentes fins.
Interrogation: You will be deceived, est donc un jeu de niche, à conseiller en premier lieu aux junkies de Disco Elysium qui en sont à leurs 30e run (coucou Fougère), ou bien aux fans hardcore de l'esthétique noir, qui en aurait assez de refaire L.A. Noire en boucle. S'il convainc par son design et sa vraie originalité, ses situations trop manichéennes laisserons une partie des joueurs sur le bord de la route. Ceci dit, le voyage, très original, vaut probablement le coût si vous êtes mordu.