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Grand Theft Auto V

kimo par kimo,  email
 
Si quelqu’un avait prédit il y a quelques années que Grand Theft Auto, l’un des jeux les plus sulfureux de son époque, se verrait un jour offrir une place de choix dans tous les grands journaux, on aurait probablement été sceptique. Pourtant, fort de sa révolution 3D entamée par son troisième épisode, la licence a réussi à s'acheter une légitimité jusqu'à devenir aujourd’hui un objet incontournable du paysage culturel. Mais passé l’enthousiasme général payé à grand renfort de buzz, de promesses et de promo bulldozer, GTA V se révèle-t-il être à la hauteur ?

Un terrain de jeu inégalé.


Parce qu’un GTA se construit avant tout sur sa ville, il faut commencer par saluer le travail remarquable fourni par Rockstar pour la création de Los Santos et de ses environs. Le terrain de jeu de GTA 5 fait véritablement honneur au travail accompli par le studio sur GTA IV et Red Dead Redemption. Le terrain est immense et varié, passant tout naturellement du désert à la montagne, les développeurs ayant poussé la démence jusqu'à modéliser les fonds sous-marins. GTA 5 réussit donc l’exploit de réunir tous les paysages américains sur une seule carte avec une cohérence qu’aucun jeu n’aura encore atteinte.

Le plus impressionnant reste sans aucun doute le soin apporté à ces espaces hors ville, qui regorgent d'endroits à découvrir. Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas être impressionné par le soin quasi-maniaque avec lequel Rockstar a peaufiné chaque kilomètre carré de son jeu, plaçant là une usine, là un campement hippie. Chaque recoin de la carte a du caractère, même dans les régions les plus reculées où la plupart des joueurs n’iront jamais. Bien sûr, les missions tentent de nous faire visiter la plupart des lieux importants, mais sans jamais parvenir à rivaliser avec l’extraordinaire sentiment de découverte que seule permet une petite virée improvisée.

Si ses alentours sont époustouflants, la ville elle-même n'est pas en reste. Construite sur un modèle qui a fait ses preuves, elle se décompose en plusieurs quartiers typiques et immédiatement reconnaissables qui contiennent chacun ses bâtiments phares, ses boutiques et sa population propre. Les discussions dans la rue vont bon train et on se fait parfois interpeller. Quelques événements aléatoires viennent ainsi donner vie à ce petit ensemble. Dommage que le fait d’incarner l’un ou l’autre de nos personnages n’ait pas une énorme influence sur ces événements qui sont finalement assez répétitifs, même s'ils sont toujours les bienvenus.

Bien sûr, sur console, on est graphiquement loin des open worlds PC : c’est moche, ça scintille, le frame-rate est à la rue (moins que dans le 4 tout de même), il y a des retards d’affichage et un clipping parfois très gênant, surtout à grande vitesse. Pourtant, une fois passée la première heure de jeu, la plupart des soucis techniques sont dilués dans l’expérience de la ville, le soin qui lui a été apporté compensant largement ces broutilles. Par la variété et la taille réellement inédite de son territoire, GTA V parvient à créer une expérience fantastique, nous offrant tout simplement l'occasion à chacun de vivre son propre road-movie, de prendre l’autoroute avec la musique à fond pour le simple plaisir de rouler et de visiter.

Chaque course poursuite - à pied aussi bien qu'en véhicule - devient aussi de ce fait un véritable défi d’adaptation et d'improvisation face au terrain de jeu, laissant au joueur une vraie liberté d'action. Les moments les plus réussis découlent d’ailleurs le plus souvent d'événements impromptus et non pas des missions (mais on y reviendra). On peut décider de fuir sur l'autoroute après avoir braqué un fourgon, de faire une embardée pour éviter la police avant d’atterrir en plein marécage, seul, sans véhicule, alors que la nuit tombe – ou bien on découvre un petit canal bordé de maisons où se cacher tandis que la police inspecte méthodiquement chaque allée en se rapprochant de nous - ou encore on fuit dans un immeuble en construction pour y provoquer une gigantesque fusillade. Dans ces moments, le jeu dévoile toute sa grandeur, permettant au joueur de créer des situations exaltantes. Reste que pour se mettre en place, elles nécessitent quand même de savoir jouer le jeu : malgré un système de recherche qui semble un poil plus exigeant que dans le Liberty City et vous pousse, par exemple, à changer de voiture, la police peut systématiquement être semée en partant en rase campagne. Bref, pour se payer le luxe d’un vrai challenge, mieux vaut d’abord plier le jeu à ses exigences quitte à tricher un peu.

Hey homie, il daterait pas de 2008 ton gameplay?


S’il fait un sans-faute sur sa capacité à offrir au joueur le terrain dont il a toujours rêvé, on a le sentiment que c’est un peu l’unique avantage qu’a le jeu sur la concurrence. Ni le gameplay, ni la structure n’ont fondamentalement changé pour se défaire des défauts de GTA IV. À l’époque, si l’idée de pouvoir surfer sur le net, d’aller au bowling entre potes ou d’utiliser un téléphone portable, sans être exceptionnelle, ouvrait la voie à ce que pouvait être un open-world moderne, la concurrence a depuis su en emprunter le meilleur pour remplir ses villes d’activités plus convaincantes, tout en proposant des expériences de jeu cohérentes à défaut d’être aussi larges. Saint Row IV éjectait définitivement toute idée de scénario pour livrer clé en main la ville et ses gadgets débiles à l’omnipotence du joueur. Sleeping Dogs quant à lui développait un système de combat intéressant qui s'intriquait parfaitement avec son ambiance et sa narration, donnant au jeu une personnalité forte et inoubliable malgré ses nombreux défauts.

GTA V s’en tient grosso-modo à la stratégie de son ainé poussée à son paroxysme, à savoir qu’il se présente comme un immense fourre-tout sans souci de cohésion, proposant en parallèle aux traditionnelles missions pléthore d’activités, allant du tournoi de fléchettes à la chasse en forêt. Leur nombre est proprement hallucinant, mais ça ne signifie pas pour autant qu’elles sont très intéressantes. C’est un peu l’arnaque classique de GTA, qui en refusant de se restreindre pour proposer une expérience de jeu compacte mais de qualité, se noie dans la quantité quitte à ce que ces activités ne dépassent pas le statut de la simple curiosité oubliée après une ou deux tentatives. Bien sûr, on ne peut s’empêcher d’être amusé et impressionné par le nombre de chose à essayer, mais le tout reste aussi anecdotique et répétitif qu’une compilation de jeux de sport sur Wii qui se serait accouplé à Euro Truck Simulator. Si l’idée de courir un triathlon est amusant sur le papier, quand ça revient à matraquer un même bouton pendant 30 min, c’est vite ennuyeux.

Bien sûr ces diverses activités sont aussi censées servir à gonfler les statistiques de vos personnages : aller au champ de tir permet ainsi de recharger plus vite, à l’école de vol de mieux contrôler votre coucou et ainsi de suite. Mais ces améliorations sont inutiles et on a du mal à ne pas voir qu’elles ne sont là que pour que nous passions deux heures à jouer au tennis ou à faire du vélo, ce qui dans le fond est presque plus malhonnête qu’un système d’achievements.

Mais GTA V, ce n’est pas seulement faire de la bicyclette ou chasser des pumas. On passe des heures en voiture pour se rendre à ces activités bien dispersées sur la carte. La conduite de celui-ci est un poil plus arcade que celle du 4. Les voitures tiennent mieux à la route et les chocs sans pour autant être indestructibles (malgré une fâcheuse tendance à se remettre d’elles-mêmes sur leurs roues). C’est un compromis agréable même si certains trouveront à redire. Les courses sauvages sont d’ailleurs les seules activités réellement agréables, même si elles sont très faciles, d’autant que les différences de surfaces sont bien rendues. Bien sûr, pour s’adapter au terrain, on dispose d’un nombre de voiture phénoménal qu’on peut améliorer et conserver (à la Saint Row), mais sachez qu’un bug les fait disparaître régulièrement.

Autre mamelle de GTA : les fusillades. Pas grand chose de nouveau de ce côté-ci, elles sont toujours aussi molles. Le système de couverture, de visée et de déplacement est rigide au possible et il n’est pas rare de rater un virage trop serré à pieds ou de s’assommer en sautant contre un mur. Vos personnages disposent de compétences spéciales qui ne sont rien d’autres qu’une forme de triche légale (ralentir le temps, être invulnérable) dans un jeu qui n’en a franchement pas besoin. Les armes n’ont toujours aucun punch et les ennemis sont stupides quand ils ne sont pas cachés derrières des caisses. Il y a aussi un système de discrétion, mais il est tellement approximatif que vous ne vous en servirez finalement assez peu.

Même si les missions tentent de faire varier les situations, la base du gameplay est tellement médiocre qu’on en revient toujours à pester contre le jeu là où on devrait prendre son pieds. D’autant qu’elles sont extrêmement dirigistes. Ne vous attendez donc pas à vous amuser en dehors des clous sous peine de game over. Comme le jeu n’est pas trop dur si vous êtes patients (votre vie remonte toute seule et vous passez votre vie caché derrière une caisse), ceux-ci sont le plus souvent dus au fait de dévier de l’objectif que d’une vraie et franche mort. Sans compter que les checkpoints vous remettent directement dans le droit chemin, éliminant d’emblée un bon nombre de vos options (n’espérez pas éliminer une cible de loin. Si le jeu n’a pas prévu cette possibilité, il vous place à 3 mètres de la cible après une mort). Les missions offrent un catalogue rapide de tout ce qui se fait dans le jeu, mais sans que vous n’ayez jamais à vous montrer créatif avec ce que vous avez appris antérieurement.

Quant aux braquages, si les premiers laissent entrevoir des possibilités très excitantes, le système tombe lui aussi à plat puisqu'on se contente finalement de valider un des deux plans, de voler 2/3 véhicules et de suivre les instructions. Si encore les missions étaient aussi exaltantes dans leur mise en pratique que ce que les plans laissent entrevoir, mais la médiocrité des phases d’actions couplée à leur répétitivité ne parvient que très rarement à nous faire prendre notre pied. Autre problème : la possibilité de switcher d’un personnage à un autre est pleine de bonnes intentions, mais en pratique, elle découpe souvent l’action en une succession de micro-séquences parfois franchement nulles (quand un des personnages sert de sniper par exemple). La puissance immense que ce pouvoir confère au joueur est d'ailleurs elle aussi problématique. Si le braquage phare de GTA IV réussissait à nous prendre aux tripes, c’était en grande partie par sa capacité à nous immerger de bout-en-bout dans l'action via un unique personnage. Le joueur vulnérable devait faire face à l’imprévisibilité des situations pour sauver sa peau. Dans GTA V, non seulement chacun des trois personnages devient une vraie machine à tuer dans les mains du joueur, mais en plus, passer d’un personnage à un autre permet d’éviter la mort.

Autre déception, en dehors des trois personnages principaux, la plupart des autres membres de l’équipe ne font - au mieux - que de la figuration, et même si certains sont rencontrés une première fois en dehors des missions avant d’être recrutés, ils ne servent au final que de chair à canon interchangeable. On est loin d’incarner un groupe de braqueurs à proprement parler donc. L’histoire se focalise sur une foule de personnages et d’à-côté totalement inintéressants, mais laisse curieusement de côté ce qui aurait pu être intéressant : rencontrer et recruter les membres de son équipe. Et on en arrive ici à l’autre problème majeur de ce GTA V.

Cynisme et ennui au menu ce soir


Certains diront que critiquer le récit d’un jeu n’est pas forcément très utile. On ne saurait leur donner tort, mais dans un jeu aussi bavard que GTA V dans lequel le gameplay est loin d’être l’attrait principal, il faut pourtant bien passer par là. Les problèmes de rythme et la linéarité excessive des missions sont d’ailleurs souvent le résultat direct de la volonté des développeurs de mettre en scène ce triple récit. Le scénario en lui-même n’a rien de particulièrement mauvais, les acteurs sont tous à la hauteur (même s’ils en font des tonnes) et la réalisation est correcte sans plus. Mais comme on le sait, il y a surtout un ton GTA, et cet opus ne déroge pas à la règle.

Parodique et bourré de références, GTA V tente donc de reprendre le flambeau satyrique de son prédécesseur, mais peine pourtant à en retrouver l’efficacité. La plupart des personnages (particulièrement les antagonistes) font tristes mines face à la ribambelle de personnages grand-guignolesques et bouffons du 4ème volet de la série. Bien sûr, certains y verront un portrait au vitriol du monde capitaliste occidental, et c’est sans aucun doute l’image qu'il cherche à donner. Mais ce qui est écrit dans le dossier de presse fournit avec le jeu n'est pas forcément vrai. GTA n'est plus le jeune rebelle provocateur qu'il voudrait être. Pour s'en convaincre, il suffit de voir comme il est soudain devenu le chouchou de toute la presse, ou mieux, de jeter un œil sur Hotline Miami et découvrir à quel point il est aujourd'hui complétement dépassé, et par beaucoup plus brillant que lui...

Dans les faits donc, GTA V multiplie surtout les provocations insipides et clins d’œils aussi agaçants qu'inoffensifs tant il se contente de hurler avec la meute (s'attaquer aux paparazzis ! Quelle audace !). Il passe au crible de ses moqueries aussi bien Pasolini que Facebook sans nécessairement parvenir à être drôle - tout en nous passant du Britney Spears. Et il n'oublie pas évidemment de s'associer aux références biens en vue du moment (les indéboulonnables Sopranos en tête). Non pas qu’il y ait nécessairement un problème à se moquer de tout ou à dresser un immense doigt d’honneur à la face du monde, mais la condescendance et le cynisme avec lesquels GTA V s’attaque indifféremment à tout et n’importe quoi pour avoir l’air cool, tout en étant lui-même devenu un pur produit consensuel de consommation, a quelque chose d’écœurant.

On pourrait faire semblant et prétendre que le jeu n’a pas vocation à faire du discours, mais ce serait passer outre le jugement constant que ce dernier porte sur tout et tout le monde et oublier un peu vite la présence quasi-systématique d’un personnage central de donneur de leçons (Niko, Marston ou ici Franklin, good bad-boys embarqués contre leur gré par des sociopathes, des corrompus ou des idiots tout en nous servant régulièrement leurs commentaires éclairés sur le sens de la vie). Saint Row avait au moins le « bon » goût de prendre ses responsabilités en assumant son inconséquence et sa bêtise jusqu’au bout (allant d’ailleurs jusqu’à placer le joueur dans un monde virtuel pour le IV). GTA V impose sa hiérarchie culturelle mais se réfugie lâchement derrière l’excuse ironique pour justifier sa propre médiocrité et son refus de prendre position sur quoi que ce soit.

Pourtant, quand on arrive à un tel niveau de notoriété, à l’aide notamment d’une campagne marketing omniprésente, difficile d’échapper à la responsabilité de ce qu’on décide de montrer dans son jeu. Et avant de s’extasier sur sa prétendue maturité, il aurait été bon que la presse généraliste se penche, par exemple, sur la séquence de torture, d’un clair mauvais goût. Il n’est pas interdit d’en montrer dans un jeu vidéo, mais encore faut-il avoir les épaules et l’intelligence pour le faire. Même Tarantino, que les défenseurs ne manqueront pas de citer, a depuis longtemps montré la visée de son usage de la violence, intrinsèque à sa réflexion sur le revenge-movie. Le ton tout simplement affligeant employé par le jeu rend cette séquence (obligatoire qui plus est) proprement nauséabonde et montre bien les limites d’une licence qui, drapée dans sa bonne conscience parodique, refuse de se confronter aux problèmes d’une violence qu’elle montre et dont elle fait l’un des ses arguments de vente principal. Sleeping Dogs versait parfois dans le nanard, mais son premier degré se révélait bien plus courageux. Il osait s’attaquer de front à ces questions de violence, de loyauté, d’appartenance au milieu criminel avec une certaine réussite. GTA V ne propose lui qu’une épuisante condescendance et un cynisme immature parsemé de blagues potaches (hohoho Trevor fait caca derrière une caisse avant d’aller torturer un innocent !).

On se demande alors bien pourquoi – et comment - on devrait s’intéresser à ce qu’il a à nous dire : Michael, à ses histoires de famille, à ses séances de psy, ou bien les sempiternels dialogues caricaturaux. La palme de la bêtise revient sans doute au « psych report » final, qui fait peine à voir en comparaison à l’usage qu’en ont fait des jeux comme Lone Survivor ou The Walking Dead (avec ses statistiques). Quelle valeur peut avoir le jugement d’un jeu n’offrant aucune liberté éthique au joueur et se moquant de tout contenu ?

L'art et la manière de perdre son temps


Le vide donc, problème principal d’un jeu qui parle pour ne rien dire, qui nous fait perdre notre temps dans d’innombrables activités inutiles et insipides... A l’image des sectes que le jeu parodie, ou de nos trois héros qui le plus souvent travaillent sans toucher de récompense. C’est dans son rapport à la temporalité que GTA trahi le mieux sa propre vacuité. Pour un jeu qui semble vouloir faire figure de projet total, englobant aussi bien les fonds marins que la bourse virtuelle, il est curieusement incapable de prendre en compte le passage du temps. Que ce soit pour ses qualités ludiques ou narratives, cet élément est mystérieusement absent. S’il propose par exemple de passer d’un personnage à un autre, il n’exploite jamais les mécanismes de simultanéité que la fonctionnalité appelle. Les braquages, curieusement, ne mettent jamais en jeu des contraintes de temps. Le simple fait d’imposer au joueur un agenda pour certains casses (à la Dead Rising mais en plus souple) aurait pu être une bonne façon de casser la linéarité des missions en redonnant une liberté d’action au joueur tout en lui fixant un des objectifs.

Mais GTA V préfère fonctionner en flux constant, balançant sans relâche au joueur des occupations illusoires. Contrairement à GTA IV, tout est d’ailleurs immédiatement accessible et ouvert. On peut se rendre auprès de chaque bâtiment, et une fois arrivé constater évidemment qu’il n’y a en fait rien à y faire. Au temps donc, GTA V oppose la surface : étendue immense d’un territoire à parcourir, façades de maisons sans intérieur, dialogues, scénario et personnages hauts en couleur mais complétement creux. Tout ça relève presque d'une anxiété du vide à laquelle le jeu n'oppose rien d’autre que le remplissage des trois prochaines minutes, les multiples activités ne servant alors qu’à donner au joueur l’illusion d'une richesse et d'une épaisseur que le jeu ne possède pas.

Qu’on le compare par exemple à Shenmue autre jeu « total » qui, sur un principe similaire, proposait au joueur de perdre son temps. Certains passages de GTA nous le rappellent d’ailleurs (sur les docks, quand on s'occupe du chien). Mais là où Yu Suzuki faisait du vide une notion pleine, ramenée à une échéance lointaine mais bien réelle, formalisée par l’écoulement des heures, des jours et des saisons, GTA V se place dans une logique de consommation irréfléchie et inconséquente de notre propre temps.

Tout cela finit par épuiser et une question se pose alors : au delà de la fantastique découverte d’un territoire, le jeu a-t-il quelque chose à offrir ? Pas forcément tant il peine à livrer autre chose de convaincant, faisant finalement pâle figure face à la cohérence mal dégrossie de Sleeping Dogs, ou même la liberté et la folie vulgaire et décomplexée de Saint Row IV. Quand GTA tente de remplacer le skin de ses ennemis par des clowns ou des aliens pour une phase de shoot identique à tous le reste du jeu, il ne risque pas de nous convaincre qu’il est déjanté mais il nous montre tristement une fois de plus qu’il ne travaille que la surface, le skin, et non ce qui a fondamentalement besoin d’être repensé et amélioré.

C’est bien tout le problème de GTA V, le jeu est profondément bête et médiocre mais ne se remet pas vraiment en cause. On préfère au final rouler tranquillement et profiter du seul aspect réussi : son territoire. Le jeu n’a d’intérêt qu’à perdre son temps selon ses propres modalités. Cela suppose de prendre congé de la vulgarité criarde de son écriture et de son gameplay poussif, fuir les coups de téléphones familiaux et professionnels, les activités stupides et les mini-jeux sans intérêts pour retrouver le pur plaisir vain de rouler librement. Se fabriquer sa propre expérience, par défaut purement visuelle puisque le jeu ne propose rien d’autre, plutôt que de le remplir d’inepties. Sur ce terrain, GTA reste impérial.

Reste tout de même une perspective alléchante : que le multijoueur donne enfin le pouvoir au joueur d’investir Los Santos pour y construire et y proposer sa propre expérience. On attend avec impatience de voir ce que ça va donner et on espère qu'il faudra revenir sur l’impression assez mitigé que nous laisse cette partie solo.
Testé à partir d'une version commerciale.
À vouloir tout faire entrer dans son jeu, Rockstar semble oublier que quantité ne fait pas nécessairement qualité. GTA V est un jeu à double tranchant. Impressionnant mais peu amusant, il fournit le superflu mais oublie la substance : qu'un jeu ne peut pas être seulement une accumulation de gadgets avec du vide autour, aussi bien emballé soit-il. Dans l’état, on ne peut bouder son plaisir de voyager à Los Santos, mais pour ce qui est du jeu à proprement parler, on repassera. Reste à espérer que le multi puisse enfin nous offrir le jeu qu'on espère.
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