Duke Nukem Forever
Après avoir repoussé l'invasion alien dans ses précédentes aventures, Duke Nukem est devenu l'homme le plus important de la planète. Il se la coule douce dans son palace de Las Vegas, jouant à son propre jeu confortablement installé dans son canapé pendant que les jumelles Mary et Kate Holsom s'occupent de faire reluire son gros calibre. Malheureusement pour sa tranquillité, les aliens reviennent et bien que le président des Etats-Unis ordonne à Duke de ne pas intervenir afin de pouvoir tenter de parlementer peinard, bien vite les extra-terrestres s'en prennent à notre héros et recommencent à enlever les gonzesses - les plus bonnasses, comme ne manque d'ailleurs pas de le faire remarquer le grand blond au marcel rouge qui va devoir reprendre les armes afin de laver cet affront. Car c'est bien connu : "nobody steals our chicks, and lives".
Dès le début, le ton du jeu est donné : il y aura du pipi, du caca, des gros mots, du sexe et des filles peu farouches. Amis de la finesse et du bon goût, passez votre chemin, ici on va donner dans la grosse gaudriole qui tâche. Ce n'est franchement pas délicat et parfois tellement gros que ça semble presque forcé, mais on peut saluer les équipes de 3D Realms / Triptych / Gearbox d'être allées à fond dans le délire beauf propre au personnage de Duke. Celui-ci ne rate pas une occasion de placer une vanne bien grasse et on ne compte plus les gros clins d'oeil bien appuyés à d'autres jeux : Dead Space, Halo ou même Duke Nukem 3D lui-même auront droit à leurs petites piques en règle.
Mais Duke Nukem Forever, ce n'est pas que de la grosse rigolade, des coups de poings dans les couilles et de l'étalage de caca sur les murs : c'est aussi un FPS, et de ce côté-là il n'y a plus trop de quoi rire. Sur le fond, on retrouve à peu près les mêmes affrontements que dans DN3D, que ce soit au niveau des ennemis (soldats pouvant utiliser un jetpack et téléporteurs, pigcops, octabrains, battlelords ou cycloid emperors), des pétoires utilisées pour les faire passer de vie à trépas (flingue, shotgun, ripper, RPG, grenades télécommandées, shrinker, freezegun, mais également quelques petits nouveaux comme un railgun où des armes piquées aux ennemis ; on notera d'ailleurs que toutes ces nouvelles armes sont globalement assez ratées et ne procurent aucune sensation lors de leur utilisation, à part peut-être le railgun qui rappelle un peu le canon à micro-ondes de l'Atomic Edition de DN3D en faisant parfois gonfler les ennemis jusqu'à l'explosion) ou des objets secondaires (le légendaire Holoduke fait son grand retour, un peu plus évolué que dans le précédent épisode, tout comme les stéroïdes, auxquels on pourra ajouter les bières qui rendent temporairement plus résistant ; en revanche, on pleurera la disparition du jetpack, du médikit portable et des bouteilles de plongée, mais on y reviendra).
Malheureusement, afin de nous proposer un jeu un peu dans l'air du temps, les développeurs ont cru bon de limiter à deux le nombre d'armes que Duke peut porter sur lui, plus les pipebombs et autres objets secondaires. Plus question donc de se trimbaler avec une dizaines de flingues sur soi, il faudra désormais faire des choix, ou plutôt attendre que le level design les fasse pour vous. Cette disposition des armes dans les niveaux sera sans surprise puisqu'on aura systématiquement un railgun avant des affrontements à distance, un shotgun pour les affrontements plus intimes, et des caisses de munitions infinies avant les boss. Puisqu'on parle du level design, on pourra là aussi verser toutes les larmes de notre corps en repensant à celui de DN3D, absolument fantastique avec ses immenses niveaux sur plusieurs étages gavés de recoins secrets, quand on se retrouvera face aux successions de couloirs tout plats de Duke Nukem Forever. Oh bien sûr, il y aura quand même quelques niveaux qui parviennent à sortir du lot, comme celui du Duke Burger où l'on contrôle un Duke miniature, ou ces derniers niveaux aquatiques donnant presque l'impression d'être un peu moins étriqués, mais globalement on se contentera d'enchaîner couloirs et arènes jusqu'à l'écoeurement. Ces environnements alternent passages en extérieur, comme ce Las Vegas tombant peu à peu en ruines où l'escapade dans le désert (où l'on croisera une petite ville fantôme façon western dont on cherche encore à justifier l'existence), et en intérieurs, dans le casino de Duke ou la ruche alien qui évoque d'ailleurs énormément les environnements organiques de Prey. Heureusement, si ces environnements ne sont pas très ingénieux dans leur conception, ils n'en restent pas moins souvent gavés d'éléments interactifs qui seront l'occasion d'entendre Duke placer une petite boutade toujours bienvenue. On ne manquera pas de remarquer toutefois que ces éléments sont surtout présents au début du jeu, leur présence devenant beaucoup plus rare par la suite.
Mais les déboires de Duke Nukem Forever ne s'arrêtent pas là. On l'a su durant les innombrables années de développement du jeu, à chaque fois que les gens de 3D Realms voyaient une feature qui leur plaisait dans un autre titre, il fallait absolument qu'ils l'intègrent à leur production. On a donc droit à des phases en véhicules pénibles et inutilement longues, des QTE pour un peu tout et n'importe quoi, des phases de rail shooting mollassonnes, et même des énigmes utilisant le moteur physique. Le tout semble composé d'éléments mis bout à bout, sans réelle cohérence, donnant à l'ensemble un côté fourre-tout bordélique. Autre élément "moderne", l'abandon des points de vie au profit d'une barre qui se vide quand on s'en prend plein la gueule et qui se remplit quand on se planque comme un lâche. Cette barre, nommée Ego, présente quand même une petite originalité : elle pourra grandir si vous accomplissez certaines actions : faire de la muscu, regarder un magazine de cul, jouer au flipper... Pour le coup, c'est plutôt marrant et ça colle finalement assez bien à l'esprit du personnage.
L'autre gros point noir du jeu, probablement le plus pénalisant, est son incroyable absence de rythme. Le début du jeu est particulièrement emblématique, puisqu'on doit bien attendre une bonne demi-heure avant de mettre la main sur un flingue : tout simplement surréaliste. De plus, à aucun moment on n'a le sentiment d'assister à une invasion extra-terrestre tant on a l'impression d'évoluer dans de mauvais décors en carton complètement figés où rien ne se passe, dénués de toute trace de vie à part deux-trois soldats idiots qui ne servent à rien. On n'attendait pas bien sûr une surabondance de scripts et d'explosions à la Call of Duty, mais on n'a même pas droit ici au minimum syndical qu'on est en droit d'attendre aujourd'hui d'un jeu "scénarisé".
Reste enfin à aborder la partie technique. Là aussi, le jeu est très loin de faire la moindre étincelle mais finalement ça reste presque anecdotique comparé à toutes ces aberrations de game design que l'on vient d'évoquer. Ce n'est pas franchement moche, il y a même un body awareness (hop, une autre feature cool vue ailleurs rajoutée au jeu sans justification particulière) pas trop mal foutu, mais ça reste dans l'ensemble très très vieillot. Le passage où l'on prend un peu de heuteur et où l'on admire Las Vegas depuis le sommet d'un gratte-ciel est assez édifiant, avec de pauvres batiments cubiques qui font pâle figure comparés à ceux de Google Earth. L'avantage, c'est que ça tourne sur à peu près n'importe quel PC, sauf peut-être le 486 de votre grand-mère, mais il parait quand même que les versions consoles souffrent de chargements interminables là où ils ne durent même pas dix secondes sur PC. La partie sonore n'est pas non plus particulièrement brillante : certes, il y a le thème de Duke 3D et la voix de John St Jon qui donne tout ce qu'il a, mais à côté de ça les autres thèmes musicaux n'ont pas la moinre personnalité, et les sons des armes ne sont pas non plus très pêchus, à tel point qu'on a envie de remplacer les fichiers sons du jeu par ceux de Duke 3D. On saluera quand même le travail accompli sur la VF, puisque c'est Daniel Beretta, alias la voix française de Schwarzy (et celle de Sam Fisher aussi, soit dit en passant), qui double le Duke. Un choix tout à fait judicieux, d'autant que les traducteurs s'en sont vraiment donné à cour joie pour porter les bons mots du Duke dans notre belle langue.