TEST
Bokida : A Heartfelt Reunion
Développeur / Editeur : rice cooker republic
Bokida est un jeu de puzzle/exploration à la première personne. Le jeu raconte l’histoire de deux astres, l’un noir, l’autre blanc, amoureux l’un de l’autre. La suite pourrait bien vous surprendre !
Ne me demandez pas pourquoi, mais pour réunir les deux amoureux, le joueur doit parcourir un monde au rendu minimaliste et activer des monolithes en résolvant des puzzles. Bokida est l’un de ces jeux à la narration fragmentaire et fragmentée, et le pitch n'est que prétexte à notre promenade, à moins que ce ne soit l'inverse. Une fois en route on croise des plaines, des montagnes, des ruines et ce qui semble être d’anciens temples. On va sous l'eau, on passe d'une planète à l'autre. La plupart du temps, tout est blanc, c'est sympa, on a l'impression de skier. Parfois il y a aussi de la couleur. Les espaces se suivent logiquement, mais certains se bouclent sur eux même. Vous l’avez deviné, il se passe de drôles de trucs dans Bokida. On ne sait pas toujours bien ce que tout ça signifie ou comment ça fonctionne, mais au moins, ça a de la gueule. On pourrait comparer le jeu à Antichamber ou à The Witness, mais ces deux là sont clairement plus orientés puzzle que Bokida, qui lui met davantage l’accent sur l’exploration. Le joueur, lâché dans une gigantesque espace ouvert passe généralement plus de temps à trouver le prochain puzzle qu'à tenter de le résoudre.
A mille lieux d’une exploration qui impose un rythme et un chemin balisé, Bokida propose donc au joueur de se fabriquer sa propre Voie, lui permettant d’explorer comme il l’entend un monde totalement ouvert. On glisse ou on se propulse de bloc en bloc pour gagner en vitesse, on bâtit d’énormes structures pour escalader des ruines et des falaises, avant de les découper et de faire voler les débris en éclats. Bref, on expérimente avec pas mal d’amusement. D’autant que le jeu ne déçoit pas quant aux possibilités offertes par ces mécanismes : les pouvoirs s'utilisent sans restrictions, la physique fonctionne correctement, les blocs et les débris découpés restent dans le monde de façon permanente. Seul le ralentissement éventuel du jeu finit par nous forcer à les effacer (le menu dispose d'une option).
Face à la richesse de ces mécanismes, on est d’autant plus déçu par la relative simplicité des puzzles, qui n’exploitent quasiment jamais ces capacités, ou alors de façon très superficielle et ponctuelle. Même bilan pour l’exploration et les environnements, qui proposent finalement peu de variété et donc peu d'occasions d’utiliser nos compétences de manière inventive. Les puzzles environnementaux sont d’ailleurs les grands absents de Bokida, qui se concentre sur des énigmes limitées à de petites échelles. Et si les environnements nous poussent à utiliser nos pouvoirs, c’est avant tout parce qu’ils sont un peu pénibles à explorer. Ce qui incite le joueur à bâtir des ébauches de ponts et de colonnes, c'est plutôt l'envie de gagner du temps que le désir d'explorer. C'est qu'au-delà du côté bac à sable, assez plaisant au demeurant, on se lasse rapidement d’avoir à escalader une énième falaise pour n'y trouver qu'un enième collectible, dans le meilleur des cas ! C’est dommage que nos pouvoirs ne structurent pas un peu plus l’exploration, d’autant que Bokida souffre d’un terrible manque d’indication quant à la direction que le joueur doit suivre.
Il y a un moment où la question n’est plus de savoir s’il y a un sens dissimulé et cohérent caché dans le monde parcouru, ni même si le récit est en lui-même intéressant (quoique ça aide quand même) mais plutôt quel intérêt il y a à le découvrir. Antichamber, – qui utilisait d’ailleurs des aphorismes mais avec un humour assez cruel – ou NaissanceE, deux jeux avec lesquels Bokida partage quelques ambitions narratives, sont capables d’assumer le flou de leurs récits tout en proposant une expérience de jeu solide, structurée par l'expressivité des environnements ou l'intérêts des mécanismes de jeu. Pour Bokida, on en vient à se demander s'il n'y aurait pas une certaine complaisance de la part des développeurs vis-à-vis de leur vision artistique et/ou narrative.
Inventer un mystère ou fabriquer un récit cryptique n’autorise pas à faire l’économie de sa mise en forme narrative et ludique. Ici, celle-ci semble se limiter à disperser quelques phrases ici et là, espérant que le joueur, fasciné par le mystère, explore scrupuleusement un environnement immense et quasi-vide, prenne note de chaque bribe pour ensuite laborieusement reconstituer le puzzle. Le seul obstacle ludique est donc cette logique d'objet caché, qui a comme critère de difficulté principale l'ennui qui peut finir par s'installer. Le comble c’est que le jeu propose déjà comme objectif plus ou moins secondaire de partir à la recherche d’orbes. Sans vouloir être méchant, le coup des collectibles dispersés sur toute la carte, ça fait un peu Ubisoft comme mécanisme de jeu. D'ailleurs les développeurs, sans doute conscient de la corvée que ça représentait, ont ajouté il y a peu via un patch un indicateur pour aider le joueur à les trouver. Si ça ne rendra pas cette collecte beaucoup plus fun, ça permettra au moins aux chasseurs de succès de gagner du temps.
Il n’est bien sûr pas exclu que ce soit fait exprès, que cette errance un peu creuse soit volontairement imposée au joueur et rentre en résonnance avec le récit pour faire la démonstration d’un grand principe zen, du genre : tout désir de savoir est un vain chemin. Mais si c’est bien au joueur de donner sens à son expérience de jeu, l’argument de l’œuvre sans concession tout autant que celle du récit symbolique à interpréter ou de l’expérience sensorielle à vivre a parfois bon dos lorsqu'il s'agit de justifier des mécanismes chiantiques. Et un jeu où l’on se perd peut faire l’effort d’une mise en forme, instaurer une ligne directrice qui, même si c’est pour nous faire errer dans le vide, vise à nous emmener quelque part, à nous donner le désir de jouer. Un jeu comme Stanley Parable qui fait tourner le joueur en rond, se moque de lui et le rend totalement impuissant, au moins, tente de le fait rire !
Tout ça ne fait pas de Bokida un mauvais jeu pour autant, et pour peu qu’on se contente de suivre l’ordre des puzzles sans s’intéresser à l’accessoire sens profond du jeu, les 2 heures de promenade ne sont pas désagréables. Les environnements offrent peu de choses mais sont impressionnants à traverser, et certains paysages valent le détour. Les puzzles sont simples mais plaisants et parfois presque malins. On peut aussi s’amuser un bout de temps avec ses petits blocs. Il est même certain que le mystère et l'atmosphère qui entoure le jeu parlera à certains (si on en croit d'autres reviews qu'on vous conseille de lire aussi, si vous êtes curieux, au hasard RPS, citée sur la boite du jeu). Ils vivront une expérience forte et pleine de sens et se moqueront bien au fond ce test idiot qui passe à côté de la VRAIE profondeur du jeu (ne ricanez pas au fond, on nous a fait le coup pour The Last Guardian). C'est vrai qu'ici, on n'est pas très feng shui. Du coup, pour 18€, la facture semble un peu trop salée. Saloperie de matérialisme !
L’homme qui déplace une montagne commence par déplacer les petites pierres (Confucius)
Ce qui surprend le plus, c’est que contrairement à la plupart des jeux d’explorations atmosphériques, Bokida offre beaucoup d’outils à ses joueurs. On dispose en effet au début de quatre pouvoirs. Il est possible de poser/construire des cubes quasiment n’importe où dans l’environnement, un peu comme dans Minecraft, et on peut fabriquer ainsi des passerelles ou des escaliers. On peut aussi découper les cubes ou les assemblages, les effacer, les pousser, s’en servir pour accélérer ses mouvements ou se propulser vers les hauteurs. Même sans ça, le joueur peut sauter très haut et planer autant qu’il le souhaite. Il gagne aussi d’autres pouvoirs un peu plus tard dans le jeu.A mille lieux d’une exploration qui impose un rythme et un chemin balisé, Bokida propose donc au joueur de se fabriquer sa propre Voie, lui permettant d’explorer comme il l’entend un monde totalement ouvert. On glisse ou on se propulse de bloc en bloc pour gagner en vitesse, on bâtit d’énormes structures pour escalader des ruines et des falaises, avant de les découper et de faire voler les débris en éclats. Bref, on expérimente avec pas mal d’amusement. D’autant que le jeu ne déçoit pas quant aux possibilités offertes par ces mécanismes : les pouvoirs s'utilisent sans restrictions, la physique fonctionne correctement, les blocs et les débris découpés restent dans le monde de façon permanente. Seul le ralentissement éventuel du jeu finit par nous forcer à les effacer (le menu dispose d'une option).
Le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir (Confucius)
Face à la richesse de ces mécanismes, on est d’autant plus déçu par la relative simplicité des puzzles, qui n’exploitent quasiment jamais ces capacités, ou alors de façon très superficielle et ponctuelle. Même bilan pour l’exploration et les environnements, qui proposent finalement peu de variété et donc peu d'occasions d’utiliser nos compétences de manière inventive. Les puzzles environnementaux sont d’ailleurs les grands absents de Bokida, qui se concentre sur des énigmes limitées à de petites échelles. Et si les environnements nous poussent à utiliser nos pouvoirs, c’est avant tout parce qu’ils sont un peu pénibles à explorer. Ce qui incite le joueur à bâtir des ébauches de ponts et de colonnes, c'est plutôt l'envie de gagner du temps que le désir d'explorer. C'est qu'au-delà du côté bac à sable, assez plaisant au demeurant, on se lasse rapidement d’avoir à escalader une énième falaise pour n'y trouver qu'un enième collectible, dans le meilleur des cas ! C’est dommage que nos pouvoirs ne structurent pas un peu plus l’exploration, d’autant que Bokida souffre d’un terrible manque d’indication quant à la direction que le joueur doit suivre.
Si le jeu se veut atmosphérique et minimaliste, la mise en forme de son récit est peut-être un peu trop fragmentaire pour qu’on l'investise. Il y a des paysages et des architectures impressionnantes, et on voit bien que l’environnement raconte une histoire, mais il offre peu de détails ou d'indices au joueur. Tout se ressemble, tout est trop vide et, une fois passée la friandise visuelle, on perd vite notre curiosité. C'est que sans points d'appuis ni dans le gameplay ni dans les décors, explorer devient plus une contrainte qu'un plaisir. Du coup, l'errance produite par le manque d'indication se révèle assez frustrante. La seule raison qui pousse à continuer d'explorer est la découverte de mystérieuses stèles porteuses de bribes de textes. Ceux-ci mélangent des aphorismes d’inspiration vaguement zen à ce qui pourrait être des chroniques historiques et des récits personnels, pour former au final une grande critique de la soif matérialiste et de la corruption à laquelle elle mène. Tout ça est délivré au compte-gouttes, phrase par phrase, et demande donc beaucoup d'effort pour peu de lore.
Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire (Bouddha)
Il y a un moment où la question n’est plus de savoir s’il y a un sens dissimulé et cohérent caché dans le monde parcouru, ni même si le récit est en lui-même intéressant (quoique ça aide quand même) mais plutôt quel intérêt il y a à le découvrir. Antichamber, – qui utilisait d’ailleurs des aphorismes mais avec un humour assez cruel – ou NaissanceE, deux jeux avec lesquels Bokida partage quelques ambitions narratives, sont capables d’assumer le flou de leurs récits tout en proposant une expérience de jeu solide, structurée par l'expressivité des environnements ou l'intérêts des mécanismes de jeu. Pour Bokida, on en vient à se demander s'il n'y aurait pas une certaine complaisance de la part des développeurs vis-à-vis de leur vision artistique et/ou narrative.
Inventer un mystère ou fabriquer un récit cryptique n’autorise pas à faire l’économie de sa mise en forme narrative et ludique. Ici, celle-ci semble se limiter à disperser quelques phrases ici et là, espérant que le joueur, fasciné par le mystère, explore scrupuleusement un environnement immense et quasi-vide, prenne note de chaque bribe pour ensuite laborieusement reconstituer le puzzle. Le seul obstacle ludique est donc cette logique d'objet caché, qui a comme critère de difficulté principale l'ennui qui peut finir par s'installer. Le comble c’est que le jeu propose déjà comme objectif plus ou moins secondaire de partir à la recherche d’orbes. Sans vouloir être méchant, le coup des collectibles dispersés sur toute la carte, ça fait un peu Ubisoft comme mécanisme de jeu. D'ailleurs les développeurs, sans doute conscient de la corvée que ça représentait, ont ajouté il y a peu via un patch un indicateur pour aider le joueur à les trouver. Si ça ne rendra pas cette collecte beaucoup plus fun, ça permettra au moins aux chasseurs de succès de gagner du temps.
Un but ne doit pas toujours être atteint, souvent il sert juste à nous donner une direction (Bruce Lee)
Il n’est bien sûr pas exclu que ce soit fait exprès, que cette errance un peu creuse soit volontairement imposée au joueur et rentre en résonnance avec le récit pour faire la démonstration d’un grand principe zen, du genre : tout désir de savoir est un vain chemin. Mais si c’est bien au joueur de donner sens à son expérience de jeu, l’argument de l’œuvre sans concession tout autant que celle du récit symbolique à interpréter ou de l’expérience sensorielle à vivre a parfois bon dos lorsqu'il s'agit de justifier des mécanismes chiantiques. Et un jeu où l’on se perd peut faire l’effort d’une mise en forme, instaurer une ligne directrice qui, même si c’est pour nous faire errer dans le vide, vise à nous emmener quelque part, à nous donner le désir de jouer. Un jeu comme Stanley Parable qui fait tourner le joueur en rond, se moque de lui et le rend totalement impuissant, au moins, tente de le fait rire !
Tout ça ne fait pas de Bokida un mauvais jeu pour autant, et pour peu qu’on se contente de suivre l’ordre des puzzles sans s’intéresser à l’accessoire sens profond du jeu, les 2 heures de promenade ne sont pas désagréables. Les environnements offrent peu de choses mais sont impressionnants à traverser, et certains paysages valent le détour. Les puzzles sont simples mais plaisants et parfois presque malins. On peut aussi s’amuser un bout de temps avec ses petits blocs. Il est même certain que le mystère et l'atmosphère qui entoure le jeu parlera à certains (si on en croit d'autres reviews qu'on vous conseille de lire aussi, si vous êtes curieux, au hasard RPS, citée sur la boite du jeu). Ils vivront une expérience forte et pleine de sens et se moqueront bien au fond ce test idiot qui passe à côté de la VRAIE profondeur du jeu (ne ricanez pas au fond, on nous a fait le coup pour The Last Guardian). C'est vrai qu'ici, on n'est pas très feng shui. Du coup, pour 18€, la facture semble un peu trop salée. Saloperie de matérialisme !
Ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as.