TEST
Beyond Blue
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : E-Line Media
Inconnu au bataillon il n'y a pas si longtemps, le petit créateur E-Line Media a affirmé ses ambitions avec son tout premier titre sorti fin 2014 : Kisima Ingitchuna, Never Alone. Dans ce jeu de plateforme qui proposait au fil de sa courte aventure des séquences vidéo filmées au coeur du territoire Iñupiat, on découvrait un mariage ludo-éducatif malin bien qu'imparfait. D'un côté on suivait les tribulations cahoteuses d'une petite fille et son renard des neiges. De l'autre on écoutait les anciens nous parler de la tribu, ses légendes, mais aussi de leur lutte pour la survie des traditions malgré les tentations du monde industrialisé.
Après un petit passage à vide avec le très ennuyeux Endless Mission dont Rozzo vous a parlé dans sa preview, les raconteurs d'histoires du bout du monde sont de retour à leur premier amour : le ludo-éducatif bourré de bons sentiments. Ils ne sont pourtant cette fois-ci pas allés à la rencontre d'une peuplade méconnue et ont préféré s'inspirer du réservoir de belles images signé BBC Studios : Blue Planet II et aux véritables stars des océans, les cachalots. Exit la banquise et le froid glacial de l'Alaska, ce nouveau projet intitulé Beyond Blue nous met dans la peau d'un docteur en biologie marine, Mirai qui a pour mission d'étudier une famille de cachalots pour le compte d'OceanX, une initiative philanthropique d'exploration océanique (qui existe bel et bien). Le jeu consiste donc en une succession de plongées sous-marines à la Abzû dans lesquelles Mirai part à la rencontre des animaux avant de les analyser sous toutes les coutures, guidée par ses collègues Irina et André restés eux sur la terre ferme.Entre chaque plongée, outre le développement de l'histoire personnelle de Mirai, le jeu déverrouille au fur et à mesure des extraits d'interviews scientifiques et de belles images sous-marines filmées par des professionnels qui nous en apprennent plus sur le comportement de plusieurs espèces animales et les problématiques liées à leur survie. Jusqu'ici, c'est assez fidèle à la ligne de conduite du studio. Seulement voilà, si la partie jeu vidéo de Never Alone était hasardeuse par moment, on était tout de même face un vrai plateformer 2.5D cinématique. Ici la gamification à la limite de la recherche d'objets n’est pas loin d'être scandaleuse. On a droit en tout ou pour tout à une dizaine de plongées de 5 à 10 minutes chacune et notre expérience de jeu se limite à nager dans un monde ouvert de la taille d'un grand bassin et à taguer les animaux avant de les survoler avec un drone pour les analyser et vérifier leur anatomie et leur état de santé. Ensuite, on nage vers la prochaine bouée océanique, on la scanne pour dénicher de nouveaux points d'intérêts 50m plus loin et c'est reparti pour un tour... Si le jeu essaie de nous faire croire qu'on dispose d'un grand bac à sable, on a vraiment l'impression de se déplacer dans un aquarium géant qui foisonnerait de vie au mètre carré.
AdiBlue
On y croise en effet une tonne d'espèces différentes, mais on a du mal à plonger dans le bain, tant le jeu ne nous laisse simplement jamais reprendre notre souffle entre deux découvertes. Les requins côtoient les dauphins, les orques, les cachalots, les tortues géantes et tout ce petit monde vit dans 100m3 d'eau salée en compagnie d'une multitude de bancs de poissons et de coraux de toutes sortes. C'est vraiment dommage, car l'apparition soudaine d'un géant des mers dans la pénombre d'un océan à peine éclairé par le coucher du soleil fait son petit effet. Les animations des animaux sont très soignées et la magie opère bien à quelques rares moments comme lorsqu'on approche doucement d'une famille de cétacés endormis à la verticale. Mais on est tout de suite rattrapé par le déluge de points d'intérêts à scanner ou une discussion insipide et beaucoup trop sentimentale entre Mirai, Irina et André. Et comme si ça ne suffisait pas, Beyond Blue se transforme en un incroyable tire-larmes une fois de retour dans le sous-marin. Oui, car pour débloquer la prochaine plongée, il faut se farcir des appels Skype d'une nullité sans nom avec Ren, la plus jeune soeur de Mirai ou ses boulets de collègues.Ren est du genre ado insupportable. Elle se plaint ici de ses études, là de leur grand-mère qui part à l'hôpital pour faire des analyses, sans que l'on puisse y faire quoi que ce soit. On se fait limite raccrocher au nez, peu importe l'option de dialogue sélectionnée. Pire, les collègues s'inquiètent de la présence évoquée à plusieurs reprises d'une société d'exploitation minière dans les parages. Mais alors qu'on espérait peut-être plonger pour en savoir plus et pourquoi pas se la jouer éco-espion, le sujet est tout simplement écarté sans que l'on sache trop pourquoi et ce malgré un "choix" assez explicite. Alors désespéré, on repart en mission et on se retape à nouveau les mêmes actions encore et encore pour débloquer de nouvelles espèces dans l'encyclopédie du jeu. On remarque surtout qu'au-delà de certaines vistas plutôt charmantes (les cheminées hydrothermales, le bassin de saumure), le jeu propose beaucoup trop de textures en basses qualité et des modèles 3D carrément moches dans le sous-marin. Probablement un sacrifice indispensable pour tourner convenablement sur Apple Arcade... On fait au final très vite le tour du jeu en à peine plus de deux heures et un final sans queue ni tête qui nous laisse clairement avec un goût d'inachevé.
Never Alone avait ses défauts, mais il avait au moins le mérite d'être convaincant dans son trip "Rendez-vous en Terre inconnue, le jeu vidéo" ce qui n'est pas du tout le cas ici. A vouloir négliger l'amusement et miser tout sur sa fausse bienveillance, Beyond Blue ne fonctionne jamais vraiment.