PREVIEW
Solasta, à travers les Ténèbres et les Tréfonds.
par Fougère,
email @JeSuisUneFouger
Développeur / Editeur : Tactical Adventures
Support : PC
Actuellement en développement chez Tactical Adventures, Solasta est, comme le veut la formule consacrée, un pur produit de son époque. Un RPG en tour par tour basé sur la version libre de droit des règles de la 5ème édition de Donjons & Dragons, soutenu par un Kickstarter lancé début septembre et qui s'achève aujourd'hui en ayant dépassé son objectif initial. Réalisé par des trentenaires qui ont passé leurs adolescences respectives à se réunir en petit comité pour vivre des aventures épiques narrées par des Maîtres du Jeu. Et autant vous dire que ce qu’on a pu en apercevoir (à la Gamescom, dans la démo Kickstarter et en allant interviewer les développeurs) le jeu nous promet de bien belles choses.
Mais commençons par le commencement : Solosta est à mi-chemin entre un CRPG pur jus et un simulateur de JDR papier. Dans un monde créé par le studio, remplis de mystères à découvrir et d’anciennes menaces à affronter, vous allez incarner un groupe de 4 aventuriers, partis chercher la gloire et la fortune dans des ruines souterraines. Pendant vos explorations, vous devrez affronter des créatures et autres monstres, faire attention à votre environnement pour être sûr de ne pas déclencher des pièges, et utiliser votre ruse et votre sens tactique pour vous sortir de situations parfois très périlleuses.Ça a l’air assez classique dit comme ça, mais n’importe quel joueur de D&D vous dira que la force du système de règles, c’est la possibilité de résoudre n’importe quelle situation de manière originale. Ce qui fait le sel et l’intérêt du jeu, ce sont les solutions créatives que les joueurs vont trouver et essayer de mettre en place, avant d’échouer misérablement parce que les jets de dés n’ont pas été en leur faveur. D’après Mathieu Girard, le fondateur du studio que nous avons interviewé dans les locaux du studio, de nombreux jeux avaient brillamment réussi à s’inspirer des anciennes éditions du JDR papier, comme “la série de la Gold Box ou les Baldur’s Gate”, mais récemment, aucun titre n’avait faire la part belle à ce système de règles qui avait été modernisé depuis. Et histoire de bien montrer qu’ils savent de quoi ils causent, les dévs ont axé leur jeu sur deux éléments de gameplay rarement exploités jusque-là dans le genre : la verticalité et la lumière. Et ça donne un résultat vraiment intéressant, même si la caméra est parfois un peu capricieuse.
Un des aspects les moins exploités dans les RPG, que ce soit sur table ou sous forme de JV, c’est la verticalité de l’environnement et la gestion de la lumière. Premièrement, parce que c’est très difficile à gérer en temps réel, et ensuite parce que leur impact est généralement limité. Du coup, Tactical Adventure a décidé d’axer une grosse partie du level design du jeu autour de ces deux notions, et ça marche plutôt bien. Pendant votre aventure, votre équipe d’aventuriers va progresser de zones fermées en zones fermées : vous entrez par le point A, vous sortez par le point B, et vous devez vous débrouiller pour gérer ce qu’il y a entre les deux. Les zones sont plus ou moins grandes, avec une surface de jeu généralement assez limitées, mais toujours construite par strate. Vous aurez toujours au moins trois ou quatre niveaux de jeu disponibles, empilés les uns sur les autres, avec différents moyens de naviguer entre eux. Et sans étudier attentivement son environnement, on court à la catastrophe : descendre est facile, il suffit de sauter. Mais s'il n’y a pas de moyen de remonter, et que votre voleur est tombé dans une embuscade tendue par des araignées géantes, qu’allez-vous faire ? Faire descendre tout le groupe pour l’aider ? Essayer de kite vos assaillants pendant que vous prenez une position avantageuse pour les canarder depuis les hauteurs ? Sachant qu’à partir de certains niveaux, vos personnages pourront littéralement voler ou grimper aux murs, je vous laisse imaginer les possibilités qui s’offrent à vous.
Et tout ça, c’est sans prendre en compte la gestion de la lumière. Parce que oui, dans les endroits souterrains, votre pote le soleil à un peu de mal à briller. Si vous ne mettez pas une torche dans la main d’un de vos persos, ou qu’un des lanceur de sort ne se met pas à faire luire son bâton, vous allez avancer à tâtons. Bien sûr, certaines races peuvent voir dans le noir, mais en prenant en compte la verticalité et les lignes de vues limitées, ca fait encore beaucoup de coins sombres. Et on ne parle que ce que vous voyez sur votre écran. C’est au niveau des règles qui régissent le combat que vous allez le plus le sentir passer. Pour le dire simplement, les combats de Donjons & Dragons sont brutaux et dangereux, surtout sur les premiers niveaux. Comme on est face à une adaptation fidèle des règles libre de droit de la 5ème édition, on vous laisse deviner comment vont se passer vos premiers affrontements. Vous allez rapidement apprendre que passer un de vos tours à vous positionner correctement pour être sûr de faire un maximum de dommages au suivant est souvent plus intéressant qu'attaquer tête baissée. Et qu’avoir un plan de jeu est capital.
Réfléchissez. Vous contrôlez quatre personnages. Qui sont créés et régis par des statistiques provenant d’un système de jeu prévu pour qu'un personnage corresponde à un humain, concentré uniquement sur les actions d’un seul personnage. Ajoutez à ça un système de magie complexe et varié, avec plus d’une centaine de sorts accessibles pour les personnages de haut niveau. Que vous allez pouvoir utiliser pour attaquer, vous déplacez, soigner vos compagnons, etc. Donc, pour résumer, on a un système de règles bien velu qui régit les combats, de la magie qui en rajoute une couche, et des environnements basés sur la verticalité. Imaginez tout ça dans le noir. Maintenant, vous comprenez à quel point bien gérer sa lumière est primordial. Parce qu'attaquer un ennemi plongé dans l’obscurité, c’est diviser par deux ses chances de le toucher, ce qui va faire durer le combat plus longtemps, et augmenter vos chances de voir vos personnages chéris finir en cadavre plein d’équipement pour le prochain groupe de casse-cou.
Mais, ne vous inquiétez pas, on ne se retrouvera pas devant une adaptation bête et méchante d’un livre de règles épais comme l’annuaire. Un exemple idiot : d’après ces règles, les personnages qui voient dans le noir ne distinguent que des nuances de gris, donc pas de couleurs. Imaginez le casse-tête graphique à résoudre pour le studio si les joueurs s’attendent à voir les couleurs apparaître ou non en fonction de la composition de leurs groupes d’aventuriers. Pour s’éviter de s’arracher les cheveux, les équipes travaillent plus à “adapter le jeux vidéo au jeux de rôle” que l’inverse, en faisant des exceptions quand des contraintes liées à la technique ou au support se présentent.
Et ca sera la même chose pour l’aspect narratif du jeu. Comme reproduire fidèlement un partie authentique de JDR papier n’est pas possible, vu que la narration mise en place par un MJ est dynamique et réagit directement aux actions des joueurs, ils vont devoir ruser. Une partie du Lore sera disséminé dans des grimoires, tomes, et autres parchemins, mais ce sont des cutscenes qui viendront rythmer l’aventure et “éduquer le joueur sur l’univers de Solasta”.
Tout ce travail de d'adaptations des règles et de développement du Lore sera bien exploité, puisque qu’ils en ont fait un Livre de Campagne, permettant d’appliquer les règles spéciales et d’utiliser le monde de Solasta pour les parties de JDR papier. Ce genre de produit dérivé permet au studio de “renforcer le gameplay et le lore” qu’ils ont développé pour le projet.
Et pour éviter que les joueurs abandonnent le jeu après l’échec de trop, Solasta va devoir réussir à leur apprendre ses règles. Mais apprendre à de nouveaux joueurs des mécaniques de jeu complexes, juste assez pour qu’ils puissent prendre les bonnes décisions sans être ensevelis par une UI surchargée ou des murs de texte, ca ne se fait pas en claquant des doigts. Surtout quand de l’autre côté de la balance, on va trouver les joueurs du JDR papier, qui connaissent déjà les règles sur le bout des doigts, et qui s'attendront à retrouver l’ambiance et la dynamique de leur hobby fétiche, mais sur PC. C’est sur ce point que le studio va devoir réaliser son tour de force. Réussir à construire une expérience de jeu équilibrée entre ces deux extrêmes. Pour eux, ça “serait cool que Solasta serve d’introduction au JDR papier, comme une sorte de tuto”. On peut déjà juger de cette intention en se penchant sur la démo qu’ils ont mis en ligne sur Steam en même temps que le lancement de leurs Kickstarter. Accessible à tous, elle propose une grosse heure de contenu, qui permet de se faire la main sur le système de combat et d’utilisation des sorts, tout en découvrant la DA et le Level Design qu’ils veulent mettre en place. Ce premier contact avec la communauté à permis de prendre la température et d’avoir des retours immédiats sur leurs systèmes de jeu. Globalement positif, cet échange a déjà porté ses fruits sous la forme d’une caméra libre qui a été ajoutée une semaine après la mise en ligne sur Steam, suite aux retours des joueurs.
Et que ce premier contact se déroule correctement était important pour le studio, parce qu’ils savent qu’ils s’adressent à un public qui grossit de jour en jour. Depuis la sortie de sa 5ème édition en 2014, le jeu de rôle papier Donjons & Dragons capte un public de plus en plus large et de plus en plus varié. Grâce au streaming et au développement d’outils pour pouvoir jouer en ligne, alors que les parties de JdR papier se déroulaient toujours en présence physique et étaient partagées que dans des cercles d’initiés, beaucoup de gens se rendent compte qu’ils adorent Donjons & Dragons, que ce soit en tant que joueur ou simplement spectateurs. De très nombreuses campagnes sont maintenant streamées de manière hebdomadaire, et comme c’est à cette communauté que Solasta veut s’adresser, donc ils vont s’appuyer sur ces streams pour faire parler d’eux. Ils entendent pleinement profiter du regain d'intérêt pour la version papier de Donjons & Dragons pour mettre en avant leur projet.
On pense que vous l’aurez compris, mais on est assez emballé par Solasta. Entre la proposition de gameplay originale et la démo qui témoigne d’une adaptation intelligente d’un système de jeu complexe, on ronge notre frein en attendant de pouvoir y jouer plus.