INTERVIEW
Jens Matthies, le FPS jusqu'à la mort
par K.Mizol,
email @Super_Slip_Man
Jens Matthies n’a pas le nom le plus clinquant de l’industrie du jeu vidéo. Pourtant, chez Starbreeze avec The Chronicles of Riddick : Escape from Butcher Bay sur la génération de la première Xbox et The Darkness sur la génération PS360, puis chez Machine Games avec les Wolfenstein New sur la génération actuelle, il fut le directeur créatif de FPS qui auront marqué tous ceux qui y ont joué. Il me semblait intéressant d’aller poser quelques questions à ce créateur Suédois qui pèse et qui a fait du FPS son champ d’expérimentation et de maîtrise.
Entre Riddick : Escape from Butcher Bay, The Darkness, et désormais Wolfenstein, tu as travaillé sur des univers qui existaient déjà. Est-ce que tu comptes travailler sur ta propre franchise un jour ?Ça peut paraître étrange, mais à ce stade on se sent comme si Wolfenstein était notre propre franchise. Parce qu’on y a le même niveau de liberté.
Tu as ouvertement dit que vos Wolfenstein étaient un hommage à ID Software. As-tu eu des réactions de la part de gens ayant travaillé sur les premiers Wolfenstein ?
Les gens géniaux d'ID Software ont été très enthousiastes à propos de ce qu’on a fait avec Wolfenstein oui. Ça représente énormément pour nous.
Et bosser sur des franchises déjà existantes, c’est plus amusant que contraignant ou l’inverse ?
Ça dépend justement du niveau de liberté que tu as en tant que développeur. Avec le bon éditeur, c’est hyper amusant !
Ok… Et est-ce qu’il y a une autre célèbre franchise sur laquelle tu rêverais de travailler ?
Quake et Fallout, ce serait super fun je pense.
Revenons un peu dans le passé, Vin Diesel semblait assez impliqué dans Butcher Bay, était-ce vraiment le cas ? C’était simple à gérer ?
Vin Diesel était principalement impliqué dans tout ce qui avait à voir avec le personnage de Riddick, comme les dialogues du personnage ou son attitude face aux événements de l'histoire par exemple. Il a également fait quelques suggestions de gameplay qui ont fait leur bonhomme de chemin dans le jeu.
Lorsque tu as quitté Starbreeze pour fonder Machine Games, est-ce que tu avais l’impression que ton ancien studio prenait une mauvaise tournure ? Quel regard portes-tu sur eux aujourd’hui ?
Nous sommes heureux que Starbreeze continue d’avancer et qu’il se porte bien. Le Starbreeze d'aujourd'hui est une entreprise très différente, on leur souhaite beaucoup de succès.
Il y a un jeu dont tu es le plus fier dans ceux que tu as réalisé ?
C'est toujours le petit dernier. J'ai l'impression que nous apprenons et que nous nous améliorons à chaque jeu, donc jusqu’au prochain, c'est Wolfenstein II : The New Colossus.
Quels FPS t’ont impressionné ces dernières années et pour quelle raison ?
Les Dishonored et le Prey d’Arkane sont très impressionnants, en raison de leur gameplay émergent, de leur engagement suprême à ce que les joueurs définissent la façon de jouer.
Le gameplay est-il plus important que l’histoire ?
Rien n'est plus important que le gameplay. Mais l'histoire peut améliorer le gameplay en fournissant une motivation émotionnelle au-delà des mécaniques de gameplay.
Lors d’une interview en 2014 où je lui demandais s’il avait été impressionné par un jeu pour son histoire ou sa narration, Ken Levine me disait à propos de Wolfenstein : the New Order « [Il] m'a complètement pris par surprise. J'ai été particulièrement impressionné par (spoiler !) comment ils ont représenté les 15 ans ou plus entre la fin de la guerre et le retour du personnage principal à la conscience à l'hôpital. Très habilement fait. » Tout d’abord, la classe non ? Ensuite, comment vous est venue cette idée ?
C'est un super compliment ! Je ne suis pas tout à fait sûr de la façon dont l'idée est née. Je suis toujours à la recherche de moyens intéressants de visualiser l'histoire, particulièrement quand une scène est très chargée en informations. Faire celle-ci comme un time-lapse étendu me semblait être un concept fort, et unique dans le domaine du jeu vidéo. Mais cela n'aurait jamais fonctionné sans les excellents animateurs et sound designers qui ont tout fait tenir ensemble.
Le processus de narration du FPS est assez particulier dans la mesure où on incarne de façon directe le personnage joué. A quel genre de contraintes créatives on est confronté dans ce type de jeu là où on ne le serait pas avec un TPS par exemple ?
Je ne pense pas qu'il y ait des contraintes propres aux FPS qui ne puissent être surmontées. Et puis surmonter les contraintes peut être très stimulant sur le plan créatif, mais il en va de même pour tout développement de jeu, quel que soit le genre.
Et qu’est-ce qui est le plus important pour toi dans la création d’un FPS ?
Le but principal d'un FPS (pour moi) est de transporter le joueur dans un autre monde qui soit aussi cohérent que possible. De fait, je crois que l'immersion des joueurs est un objectif primordial.
Est-ce que tu comptes un jour créer autre chose que des FPS ou c’est ton genre phare et tu ne le quitteras jamais ?
J'ai l'impression que le FPS est le genre qui se rapproche le plus de ce que les jeux vidéo promettent. Pour vous permettre d'explorer un monde imaginaire comme si vous y étiez réellement. Je ne me vois pas travailler avec une autre perspective de joueur, à moins que ce soit pour une plate-forme où la vue FPS est impraticable, comme celles avec un contrôleur à écran tactile (comme un smartphone).
Arkane et Machine Games ont pour point commun chez Bethesda de faire des FPS uniquement solo dans la mesure où rajouter du multijoueurs serait trop contraignant en termes de moyens et d'exigeance qualité. Pour autant, tu te verrais faire un FPS multijoueurs un jour ? Vu que tu parlais de Quake j’imagine que oui ?
Carrément ! J’adorerais faire un jeu multijoueurs.
Depuis quelques années la Suède prend vraiment du poids dans le jeu vidéo, du AAA aux jeux indé, qu'en penses-tu ?
J'ai la sensation que la scène suédoise du milieu produit de la qualité depuis le début des années 90.