INTERVIEW
3 questions à Sébastien Delahaye
Sébastien Delahaye est probablement plus connu par internet via son pseudo netsabes, qu'il utilise aussi bien en ligne que pour signer ses articles dans le magazine Canard PC. C'est d'ailleurs la maison d'édition Presse Non Stop qui édite son premier e-book, Call of Duty: les coulisses d'une usine à succès, qui raconte comment la franchise phare d'Activision s'est construite au fil du temps grâce à de multiples entourloupes et coups bas.
Maintenant que vous êtes une star de la littérature, je n'ose plus vous tutoyer, donc on va utiliser le vouvoiement pour cet interview. Première question : un bouquin, ok, mais pourquoi sur Call of Duty ?Le vouvoiement est bien noté, mais il n'y a pas de pronom personnel dans cette première question. Qu'est-ce que c'est que cette embrouille ? Je trouve tout ça un peu cavalier, Julien. Plus sérieusement : Call of Duty, c'est une des plus grosses franchises du jeu vidéo (et sans doute celle qui a le plus grimpé ces dernières années, en tout cas dans l'industrie PC-consoles), mais c'est surtout une de celles qui a inspiré le plus de plaintes. Ça a son importance : même si toutes les plaintes ont été réglées à l'amiable, les dossiers déposés au tribunal contiennent des tonnes de détails sur le fonctionnement de la franchise et des studios. Sachant que dans la grosse industrie du jeu vidéo, toute la communication est verrouillée dans tous les sens, avoir ce genre d'informations sous la main, c'est une mine d'or.
Il se trouve aussi que la croissance de Call of Duty a accompagné celle d'Activision : raconter la marche forcée de Call of Duty vers le succès, c'était aussi la possibilité de raconter l'industrialisation d'un éditeur qui, en quelques années, passe de moyen à premier éditeur mondial, en collant toujours plus de studios derrière sa locomotive. Et puis c'est une histoire où il n'y a pas de gentils, où même les développeurs se font prendre la main dans le sac (et plus d'une fois !) à comploter contre leurs patrons.
Vous travaillez dans un illustre magazine bimensuel et trouvez le temps d'écrire un livre à côté. Est-ce vous qui êtes un surhomme ou vos confrères de la profession qui sont tous des branleurs ?
C'est la sortie de la vékat qui m'a motivé à finir : je me suis dit que si même Factornews réussissait à sortir ça, moi aussi je pouvais y arriver ! Ça m'a pris un temps fou pour écrire le bouquin, mais c'était aussi étalé sur plusieurs mois. Et puis ça fait un bail que j'écris sur les jeux vidéo, et en particulier sur les FPS : tout ce dont traite le livre, j'en avais déjà parlé dans des news et j'ai une bonne mémoire, ça m'a fait gagner pas mal de temps. Je savais où j'allais, il fallait simplement retrouver tout ça et surtout connecter les événements. Par exemple, quand Activision et Spark se disputent en 2005, pas grand monde n'y prêtait attention à l'époque : un développeur moisi, un jeu anecdotique, une franchise encore méconnue, osef. Pourtant, la situation était finalement proche de ce qui est arrivé à Infinity Ward en 2010.
Vous avez trimé des heures et des heures pour parvenir à sortir un truc que vous vendez pour moins de 5 euros et entendre dire que c'est trop cher. Ca fait quoi de passer de l'autre côté de la barrière pour être dans la peau d'un développeur de jeu indépendant ?J'ai plutôt de la chance, au contraire : personne n'a encore dit qu'il attendrait les soldes Steam pour l'acheter à -80% ! Je ne peux pas vraiment me comparer aux indés : j'ai un éditeur, justement. La survie des indés dépend vraiment de la réussite commerciale de leurs jeux, tandis que pour moi ça n'est pas vital. Du coup, ça n'est pas trop frustrant de voir des gens râler sur le prix. Au pire, on peut passer en mode full-EA pour le prochain livre et le sortir en free-to-read avec verbes et ponctuation en DLC séparés, un timer pour empêcher de tourner les pages trop vite et un DLC à 80€ pour tout débloquer immédiatement. Je suis sûr qu'il y a un public pour ça.
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