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Un Rédacteur Factornews vous demande :

ARTICLE

Une brève histoire de THQ

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor

Brian Farrell, qui reste en poste malgré les difficultés, finit par reconnaître qu’il a besoin d’aide pour redresser la barre, et fait appel en mai 2012 à Jason Rubin, un ancien de Naughty Dog. Un choix a priori surprenant, puisque Rubin n’a aucune expérience de manager à un tel niveau. Mais il a plusieurs avantages : il est disponible, ce qui évite de débaucher quelqu’un d’autre à prix d’or, il a réussi à sortir une franchise à succès par génération de console (Crash Bandicoot puis Jak and Dexter) et pourrait faire de même avec l’une des IP de THQ, et a réussi à vendre Naughty Dog à Sony (et THQ cherche justement de nouveaux actionnaires pour mettre la main à la poche)[1]. C’est surtout un peu tard, il aurait fallu prendre ce genre de décision dès 2008, mais enfin, mieux vaut tard que jamais. Sans rentrer dans la financial fiction, on peut raisonnablement estimer que, sans l’intervention de Rubin, THQ serait mort dès l’été 2012. Quelques mois de plus ou de moins, me direz-vous… Certes, cependant on peut pousser encore plus loin l’uchronie en analysant les grandes lignes de son action. Et si, arrivé plus tôt, Rubin avait sauvé THQ ?

Je ne vais pas reprendre le détail du feuilleton THQ[2] depuis l’arrivée de Jason Rubin, vous avez suivi les news depuis cet été. Mais voici les grandes étapes du plan qui aurait dû sauver l’entreprise. Premièrement, freiner temporairement la chute du cours de l’action avec une concentration de capital, afin que THQ reste cotée au NASDAQ et que les actionnaires soient un peu rassurés. Deuxièmement, se recentrer sur des valeurs sûres et annuler un certain nombre de licences en développement mais au succès commercial non acquis (Devil’s Third ou Insane de Del Toro, par exemple), si possible en les vendant pour faire rentrer de la trésorerie. Troisièmement, restructurer l’entreprise en fermant un certain nombre de structures coûteuses et en réduisant la masse salariale, surtout en vendant ou en fermant des studios. Quatrièmement, essayer de rattraper le retard dans les domaines rentables sur lesquels THQ n’est pas présent, notamment le dématérialisé avec les jeux mobiles et le social gaming. Enfin, trouver un nouvel investisseur qui accepte de mettre la main à la poche pour financer un avenir plus sain.

En réalité, toutes les phases du plan ont fonctionné, c’était tout simplement trop tard. Le cours de l’action est remonté durablement au-dessus du dollar, condition sine qua non pour être coté, et les actionnaires et créanciers de THQ ont patienté quelques mois avant d’achever l’entreprise en réclamant leur dû. Si l’éditeur est mort avant d’avoir pu sortir les jeux sur lesquels il comptait (exception faite de Darksiders II), il avait également abandonné un certain nombre de projets, revenant à un programme de sorties bien plus léger que la trentaine de jeux de l’année 2007, et donc à des coûts de développement moins importants. La masse salariale avait été considérablement réduite, malheureusement par des licenciements, mais également par des réductions de salaires (les dirigeants avaient divisé le leur par 2 en 2012). Quant au nouvel investisseur, ç’aurait dû être Clearlake, un fond prêt à mettre 60 millions de dollars sur la table pour devenir actionnaire principal via une faillite sous le régime du Chapter 11 (une procédure destinée à sauvegarder une entreprise potentiellement saine mais qui ne peut plus rembourser ses dettes) auprès de la justice du Delaware.

Mais avec une dette estimée à plus de 250 millions de dollars, et des actifs estimés à environ 200 millions, les créanciers de THQ auraient eu besoin de quelque chose de beaucoup plus concret pour accepter d’attendre que l’entreprise sorte la tête de l’eau. Le Humble THQ Bundle n’avait d’autre but que de prouver aux créanciers que les licences THQ avaient de l’avenir auprès du public, bien que la manœuvre semble désespérée. Et, vous le savez, la fronde des créanciers a fait capoter le plan initial, entérinant la mort de THQ et transformant la procédure de Chapter 11 en vente à la découpe[3]. Si THQ avait été moins endetté au moment de sa faillite organisée, le ticket Rubin/Clearlake aurait pu fonctionner. Alors oui, assumons l’uchronie, si Rubin était arrivé quelques années plus tôt, THQ serait sans doute encore vivant.

"Pour avancer, il faut savoir quand et comment agir, d’un point de vue stratégique". L’industrie du jeu vidéo a beaucoup à apprendre de l’histoire de THQ : prompt à s’engager dans un virage technologique qui semblait être un eldorado, l’éditeur américain s’est brûlé les ailes, reniant ce qui faisait sa force, s’entêtant dans une voie qu’il maîtrisait mal. Finissant par manquer de recul sur lui-même, alors que c’est sa lucidité sur sa stratégie qui lui avait permis, au sortir des années 1990, d’être parmi les meilleurs. Brian Farrell n’aura finalement commis qu’une seule erreur, mais de taille : avoir cru aux promesses du marché pour faire évoluer son entreprise, sans prendre le recul nécessaire ni prévoir de solution de rechange. Si certains anciens géants du secteur ont plongé parce qu’ils n’avaient pas su analyser l’évolution de l’industrie, THQ avait conscience qu’il fallait agir, mais l’a fait au mauvais moment et de la mauvaise façon.




[1]Pour être honnête, Rubin bénéficiait également d'une réputation favorable rapportée par ses anciens collaborateurs. Réputation dont il bénéficie toujours malgré la mort de THQ.
[2] Mais si vous avez vécu dans une grotte depuis cet été, ça se passe par là.
[3]Le Delaware est certes un paradis fiscal, mais la Justice n'y est pas laxiste pour autant. Il suffit de suivre le blog DDI pour s'en convaincre.
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