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Reportage à la PAX South
La PAX est le bébé des gens de Penny Arcade, un web comics, qui parle principalement de jeux vidéo, apparu dans les années 90 quand le web était encore balbutiant et avait tout à prouver. Leur aspect pionnier et le sujet principal de leurs panels ont grandement contribué à leur popularité qui a explosé dans les années 2000. C'est le moment où ils ont annoncé la première Penny Arcade Expo, un événement entièrement dédié aux fans de jeux (vidéo et autres).
Aujourd'hui, la PAX est la plus grosse convention de jeux vidéo ouverte au grand public aux États Unis. Car si l'E3, le CES et la GDC attirent beaucoup l'attention, ce sont des salons réservés avant tout aux professionnels. La création de la PAX a donc d'une certaine façon là encore rempli un vide dans le paysage des événements US.Mais quand on parle de la PAX, il faudrait plutôt dire "les" PAX. De la convention initialement créée à Seattle se sont rajoutés plusieurs événements comme la PAX East (organisée à Boston et qui est probablement aujourd'hui la plus grosse de toutes), la PAX AUS (pour les joueurs australiens), la PAX DEV (pour les développeurs de jeu), puis enfin celle qui nous intéresse aujourd'hui la PAX South à San Antonio au Texas qui a lieu depuis 2015.
La PAX South est donc la petite dernière de ces conventions. Et d'une certaine façon cherche encore un peu sa place.
L'Expo
J'ai donc fait le déplacement depuis ma base d'Austin, direction le Convention Center Henry B. Gonzalez en plein coeur de la troisième ville du Texas. Le convention center est adjacent au Riverwalk (un réseau de canaux bordés de boutiques, restaurants, hotels et bars), une attraction touristique majeure qui attire une grosse foule toute l'année et à une faible distance de marche du Fort Alamo historique. Le Convention Center lui-même est très grand et abritait cette année exclusivement la PAX, ce qui fait qu'elle débordait de place par rapport à l'an passé.Première constatation, la PAX South a définitivement été boudée par les plus gros éditeurs et les constructeurs de consoles. Ils ne sont présents que par proxy, un peu comme dans un conflit de la guerre froide. Si la PAX Prime de 2015 avait vu des gros stands tenus par Microsoft, Sony, Nintendo, WB Games, 2K Games, Adult Swim Games, Ankama, Big Fish Games, Capcom, Double Fine Studios, Ubisoft, EA, la PAX South de 2016 n'accueillait aucun de ceux-là. Même les voisins Texans de Gearbox, qui avaient pourtant fait le déplacement l'an dernier (la PAX South 2015 avait remplacé leur Community Day annuel), étaient aux abonnés absents.
Je ne pense pas que ce soit par un manque d'appréciation de ces boîtes pour le Texas ou pour Penny Arcade, mais plutôt un indicateur que le mois de Janvier est une des pire date pour les éditeurs qui n'ont aucun jeu à annoncer juste après les fêtes. Après tout, l'industrie du jeu vidéo est très saisonnière.
Si les gros n'avaient pas fait le déplacement cela laissait plus de place pour les développeurs indépendants qui montraient leurs exclusivités PC et PS4. Les vendeurs de matos PC étaient également présents ainsi qu'un grand espace dédié aux jeux de carte et jeux de plateau. La convention avait aussi dédié une énorme partie de son temps de parole aux streamers et à Twitch en particulier qui était co-organisateur de l'événement amoureusement renommé Twitchcon pour marquer le coup. Comme le disait Cliffy B, les Streamers de jeu vidéo sont l'équivalent des Stars du Rock de l'époque où il était jeune. Ce qui était naze dans son enfance est le truc cool et mainstream de maintenant.
Story Time with Cliffy B.
Puisque l'on parle du loup, Cliff Bleszinski était l'invité d'honneur de cette PAX, via son panel récurrent dédié à une personnalité du jeu vidéo "Story time". Le game designer, pillier chez Epic (Jazz Jackrabbit, Unreal, Unreal Tournament, Gears of War), a récemment pris sa "retraite" avant de fonder son propre studio, Boss Key.Il n'était pas là pour parler de son nouveau jeu toujours en développement, mais pour nous faire ce qui ressemblait à une leçon de vie. Ou comment avoir autant de succès que lui avec ces quelques règles simples.
Il est passé rapidement sur son background, puis a dit qu'il avait récemment atteint quarante ans, âge auquel on gagne soudain le pouvoir de lire le code de la Matrice. Il a ainsi réalisé qu'il n'était plus heureux à Epic Games. Son boulot consistait à planifier les prochains Gears of War pendant une décennie, ce qui apparemment lui pesait. Lorsqu'il a voulu tenter quelque chose de nouveau, il s'est rapidement heurté au cynisme blasé des ses collègues, et où chaque idée de jeu se fait rapidement descendre : selon lui, s'il avait inventé Batman, on lui aurait immédiatement rétorqué qu'il n'y avait aucune chance que ça se vende.
Ce désamour couplé au fait que Epic (dont il possédait un grand nombre de parts) s'était récemment revendu à un gros investisseur et qu'il n'avait techniquement plus besoin de travailler pour vivre, il s'est dit "fuck I'm retired" (je suis à la retraite, putain cong). Retraite à 40 ans, life goal achieved. Il n'avait alors connu que la vie à Epic, qu'il avait rejoint à 17 ans, et il était burn out, phénomène fréquent dans l'industrie quand on réalise qu'on n'a vécu que pour son travail et les rythmes auto-imposés pendant aussi longtemps.
Il a donc commence très vite... à ne rien faire. Enfin si, il a acheté un beer garden à Raleigh, Caroline du Nord, comme investissement "cool" avec son argent.
Soudain, les habitants de la ville qui l'ignoraient royalement lorsqu'il était millionnaire du jeu vidéo se sont mis à le reconnaître dans la rue, et il a toujours une place pour lui dans les autres restaurants, aussi bondés soient-ils. Bref il a tout à coup eu l'impression qu'il s'était réveillé dans la peau de Tyler Durden.
Plusieurs mois se sont passés, puis il a réalisé rapidement que ne rien faire était extrêmement chiant. Même s'il y avait de quoi s'occuper, les vacances se sont faites longues, et il n'avait plus de contacts journaliers avec des collègues avec qui discuter du dernier épisode de Games of Thrones. Et puis il n'avait plus l'occasion de s'impliquer dans les dernières super idées qui secouent le microcosme vidéoludique. Après quelques interrogations philosophiques (dois-je aller me vendre au plus offrant ?) il a donc décidé de créer sa boîte depuis zéro. Il a expliqué qu'il a essayé d'emblée de ne pas faire les mêmes erreurs qu'Epic. Il a voulu embaucher des gens cools, des gens créatifs, pas de yes men. Il n'y aura pas de crunchs, pas de marche de la mort dans le développement de son jeu. "On n'est pas là pour briser les familles". Comme exemple de gens "non cools", il a cité les programmeurs qu'il a pu rencontrer. Une certaine partie de ces programmeurs (pas tous), avaient la fâcheuse tendance à lui dire d'emblée que toute idée qu'il avait était impossible, avant même qu'il ait fini de l'expliquer. "Impossible, ça va tuer le framerate, non il faut réarchitecturer le moteur, nope, toujours nope". Son programmeur idéal l'interromprait pour lister les améliorations de son idée auxquelles il n'avait même pas pensé, et ils finiraient par s'embrasser sur la b.. Euh non rien.
Il a une idée très précise pour le jeu qu'il souhaite faire, il ne veut surtout pas être comparé à Battleborn/Overwatch : "Qui aspire à être un gorille de l'espace ? ou un champignon sentient ?". Il veut "des gangs, des guns, une gravité variable, et des grams (la drogue pour laquelle les gens se battent dans le jeu)". Pour montrer à quel point il est attaché à ses idées comme une balane à son rocher, il a dit que son jeu Law Breakers est à 90% ce qu'il y avait de marqué sur les transparents Powerpoint qu'il avait montré à EA/Ubisoft quand il démarchait encore les éditeur pour son projet Blue Streak. Il a concédé que son côté têtu lui a valu quand même des gamelles, et il a cité son insistance à avoir des vers géants dans Gears of War comme une des pire idée qu'il ait pitchée, avec le recul.
Il a eu quelques mots sur la diversité dans le jeu vidéo. D'abord il a donné un passe à CD Projekt ou Tecmo parce que ce sont des "étrangers", ils ne peuvent donc pas comprendre. Ou quelque chose dans le genre. Ensuite il s'est donné un blâme pour son traitement des jeux dans le passé. Il était immature et son équipe était toute homogène, principalement composée d'homme blancs hétéros. Mais il essaie d'apprendre autant qu'il peut et s'améliorer. Pour être sûr d'être moins tenté de faire la même chose, il a pris le parti de fonder Boss Key avec les profils les plus variés qu'il a pu trouver. Des femmes, des noirs, des gens d'origine asiatique, des gays, etc. Pour lui ce n'est pas juste pour être un bon citoyen (même s'il le pense) c'est surtout que ça a un sens au niveau business. S'il veut une entreprise créative, il lui faut des profils variés et pas un groupe homogène. Ensuite il a cité les exemples récents de Fast and Furious 7 et Star Wars 7 comme des super succès planétaires que la diversité de leur "cast" aurait dû plomber si on avait suivi les vieilles règles hollywoodiennes. Sa règle pour le character design : des persos de toute race/genre qu'on pourrait croiser dans la rue et pas des stéréotypes, ainsi que des vêtements qui ont du sens dans un contexte de guerre futuriste plutôt que dans la mise en avant des assets physiques.
Panels diversité, Houston Gaymers
Puisqu'on en parle, la diversité était l'un des gros mots de cette PAX avec plusieurs panels consacrés à la question et une mini-fête organisée par une association LGBT pour les gens de la PAX.Un débat qui était plutôt absent de cette PAX, mais pas inconnu pour ceux qui suivent l'actualité et la place de la PAX dans le cœur des activistes (les SJWs comme les surnomment leurs détracteurs). Les deux créateurs de Penny Arcade, même s'ils se sont entourés de gens plutôt activistes - Coming out en BD de Gavin Greco un de leurs employés - (Seattle est après tout plutôt une ville remplie de gens ouverts à l'évolution des mœurs par rapport à la moyenne US, un peu comme San Francisco même si dans une moindre mesure), ont souvent attiré la controverse. Ce qui fait que certains joueurs même hard core ne fréquentent pas la PAX pour cette raison.
En pratique les appels au boycott ont probablement peu d'effet, les différentes PAX étant de grosses vitrines pour toutes les boîtes et l'ambiance bon enfant partout contraste avec les propos de leurs créateurs. Pour les organisateurs des panels, l'existence de ces panels au sein de la PAX prouve qu'il est possible d'avoir une voix qui confirme l'existence de gens qui veulent plus de diversité, de représentation positive dans les jeux, et une industrie à leur image démographiquement. Le succès de leurs panels est donc une voix forte plus importante que les polémiques sur l'organisateur.
L'un de ces panels présentait plusieurs vétérans de l'industrie du jeu qui avaient fait leur coming out à leurs collègues et n'en avaient pas souffert (au moins ouvertement).
Selon eux, les boîtes sont souvent ouvertes à l'existence d'employés LGBT, et le traitement de leurs employés est souvent plus progressif que l'image que la boîte projette : avec des projets très traditionalistes qui ont très peur de s'éloigner de la norme et ou de "ce qui se faisait avant". La peur du backlash est évidemment présente, mais selon eux pas toujours justifiée. L'incompréhension du joueur, qui a le sentiment qu'on le force à avaler quelque chose ou qu'on change une expérience de jeu qu'il appréciait et qui disparait, est parfois présente mais il y a des exemples notables où ça n'a jamais été un problème. Les Sims ont eu des relations homosexuelles depuis le tout premier épisode, les relations homosexuelles sont prévues dans Fallout depuis le tout premier épisode, les personnages de Undertale n'ont pas besoin d'annoncer leur genre et donc pourraient tout à fait être gender fluid (même si certains joueurs font leurs propres déterminations dans leur tête pendant leurs séances de jeu privées).
Le succès d'un jeu n'est donc que rarement lié à la représentation qui est faite de ses personnages. Même si bien entendu c'est parfois plus vrai dans certains genres que d'autres (des FPS guerriers ou certains jeux à la narration forte par exemple).
Il y a beaucoup d'espoir de la part des panelistes qui se considèrent de la vieille génération pour laquelle rien ne coulait de source (on ne pouvait pas annoncer qu'on était gay ou quoi que ce soit). Pour eux il y aura une génération de futurs créateurs qui n'auront connu les USA que comme le pays où il a toujours été possible de se marier quel que soit son sexe.
La convention en elle même est très amicale. Le cosplay est l'occasion pour les gens de s'afficher dans la tenue qu'ils veulent sans jugement négatif, le harcèlement pour n'importe quelle raison n'est pas toléré. Une fête était organisée par les Houston Gaymers en marge de la convention. Leur but était de faire un peu d'information sur leurs actions caritatives et leur participation à la création de safe spaces, conventions alternatives, etc.
La convention en elle même est très amicale. Le cosplay est l'occasion pour les gens de s'afficher dans la tenue qu'ils veulent sans jugement négatif, le harcèlement pour n'importe quelle raison n'est pas toléré. Une fête était organisée par les Houston Gaymers en marge de la convention. Leur but était de faire un peu d'information sur leurs actions caritatives et leur participation à la création de safe spaces, conventions alternatives, etc.
XCOM 2 et les mods
Il y avait également un panel entièrement consacré aux mods pour XCOM 2 de Firaxis. Étaient présents Ryan McFall (lead engineer), Greg Foerthsch (art director), Chris Watters (modérateur), Brian Hess (lead level designer), John Lumpkin (lead designer).Firaxis a réalisé sur les derniers jeux XCOM (Ennemy Unknown et Ennemy Within) que le modding était très important. En fait il était tellement important qu'ils ont pris la décision drastique de faire de XCOM 2 une exclusivité PC alors que les précédents XCOMs sont également sortis sur console. En gros, s'ils l'avaient sorti aujourd'hui sur console, les joueurs seraient passés à côté d'une très grosse partie du contenu sous forme des mods.
Les premiers jeux n'avaient pas été pensés pour les mods et donc le modding est arrivé de manière plus organique. Les développeurs comme John Lumpkin du Long War Studio ont dû faire un peu de reverse engineering pour arriver à modifier les fichiers du jeu pour obtenir ce qu'ils voulaient. Leur mod "the Long War" était une total conversion, ce qui n'avait pas du tout été prévu par 2K Games. Mais son mod était tellement populaire et bien réalisé que les gens de Firaxis l'ont contacté directement pour savoir s'il voulait bosser avec eux sur XCOM 2. Plutôt que de lui faire faire du développement sur le jeu de base, ils lui ont proposé de créer un mod directement pour le jeu et de les assister dans la création des outils pour les moddeurs. Il a donc proposé la création de hooks (appels qui permettent l'insertion de code ou la modification du comportement du jeu), de transformer le moteur pour prendre en compte les différents mods et donc de faciliter le travail de compatibilité entre ces mods. Si le nouveau mod de Long War Studio a été disponible dès le lancement du jeu, c'est grâce à ce travail réalisé en amont.
Faire des outils pour les moddeurs n'a pas aidé que ces derniers. En effet les développeurs du jeu chez Firaxis se sont rendus compte que de nombreux outils préparés pour rendre le modding plus facile allaient aussi faciliter le développement de leur jeu. Il y a notamment la capture de tous les états du jeu et la possibilité de les rejouer à n'importe quel moment pour retrouver un bug tenace dans le code. L'historique étant présent dans toute sauvegarde, tout fichier de sauvegarde peut donc être potentiellement utilisé pour le débogage futur. Outils pour débuguer la ligne de vue (certains bugs affectant les premiers XCOMs viennent à l'esprit), rajout de caméra libre, de la console in game : il suffit de lancer le jeu en mode debug pour avoir accès à tout cela.
Toutes les assets sont ouvertes : fichiers de scripts, cartes, props, matériels, textures, sons, systèmes de particule, les modèles aliens et des morceaux customisables pour les personnages humains, les fichiers d'animation. La constante est l'exécutable qui est toujours nécessaire pour lancer le jeu et les mods.
Pour aider à développer ils ont aussi rajouté un mode Skirmish (escarmouche), qui permet de lancer une carte rapidement avec tous les paramètres voulus sans devoir commencer une campagne. Ça permet de tester rapidement tous les scénarios. Ce mode skirmish sera également disponible depuis le jeu de base.
En plus du XCOM ModBuddy qui permet d'éditer les fichiers de scripts et publier directement le mod sur Steam, les joueurs et moddeurs ont accès à l'éditeur complet du jeu. L'éditeur est la version maison de l'éditeur de l'Unreal Engine qui a servi de base au moteur du jeu XCOM. Ils se demandaient si c'était légal pour eux de donner la version de l'éditeur Unreal modifié mais il se trouve que oui, c'est légal.
Quelques mots supplémentaires sur le jeu lui-même : le système de cartes statiques en nombre limité a disparu pour laisser place à un système plus procédural. Les créateurs de cartes devront simplement construire des briques de base qui seront combinées pour faire un variété immense de cartes dans plusieurs types d'environnements. Selon eux cela augmentera la rejouabilité. En plus des environnements variés (urbain moderne, urbain décrépit, jungle, désert), les cycles jours nuits sont totalement dynamiques et les cartes sont toutes jouables dans toutes les conditions. Certains équipements auront des bonus et des malus selon le moment de la journée.