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Prise chaude : CI Games ne veut plus de votre argent

Connard par Connard,  email
 
CI Games, l'éditeur et le développeur derrière la licence Sniper: Ghost Warrior ou les jeux Lords of the Fallen (deux jeux ayant le même nom et étant sortis à neuf ans d'écart, des génies du marketing), a indiqué ne plus vouloir de votre argent si vous n'êtes pas un déchet humain. Cette bonne nouvelle (qui vous sera mieux expliquée, mais en anglais, par Edwin Evans-Thirlwell de Rock Paper Shotgun) vous permettra donc de potentiellement réduire votre backlog et de ne pas vous embarrasser de leurs prochaines annonces !
Le monde dans lequel nous vivons est un endroit merveilleux. Cependant, il est aussi peuplé d’un grand nombre de gens cupides et sans scrupules qui feraient n’importe quoi pour de l’argent. Ainsi, depuis plusieurs années, nous pouvons voir les diverses entreprises du monde entier faire de la pub sur leurs superbes valeurs morales. McDo nous a servi du greenwashing en changeant la couleur de son logo (uniquement en Europe) et en appuyant sur ses efforts pour la planète, pendant que plusieurs boîtes nous indiquaient financer des plantations d’arbres (majoritairement inutiles, voire crapuleuses) un peu partout dans le monde (tout en détruisant l’environnement dans leur furie consumériste, bien évidemment).

Puis après le greenwashing à outrance est arrivé le pinkwashing. Voyant que la société occidentale semblait être plus ouverte et tolérante, les marques se sont lancées à coeur joie dans les démonstrations de valeurs morales en reprenant les codes des communautés LGBT+ pour faire leur pub. Comme quoi, ces entreprises sont conscientes elles aussi des discriminations et sont là pour soutenir les minorités opprimées (un mois par an, lors du mois des fiertés, tout en continuant la discrimination au travail).

Ces sociétés, plus ou moins grandes, sont là pour nous, avec nous. Ainsi, lors des manifestations Black Lives Matter aux USA, Pepsi avait sorti une pub magnifique sur l’esprit de réconciliation par le soda et plusieurs marques avaient montré leur soutien à la justice sociale via les réseaux sociaux. Les publicitaires, ces avant-gardistes de la lutte sociale.

Si je vous raconte tout ça, c’est parce que, dernièrement, et peut-être l’avez vous vu aussi depuis chez vous, un virage réactionnaire à conquis notre beau monde occidental. Si, en France, l'extrême droite ayant recueilli plus de neuf millions de voies cet été a été tenue relativement à l’écart du pouvoir (leurs partis ne choisissent “que” les premiers ministres et leur politique, presque rien), outre-Atlantique, les réacs ont de nouveau gagné le pouvoir et, cette fois-ci, pas par accident. Les milliardaires, en particulier ceux de la tech, et les entreprises se bousculent pour aller couvrir Trump d’éloges et draguer l’audience de racistes latents ou assumés qui semblent représenter pas mal de pognon.

Nous sommes chanceux car nous, joueurs de jeux vidéo, appartenons à une communauté adjacente à celle de la tech, toutes deux polluées par le racisme, l'homophobie et la misogynie. Ainsi, nous constituons une cible de choix pour les sorties rances en tout genre, comme celles de l’adorable équipe exécutive de CI Games (oui, j’y arrive… mais pas tout de suite).

Peut-être avez-vous croisé un terme qui est récemment sorti de toutes les bouches des pires individus parmi nous (c’est pratique, ça permet de les reconnaître) : DEI. Sorte de nouveau “woke” venu des États-Unis (comme la plupart des techniques et éléments de langage de l'extrême droite ces dernières années), DEI sert, à la base, à indiquer des politiques qu’on qualifierait ici par le doux oxymore de “discrimination positive”. Diversity, Equity, and Inclusion qui, par chance, se traduit en Diversité, Équité et Inclusion en français (aussi DEI !), décrit des programmes qui visent principalement à aider les gens issus de minorités à ne pas subir de discrimination à l’emploi.

Prenons un exemple précis : si je m’appelle Paul, que je suis blanc et que j’ai intégré les codes de la bourgeoisie inculqués à l’école (bien écrire en Français, s’habiller avec une petite cravate, avoir un accent parisien (classé comme "sans accent"), ne pas avoir de défaut de diction, et utiliser des mots compliqués qui font bon genre, etc.), j’aurai probablement plus de chances de réussir mon entretien d’embauche que si je m’appelle Mourad, que j’ai le mauvais goût d’avoir trop de mélanine, et que j’ai grandi dans un environnement culturellement et financièrement pauvre.

Parce qu’en fait, notre apparence joue bien plus dans notre vie que ce que nous aimerions croire. Les gens seront plus avenants si vous êtes beau et ils vous attribueront plus facilement différents traits en fonction de votre ethnie, de votre comportement et de l’inconscient collectif, véhiculé notamment par la culture populaire (les asiatiques sont des bosseurs et sont bons en maths, les blondes sont idiotes, les noirs font peur, etc.).

Nous, sociétés qui nous voulons tolérantes, avons donc tenté de mettre en place les moyens d’inclure le maximum de personnes et de lutter contre les biais qui guident nos choix. Comme tout est monétisable, ces initiatives sont donc, le plus souvent, des séminaires de 20 minutes sur “Tu sais donc pas qu’c’est pas bien d’être raciste ?” à enfoncer des portes ouvertes et en vendant des prestations à des entreprises qui vont pouvoir se vanter d’être inclusives tout en cultivant une culture de harcèlement, d’agressions et de discrimination, même au sein des fameuses équipes multiculturelles de diverses croyances, orientations sexuelles et identités de genre.

Mais, en 2024 et 2025, être DEI, ce n’est plus à la mode. La droite décomplexée déverse, clavier en main, sa haine de l'autre sur Internet. (NdCBL : elle fait même des listes de jeux "woke" à éviter). Évidemment, les développeurs de jeux vidéo en font encore une fois les frais (ce qui est récurrent depuis le Gamergate de 2014, initiative de l’extrême droite internationale). D’ailleurs, encore très récemment, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo (STJV) a mentionnéla violence des consommateur‧ices auxquelles sont exposé.es les travailleur‧ses du jeu vidéo” en évoquant les “torrents de merde” qui se prennent en particulier les équipes de marketing et de community management.

Ainsi, et on y arrive pour de vrai cette fois, CI Games emboîte le pas de ses grandes soeurs de la Silicon Valley et, après avoir annoncé que leur politique d’embauche de “Diversité et Inclusion” laissait sa place à une “Égalité des chances” (ce qui constitue en fait un repli vers le mythe méritocratique), les sympathiques dirigeants de l’entreprise ont pu étaler leurs opinions lors d’un appel avec les actionnaires (formidable outil pour se tenir au courant des débilités de notre monde) sous la forme de questions/réponses. C’est parti pour du cynisme capitaliste, accrochez vos ceintures !

Si nous sommes face à une avalanche de langue de bois assez classique, ne répondant jamais lorsque des chiffres précis sont demandés, le directeur de la communication nous offre la vision de la boîte.

Il indique donc que la partie la plus importante d’une campagne de pub est de comprendre son public cible afin de pouvoir communiquer au mieux avec lui. Ensuite, ce public doit être converti en “avocats et évangélistes de la marque pour amplifier la communication et profiter de publicité gratuite” puis “en comprenant totalement la clientèle, on peut s'assurer de concevoir des produits publicitaires qui vont entrer en contact au niveau émotionnel avec elle, et distribuer ces produits aux meilleurs endroits”.

Jusqu’ici, si vous avez vécu pendant les 70 dernières années, vous devriez retrouver un schéma assez classique de manipulation par la pub. Si vous regardez vos bibliothèques de jeux et les merdes en plastique ou électroniques accumulées chez vous, vous pourrez très certainement attester de l’efficacité du bousin.

Lorsqu'un actionnaire pose la question “Quel est votre positionnement sur le DEI dans le jeu vidéo ?”, le même directeur marketing répond que le studio “reste attaché à créer des jeux qui font passer les joueurs au premier plan, priorisant une expérience utilisateur excellente avec des thématiques et personnages créées spécifiquement pour leur public cible.” Notons que Lords of the Fallen était tout cassé à sa sortie, j’imagine que cette envie est donc assez récente. Puis vient la seconde partie : “Alors que certains jeux vidéo ont récemment saisi l’opportunité d’intégrer des messages sociaux ou politiques dans leurs expériences, il est clair que beaucoup de joueurs n’apprécient pas cela et nous avons ainsi vu un certain nombre de grosses sorties connaître de mauvaises performances commerciales durant cette dernière année. Nos jeux seront toujours développés pour maximiser le plaisir des joueurs et le succès commercial, et donc, nous n’intégrerons aucun message social ou politique dans ces expériences à l’avenir, ayant observé le fort risque que cela représente”.

Le dernier Call of Duty, incluant un personnage non-binaire, a fait le plus gros démarrage de la licence. God of War Ragnarök, dont la société Sweet Baby Inc, régulièrement critiquée par les rageux anti-DEI, a participé à l’écriture en tant que consultant, a vendu 11 millions d’exemplaires en trois mois. The Last of Us Part II, qui a réveillé les pires esprits d’Internet, a été vendu à plus de 10 millions d’exemplaires en deux ans. Fortnite, qui veut plaire à tout le monde et qui propose tout un tas d’événements ou visuels “woke”, reste le jeu le plus joué au monde. Des échecs commerciaux probablement dus à l’intégration d’éléments politiques.

Vous savez ce qui n’intègre aucun élément politique, cependant ? Une serie de jeux sur l’assassinat extrajudiciare par l’armée, dans des pays marqués comme étant d’ex-Union Soviétique ou du Moyen-Orient, entretenant le culte de la violence. Là où le héros est le valeureux sniper du camp du bien qui tue un paquet d’étrangers très mauvais. Peut-être, au hasard, la série Sniper: Ghost Warrior ? C’est beau, d’être apolitique.

Si j’invite CI Games à bien aller se faire voir, force est de constater que le surf sur les idées réactionnaires pour draguer une clientèle de droite façonnée, souvent malgré elle, par des années de pop culture violente et individualiste, ne fait que commencer. Alors que plusieurs médias se préparent aux assauts de l’administration Trump (vous savez, les défenseurs de la liberté d’expression), les intérêts privés semblent globalement avoir flairé le filon rance. Si les élections permettent de laisser à penser que les gens sont intolérants, les équipes de communication du monde entier vont se régaler à nous arroser de merde, pour quelques dollars de plus.

En bonus, voici un article (en anglais) sur pourquoi les jeux From Software parlent de lutte des classes queer.
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