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Un Rédacteur Factornews vous demande :

ARTICLE

Planetary Annihilation, par un vieux de la veille

ZeP par ZeP,  email  @Ze_PilOt
 
Dans les sous-familles de RTS, il y en a une que j'affectionne particulièrement. Oh, l'arbre généalogique n'est pas bien grand, mais le tronc est solide. Le grand-père, Total Annihilation, le petit frère trisomique, Total Annihilation Kingdom, et l'enfant quasi mort-né, Supreme Commander.

Contre toute attente, une fée s'est posée près du berceau de ce dernier, et lui a donné le pouvoir de régéneration de Wolverine. Plus beau, plus fort, gommant les problèmes de balance et de rythme, ainsi naquit Forged Alliance.

Si je vous parle de tout ça, c'est parce qu'un petit background perso s'impose. J'ai passé des centaines, voir milliers d'heures sur FA. A tel point que lorsque le jeu fut abandonné par THQ et GPG, et dépité par les ténors du RTS, j'ai repris la main en créant une nouvelle plate forme permettant de le faire évoluer : Forged Alliance Forever. Projet qui occupera 3 ans de ma vie.

Je pense être ce qu'on peut appeler un fan Hardcore de la vision du RTS selon Chris Taylor, un RTS basé sur l'analyse et non la réactivité. Et bien sûr des centaines d'unités qui explosent partout.

Quand Planetary Annihilation fut kickstarté par une partie de l'équipe de développeurs de TA et FA, il va sans dire que j'y ai mis plus d'argent qu'il était raisonnable de faire.

2 ans plus tard, le jeu est enfin sorti. Est-il le nouvel enfant prodige de la famille, ou un bébé mort-né à mettre au fond du frigo?

Les promesses

Remettons d'abord tout le monde au même niveau. Si vous n'êtes pas familier avec le système économique d'un TA/FA, imaginez un entonnoir, dont le goulot représente la somme de vos "dépenses". Tant que vous amenez assez d'eau (ici le métal et l’énergie), vous remplirez à pleine vitesse vos seaux (constructions).

Si vous ne dépensez pas assez par rapport à vos rentrées, l'eau déborde et les ressources sont perdues. Si au contraire vous dépensez plus que vous ne gagnez, les constructions se rempliront moins vite. Au contraire d'une économie "classique" à la Starcraft, vous pouvez donc être en déficit, et tout ira moins vite à construire. Évidemment, pas d'ingénieur pour ramener le métal à la base : tout est produit directement sur place grâce à des extracteurs à positionner à des endroits précis, et chaque extracteur produira X unité de métal par seconde, selon leur niveau technologique. Contrôler ces points sera le nerf de la guerre.

Cet aspect de l'économie entraine directement un point important de gameplay: Il n'y a pas de limite de population, et vous n'avez pas à vous soucier de construire des unités dès que "l'argent" est en banque. L'économie est en flux tendu, mais vos productions de machines de guerre également. Ce concept déroutera sans doutes le joueur débutant, mais permet une richesse stratégique inégalable.



En plus de ces concepts de base au genre, PA apporte deux idées originales : Jouer sur des planètes plutôt qu'un plateau de jeu et, encore plus fort, sur une galaxie entière. Jouer sur une sphère demandera de l'adaptation. Si PA dispose du même système de (dé)-zoom que Supreme Commander, il n'est cependant pas stratégique, dans le sens où le champ de bataille n'est jamais entièrement visible. Problème inhérent au concept même de sphère, on se perd un peu au début, mais on s'y fait cependant rapidement.

Le jeu ne possède qu'une seule faction, mais les unités sont assez diverses pour ne pas se sentir limité dans les choix stratégiques et tactiques, malgré un design monotone et une variété d'unités pas très inventive. Chars, robots, avions bombardiers, artilleries, ... La plus "originale" étant un robot sniper.

Les planètes sont générées de manière procédurale, mais il est très décevant que celui-ci ne génère finalement que peu de terrains véritablement différents. Le relief est quasiment inexistant, et les obstacles naturels sont anecdotiques : La ligne droite sera le chemin le plus court et le plus efficace, pas de questions à se poser. Décevant, d'autant que TA était très poussé à ce niveau, avec la gestion des obstacles jusqu'aux échos radars. Autre point noir, à moins de créer une planète purement aquatique, vous n'aurez que de petites flaques d'eau, rendant le naval inutile.

My Taylor is not rich

Le plus gros point de PA, c'est le combat multi planètes. PA est un jeu qui est censé se baser sur le macro-management. Le macro-management dans un RTS, c'est le coté décisionnel et la mise en place d’exécutions automatisées. C'est tout ce qui ne consiste pas à constamment cliquer sur des icônes ou des unités pour effectuer une action. Le macro-Management, c'est ce que Supreme Commander avait réussi à rendre fun. Créer des ferries pour ravitailler le front, assister les usines les une aux autres pour créer une chaine infinie d'unités,...

Mais il n'y a rien de tout ça dans PA. On peut certes créer des unités en série dans les usines, mais impossible d'ordonner à un autre usine de recopier la chaine. Gérer plusieurs champs de batailles à 360 degrés demande beaucoup d'attention, et elle sera malheureusement phagocytée par la micro gestion de vos troupes. Les seules fonctions offertes par PA sont les areas commands (pouvoir donner un ordre sur une zone) et le PiP (Picture in Picture) : Pas de gestion multiple-moniteurs dans PA (ce qui serait pourtant bienvenu), mais une mini-vue dans un coin de l'écran. Pas très convaincant, d'autant plus qu'il est limité à une seule fenêtre. Il y a également un système d'alerte lié au PiP qui vous préviendra quand il sera trop tard pour réagir.

Chris Taylor ayant inventé le genre, je me dois ici de citer le maître à propos (du kickstarter) de PA:
"When I saw that, I kind of saw the old Chris, you know? I’ve been a firm believer that multiple battlefields is not a good idea.
You look at chess and you try to go to 3D chess, it just blows your mind.
The brain is powerful, but the brain has limits. Only savant genius type of people can play on multiple boards at once."
Et on peut dire qu'il met le doigt sur le gros défaut de PA. Alors que le jeu repose sur la gestion de plusieurs planètes, aucun outil ne vient aider le joueur dans cette tâche, rendant le tout très confus pour peu que l'on veuille jouer efficacement. Le bonhomme a tellement raison sur le sujet que j'oserai dire que le principal défaut de PA est bien là : l'absence de Chris Taylor à la barre.

Au niveau des galaxies, on parlera plutôt de petits systèmes solaires, et la totalité de la surface des planètes peinera à faire la taille d'une grand map de Supreme Commander.

Rajoutons à cela des limitations techniques : le jeu est très gourmand en RAM, 8gb est le strict minimum pour penser y jouer. Les serveurs mis en place par Uber tiennent rarement la charge, provoquant ralentissements ou pire, plantages, lorsque que l'on dépasse quelques centaines d'unités (après une dizaine de minutes). Uber annonce corriger ces problèmes au plus vite, mais après plus d'un mois depuis la sortie du jeu, le constat est le même.

Totally Annihilated

Au niveau des options de jeu, on peut construire des unités terrestres, aériennes, navales et orbitales. Le naval est la plupart du temps rendu inutilisable par la taille réduite des planètes. Le terrestre (robots et tanks) et l'aérien offriront les options de jeu les plus riches et les plus amusantes.
Reste l'orbital. Son affichage est brouillon et se superpose mal au terrestre, rendant le jeu rapidement illisible.



Vu de manière pragmatique, il n'a également d'orbital que le nom. Toutes les unités se retrouveront à la même hauteur et peuvent se déplacer librement, sans suivre d'orbite logique ou non. De fait, ce n'est qu'une seconde couche d'aérien de niveau technologique supérieur. Mais le principal problème est sa sur-puissance :
  • Des unités capables de dégâts au sol.
  • Des unités capables de générer des ressources.
  • Et une seule unité de combat orbitale.
Cette unité, vous allez la connaitre. Vous allez la détester. Il vous faudra la spammer (produire en masse) plus que de raison. C'est la seule unité utile du jeu dès qu'il y a plus d'une seule planète. Et ce n'est finalement qu'une unité aérienne qui vole plus haut et qui peut se déplacer d'une planète à une autre. Le layer orbital, non seulement tue l’intérêt des autres type d'unités, mais n'apporte rien de plus au jeu stratégiquement.

Ce problème est exacerbé par plusieurs autres manquements. Il n'y a pas de transporteur inter-planètes. Il y a bien un pod capable de transporter une seule unité, mais c'est trop léger comme force d'invasion face à des centaines de tanks. Il y a un bien un téléporteur. Mais il faudra le construire sous le feu des plates-forme orbitales ennemies. Le jeu ne contient aucun bouclier ou moyen de protéger une zone le temps de pouvoir s'installer. Il y a bien des missiles nucléaires capable d'atteindre d'autres planètes, mais l'anti-missile ne coute rien quand on peut produire des ressources quasi infinies depuis l'orbite d'une géante gazeuse.

Et voilà le cœur du problème : Passé l'étape où vous virez vos ennemis de votre planète, plus personne ne pourra vous la contester. Si vous êtes face à un commandeur ennemi sur la même planète, vous avez le choix de combattre ou vous barrer. Comme il est très difficile de gérer plusieurs planètes, et qu'il est quasiment impossible d'envahir une planète occupée, le choix ne se pose même pas.

Reste les deux gimmicks de PA, que vous pouvez voir dans chaque teaser ou trailer du jeu, qui servent de game-ender. Un game-ender, c'est une unité qui permet d'achever une partie sans devoir la limiter dans le temps. C'est en général quelque chose de très cher qui assure la victoire, mais qui prend très longtemps à faire. Le game-ender oblige vos ennemis à se bouger le cul ou mourir.



Dans PA, les game-ender - le laser des planètes de métal et le crash de planètes - peuvent entrer en jeu (comprendre : Devenir l'objectif stratégique du joueur) après 15-20 minutes. Et la seule façon de les contrer, c'est un autre game-ender. A vous de juger s'il est normal qu'un jeu se limite à rusher ce genre d'unité le plus vite possible.

Vous n'avez pas d'amis?

Si vous n'aimez pas jouer en multi, PA n'est probablement pas fait pour vous. Aucune campagne solo, mais un mode nommé "Galactic War" est présent. C'est une succession d'escarmouches (partie contre l'ordi) sans grand interêt. Vous êtes limité dans le choix des unités, et il vous faudra en découvrir et choisir d'autres en explorant la galaxie. L'IA est anormalement apathique, et ne pouvoir jouer qu'avec une maigre sélection d'unités dans un jeu déjà fort limité à la base n'est pas des plus captivant.

Reste le mode skirmish (partie classique contre l'ordi). L'intelligence artificielle est plutôt correcte, mais n'offre pas de gros challenge une fois le jeu maitrisé. De plus, faute de temps pour finir le développement, elle ne fonctionnera pas sur les planètes gazeuses.

Si c'est le coté compétitif qui vous plait, là encore, rien à se mettre sous la dent. Aucun système de partie classée ou de matchmaker, aucun ladder, aucun moyen de se mesurer le zizi virtuel. Il vous faudra compter sur la communauté pour organiser des tournois.

Et si vous vous dites que vous vous ferez des amis en ligne, là encore, aucun outil en place hormis le système de chat en jeu. Aucun chat intégré pour raconter vos exploits ou discuter de la viabilité de la dernière tactique à la mode (probablement le spam de fighter orbital et le rush super-laser) en attendant que la prochaine partie se remplisse. Là encore, il vous faudra compter sur les forums officiels ou ceux de la communauté.



Par contre, le jeu intègre un système de stream twitch. Sympa, mais dispensable sur PC où ces outils, souvent plus performants, se comptent par dizaines.

Au rayon des manquements, aucun tutoriel ne vous aidera à comprendre les concepts de PA. Il s’adresse avant tout aux vétérans du genre, et si vous n'avez rien compris aux paragraphes précédents, dites vous que le jeu est encore plus abscon et nécessitera un investissement personnel non négligeable. Attention cependant à ne pas confondre apprentissage difficile et richesse de jeu.
 

Parlons politique

Difficile de ne pas parler du développement même. Kickstarté alors qu'Uber était sur le point de fermer après les échecs successifs de Monday Night Combat et Super Monday Night Combat, et survendu de l'aveu même des développeurs, PA est un cependant un tour de force technique au vu du temps très court de développement.

Mais...

Il y a des choses acceptables. Appeler au don pour réaliser sa vision et ressusciter un genre mort est tout à fait louable. Vendre une Early Access 3x plus chère que le jeu final, c'est devenu normal. De mon temps, une pré-commande, ça donnait aussi accès à la bêta, mais ça coutait moins cher. Mais bon, les temps changent ma bonne dame, tant mieux pour eux, tant pis pour nous.

Passer un deal avec un éditeur alors que kickstarter est censé éviter ce genre d’écueil, c'est déjà plus compliqué. Implémenter des micro-transactions/DLC (cosmétiques) dans une beta vendue au prix fort, s'il y a des pigeons, autant les plumer. Vendre un jeu non fini dans le commerce... A vous de voir.

Là où la faute est peu pardonnable, c'est la sortie du jeu incomplet. Une promesse du kickstarter était un jeu "DRM-free". Au final, le moteur même du jeu n'est pas fini, et n'est donc pas livré avec le jeu. Si vous voulez jouer à PA, c'est uniquement en ligne, comme Diablo 3 ou Sim City.

Les serveurs de jeu sont également sous-dimensionnés : On ne peut pas dire que ce soit l'abondance de joueurs, et pourtant le jeu se met à ralentir autour de 20 min de jeu. La promesse initiale était des parties à 40 joueurs sur des dizaines de planètes, on est heureux quand une partie à 4 joueurs se finit sans accros.



Mais le plus grave est l'amputation de fonctions afin d'optimiser le jeu. Je ne reviendrai pas sur l'intelligence artificielle à peine fonctionnelle en mode Galactic War, et simplement absente sur les planètes gazeuses, car d'autres fonctions fondamentales ont été retirées. Comme le fait de pouvoir récupérer le métal des unités mortes. Je ne ferai pas de dissertation sur l'importance de cette fonction et son impact stratégique, mais elle est essentielle à l'équilibre d'un jeu à économie à flux tendu comme PA. Étant basé sur l'occupation de terrain, le fait de perdre des unités dans une zone ennemie favorise celui-ci s'il peut récupérer le métal de ces unités. De ce fait, une attaque doit être réfléchie, et perdre certains points peut au final être plus rentable si la stratégie est bonne. L'absence de cadavres, plus le manque flagrant d'équilibrage en général, ne vient pas aider à rendre dynamique un jeu qui en aurait bien besoin.

Au rayon des disparus qui ne reverront peut être plus la lumière du jour, notons aussi le "unit cannon" du teaser kickstarter, capable de propulser des unités vers d'autres planètes, qui aurait permit d'envahir et contrôler le terrain plus facilement.
Planetary Annihilation avait le potentiel. Mais plombé par une balance aux fraises, une interface indigne de ses prédécesseurs et des ambitions du titre, et combiné à une sortie de beta bien trop rapide, le jeu est malheureusement pauvre stratégiquement parlant, incomplet niveau fonctionnalités et sans grande saveur une fois la surprise des gimmicks du jeu passée. Pire encore, le manque de tutoriel rebutera le joueur intéressé mais occasionnel.

Amusant mais pas captivant, il sombrera sans doute dans l'oubli d'ici quelques mois si Uber ne donne pas un grand coup de fouet dans les prochains patchs. Le dernier, proposé un mois après la sortie du jeu, rajoute... Les succès Steam. De quoi ne pas être très confiant en l'avenir.

Si PA vous faisait de l’œil, je vous propose quelques alternatives intéressantes et moins chères, en attendant les soldes steam et/ou des patchs améliorant la situation : Les amateurs de solo auront Supreme Commander, les amateurs de multi/coop Forged Alliance, et les amateurs de TA n'ont que l'embarras du choix entre les multiples versions de TA Spring et Zero-K.

Mais ne refermons pas la porte du frigo si vite, des miracles bien plus grands sont déjà arrivés.
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