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ARTICLE

L’histoire derrière Mother Russia Bleeds

K.Mizol par K.Mizol,  email  @Super_Slip_Man

Niveau II : La base (mode de difficulté Hard)

Au mois de novembre 2013, Florian avait déjà mis en place un prototype basique et jouable où l’on contrôlait un perso capable de se battre sommairement contre une I.A. type. A partir de ce moment, une organisation précise s’est installée entre les trois hommes. Fred passe presque toutes ses journées chez Alex (qui a l’appartement le plus spacieux) tandis que Flo y vient un ou deux jours par semaine. Café pour tout le monde à leur arrivée, sandwich à la boulangerie pour la pause de midi, nouveau café, départ à 19h30. Lorsqu’ils ne se voient pas physiquement, Skype tourne à plein régime, Google Drive est utilisé pour stocker toute la documentation et les sprites. L’échange est permanent, constant, chaque idée est débattue en détails, quitte à entrer dans un conflit qui ne s’éternise cependant jamais. Les principales discordes concernent souvent la position du projet entre le « old school » et le « new school ». Les différentes cultures de chacun les opposent aussi relativement souvent concernant la mise en scène, certains baignant plus dans le cinéma, d’autres dans le jeu vidéo.

Fred, en tant qu’instigateur du projet, agit comme un réalisateur, c’est lui qui détient la vision globale du projet, met à jour la to do list de Florian, briefe rapidement Alex pour le design de quelque chose de précis avant d’élaborer ensemble diverses améliorations spécifiques selon le résultat, pour coller au mieux à l’univers. C’est durant cette période que Vincent « Slo » Cassar les rejoint en tant que compositeur attitré. Il bidouille dans la musique depuis ses 13 ans, lorsqu’il s’emparait du clavier de sa grande sœur. Au moment de son intégration dans l’équipe, Vincent venait de sortir un LP, « Invisible Walls ». L’homme baigne dans l’électro et le rock et a fait partie de nombreux groupes. C’est d’ailleurs suite à la recommandation d’un copain de Fred qui jouait avec Vincent dans le groupe Smohalla qu’il a été choisi, après un petit test. Vivant à Aix-en-Provence, la collaboration avec le reste de l’équipe de Mother Russia Bleeds se fait à distance mais le modus operandi n’est pas différent de celui utilisé entre Fred et Alex. Le premier briefe le deuxième pour chaque demande avant d’affiner ensemble le résultat. Chaque morceau composé par Vincent est directement intégré au jeu pour constater concrètement si ça fonctionne ou non. En attendant il leur arrive de mettre des musiques lambda pour pré-tester. J’ai par exemple pu jouer à un passage prototypé sur un morceau de Johnny Hallyday (le décor était d’ailleurs composé d’affiches du chanteur), le fou rire m’a empêché de continuer...



Le challenge principal de Slo est de réussir à s’adapter à la vision globale du jeu. Un challenge qu’il apprécie beaucoup. Au début, ce qu’il faisait ne fonctionnait pas toujours et il a dû petit à petit se détacher de ses habitudes, élargir ses horizons pour aboutir à quelque chose de satisfaisant en s’appuyant sur l’aiguillage de Fred. Pour Vincent aussi il s’agit de sa première collaboration à l’élaboration d’un jeu vidéo.

Chacun rencontre ses propres difficultés, Alex par exemple appréhendait beaucoup l’animation, lui qui a une certaine expérience à ce sujet mais surtout en 3D. Mais à force de persévérance, il finit par assimiler les subtilités et à s’en sortir avec les honneurs. Même s’il lui arrive encore de passer des heures sur deux mouvements qui s’enchaînent mal, la qualité de ce qu’il propose finit toujours par satisfaire l’équipe qui a pourtant des exigences souvent assez élevées. Fred dit de lui - tout comme il le dit de Florian - qu’il est un véritable bourreau de travail. Lorsqu’on développe un jeu vidéo d’une certaine ambition, et ce sans moyens financiers particuliers à ce stade du projet, ça aide.

Flo quant à lui, de par sa spécificité dans la programmation, rencontre dès le début des problèmes au quotidien et doit s’en accommoder, ça fait partie du métier. Au début du développement par exemple, alors qu’Unity venait tout juste de sortir sa version 4.3 permettant l’utilisation de l’outil 2D, il a dû apprendre sur le tas et essuyer les plâtres. Les bugs natifs du logiciel étaient nombreux et demandaient alors le double de travail. Florian se souvient « […] par exemple quand je voulais inverser une animation quand un ennemi reculait, ça faisait planter toutes les animations […] ». Mais globalement ses études lui sont d’un grand secours puisqu’il se retrouve nez à nez avec des situations qu’il avait déjà rencontrées. Et comme ses camarades, il a dû faire des concessions ou se battre pour l’implémentation d’une de ses idées, la routine lorsqu’on collabore à un projet commun. La célèbre légende du codeur qui doit remettre parfois les pieds sur terre au game designer en raison de contraintes techniques s’avère bien réelle. Florian fait aussi état de la difficulté de combiner sa vie privée au projet qui demande beaucoup d’investissements personnels, d’autant plus qu’il travaille majoritairement de chez lui. A son sens il s’agit du plus gros challenge rencontré jusqu’alors sur Mother Russia Bleeds.

De son côté, le défi de Fred est également permanent. Avoir à réunir une équipe compétente n’était pas sans lui provoquer un certain stress, mais en tant que plaque tournante du projet il prend pour responsabilité toutes mauvaises critiques que l’on pourra faire du jeu. Ainsi, les phases de playtests sont extrêmement nombreuses depuis qu’il a été possible d’en faire. Eux-mêmes, tout comme leurs proches, jouent régulièrement à Mother Russia Bleeds, un élément d’autant plus important lorsqu’on fabrique un jeu aussi précis que le beat’em all.

Test de personnages

Fin 2013, le projet s’appelait encore Nekro, en rapport aux goûts musicaux de Fred. C’est un ami, Théodor Diea (ancien d’Ubisoft), venu leur donner un coup de main pour construire le marketing qui les a fait changer d’avis. Le constat est rapide : le nom de domaine sur internet est déjà pris, et un autre jeu s’appelle déjà Nekro. Après quelques semaines de recherches et de discussions est apparu le titre définitif de Mother Russia Bleeds. Un titre qui leur a déjà valu quelques remontrances de citoyens Russes égarés y voyant là un témoignage politique des problèmes du pays, voire même une attaque envers le conflit opposant la Russie à l’Ukraine. L’équipe tient à être claire : ils ne font pas de politique, leur travail sur le jeu n’a rien à voir avec quelconques conflits contemporains ou passés. Il s’agit d’une fiction dans un univers alternatif dont l’action se déroule il y a plusieurs années. Heureusement, l’incompréhension n’est pas généralisée et certains gamers Russes aident spontanément notre petite équipe de frenchies. Que ce soit pour des traductions ou la recherche de noms de personnages.

Le pitch de l’époque ne laissait de toute façon pas forcément de place au doute quant à l’ambition plus badass que politisée : « Durant la fin des années 80, l'U.R.S.S. est au bord de l'effondrement. La mafia en profite pour prendre le contrôle du pays, notamment en mettant la main sur la gestion des combats de boxe et de la drogue. Sergeï, le personnage principal (ndlr : qui était en fait le nom de scène de Fred dans son groupe de métal), est un boxeur qui a refusé d'obéir aux ordres de la mafia (ils lui demandaient de se coucher pendant un match). Il tue même son adversaire (référence à Butch dans Pulp Fiction). A partir de là, la mafia l'a dans le collimateur, elle constate même que Sergeï se dope depuis des années avec une drogue bizarre qui lui permet de gagner de nombreux matchs. La mafia souhaite récupérer la recette de cette drogue. Sergeï refuse et la mafia le fait mettre en prison. Au fond de sa cellule, il commence à avoir des hallucinations, et il va se faire guider par un étrange personnage squelettique pour partir se venger contre la mafia. » Puis, petit à petit, le scénario a évolué pour devenir ce qu’il est dans la version finale du jeu, en tournant un peu plus autour du soulèvement du peuple et moins autour d’un personnage en particulier.

Autre test de personnage (oui)

En effet, le fait d’avoir plusieurs personnages jouables obligeait légitimement nos développeurs à repenser leur histoire. Le scénario ne peut pas être le même pour quatre personnages que pour un seul, d’autant qu’il doit toujours être crédible lorsqu’un joueur quitte la partie en cours de route. Il était donc important de plutôt partir sur une trame de fond plus générale, Sergeï n’étant plus le personnage principal au sens propre, mais un personnage jouable parmi les quatre disponibles. Très tôt dans le développement, Philippe Valette (dont nous reparlerons plus tard, il est notamment auteur des inénarrables BD "Georges Clooney" et "Jean Doux et le mystère de la disquette molle"), ami d’Alex, est intervenu sur l’élaboration du scénario. Il nous décrit sa contribution comme ceci (très précisément telle quelle) : « Alors au début Alex m'en parlait de façon informelle quand on se voyait, on se marrait à inventer des dialogues décalés (genre les deux vigiles qui discutent devant le club avant de se faire éclater par les joueurs). Ils ont bien aimé l'idée de partir sur du second degré. Ensuite on s'est posé un aprèm avec Fred et Alex, ils m'ont expliqué leurs idées, leurs intentions, et les envies qu'ils avaient. Là j'ai simplement donné mon avis sur des problématiques qui ne fonctionnaient pas à mon sens (originellement c'était l'entraîneur qui fabriquait la drogue, mais ça n'était pas très crédible). Je les ai aidés à mettre leurs idées dans l'ordre. Ensuite on s'est revu deux ou trois fois tout le long de la prod, pour détailler certains passages, et rendre les transitions entre les différents niveaux cohérentes avec l'histoire. Je leur ai aussi proposé l'idée de devoir finir le boss de fin sans se droguer pour avoir la bonne fin. Je trouvais que ça avait du sens de forcer le joueur à lui aussi se sevrer, par rapport à la thématique de l'addiction c'était cool. Mais ma plus grande fierté c'est l'idée que Boris lance sa merde en guise de provocation. »

Tests du niveau de la prison

Il restait aussi une phase importante du développement, qui prend du temps et que certains préfèrent négliger, ce qui n’est pas le cas de Fred, Alex et Flo : la communication. N’ayant encore aucun éditeur, la communication autour du jeu est essentielle car c’est elle qui va l’amener au public. Une fois quelques brainstorming avec Théodor effectués, Fred et Alex se sont répartis les tâches en fonction du savoir-faire de chacun. Ce dernier s’est penché sur la création du site web du jeu grâce à son expérience en agence web, d’ailleurs ses anciens collègues ont mis la main à la patte également. Ensuite est venue la création des pages dédiées sur les réseaux sociaux. Fred se charge de Facebook, Alex de Twitter. Cette communication peut même parfois provoquer des modifications dans l’équipe. Par exemple, le tout premier contact avec un journaliste a changé le nom de leur équipe de développement. A l’origine ils souhaitaient se faire appeler « Bad Rooster » (Coq Mauvais, pour le côté frenchie et le côté visuellement punk de l’animal à crête), leur logo a d’ailleurs été dessiné en conséquence. Mais le journaliste s’étant documenté sur leur site a tout simplement cru que la brève appellation pour introduire leur équipe, « Le Cartel », était le nom de leur studio. Ils ont trouvé que ça sonnait bien et ont abandonné Bad Rooster.
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