TEST
Wolfenstein 2 : The New Colossus
par Fougère,
email @JeSuisUneFouger
Développeur / Editeur : Bethesda Softworks Machine Games
Support : PC
Dans le climat actuel, jouer à Wolfenstein 2 est particulièrement cathartique. Pas besoin d’acheter des lootbox pour avoir des améliorations d’armes, les méchants sont vraiment méchants, les femmes sont ultra badass et ne risquent pas de se faire choper par des pervers. C’est peut-être ça l’ingrédient secret de Bethesda : ils ont embauché un oracle pour anticiper ce qu’ils doivent mettre dans leur prochain titre.
En 2014, Bethesda avait ressuscité la licence et obtenu un résultat mitigé. C’était un jeu « cool », sans plus, et on en était resté là. Pour la suite, ils ont décidé de pousser les potards jusqu’à 11 dans le n’importe quoi : tous les personnages sont complètement flingués, un plot twist qui est vraiment abusé, des cinématiques, des scènes où vous n’avez plus le contrôle de votre perso pendant plus de 10 minutes, etc. En gros, ils ont pigé que leur plus-value n’était pas tant le gameplay, mais plutôt bien sûr l’univers.Parlons-en du gameplay. Comme dans le premier, on fait dans le simple : vous pouvez utiliser une arme, et viser en épaulant, ou équiper deux armes, et vous servir des deux clics de la souris pour balancer une tempête de métal sur vos ennemis. De temps en temps, vous aller tomber sur une « arme lourde » que vous allez devoir manipuler à deux mains en étant fortement ralenti, et c’est tout. Ça fait en tout une dizaine d’armes, que vous pourrez améliorer avec des modules, plus des grenades, et des hachettes pratiques pour tuer silencieusement des ennemis à distance. Tout cet attirail va vous servir à nettoyer les différents niveaux de la racaille nazie, sachant qu’on va du grunt de base au robot de cinq mètres de haut, en passant par des Terminator ou des chiens de guerre aussi gros que des chevaux. Une des nouveautés, c’est que les devs ont décidé de vous laisser le choix dans votre approche : tous les niveaux sont traversés par des petits couloirs cachés, des conduits d’aération, bref, des moyens de se déplacer silencieusement et de zigouiller du nazi sans se faire repérer.
Mais, soyez honnêtes, est-ce que vous jouez à Wolfenstein pour faire comme dans Deus Ex ou Dishonored ? On est d’accord. Et puis ce serait gâcher le travail fantastique de Mike Gordon sur la BO. Les gros riffs de guitare et les basses super puissantes quand vous êtes en train de ramper pour esquiver trois gardes, c’est bizarre. Quand vous être en train de leur foncer dessus avec des shotguns en akimbo et l’alarme qui hurle en arrière-plan, ça va tout de suite bien mieux. Surtout que Blazkowicz a eu droit à une petite cure de jouvence pendant l’intersaison, puisqu’il est devenu beaucoup plus agile et rapide que par le passé. Vous pouvez explorer les niveaux à toute vitesse, enchaîner roulades, glissades et autres sauts d’obstacles tout en tuant des régiments de nazis. Ceux qui ont joué à DOOM l’année dernière devraient adorer ça.
Sauf que contrairement à DOOM, les niveaux sont peut-être le point faible du jeu. La faute au système de repop des ennemis tant que vous n’avez fait taire les alarmes, qui se désactivent une fois que vous collez un pruneau dans le buffet des officiers nazis présents dans la zone. Dans certains niveaux, qui sont des enchaînements de couloirs puis d'arènes, ça ne pose pas trop de soucis, mais dans ceux qui sont pleins d’escaliers, de passerelles et autres tunnels, on a tendance à se perdre rapidement. On finit fatalement par se faire submerger, et il faut tout recommencer depuis le dernier checkpoint, un poil frustré après s’être acharné pendant 10 minutes.
Bref, le gameplay est fun (même si l’IA est particulièrement débile, mais bon, ce sont des nazis, pas des lumières), voyons ce que donne l’univers maintenant. Comme nous l’avions signalé lors de la preview, Machine Games avait l’air d’avoir pigé qu’il y avait quelque chose de sympa à faire autour du thème « Amérique nazie des années 70 ». Et pour avoir pigé le truc, ils ont pigé le truc. C’est simple, j’ai terminé en le jeu en deux sessions, car dès que j’avais vu une cinématique qui faisait avancer le scénar, je me disais « Putain, vite, il me faut la prochaine ». Pourtant, ils essayent d’étoffer l’expérience : vous avez je ne sais pas combien de collectibles à trouver un peu partout dans les niveaux, parfois dans des coins bien tordus, des code Enigma à casser, des officiers à chasser, et ainsi de suite. Mais rien n’a pu me décrocher du scénario, de la mise en scène, de l’univers qu’ils ont développé. Que ce soit par de grosses références, comme les Beattles nazis, ou des petits détails, comme des conversations entre deux gardes, on a le droit à un univers cohérent, réaliste, normal. On a donc un sentiment de malaise qui va se développer au fur et à mesure, se disant que si les USA étaient nazis, on ne serait pas trop loin de la réalité. Vous la sentez la grosse ironie ? Du coup, histoire de désamorcer tout ça, parce qu’on est quand même ici pour se marrer, la galerie de personnages va servir à relâcher la tension ! Entre le Hillbilly anarchiste, l’ancienne nazie qui force trop sur les gâteaux ou notre pote vétéran qui tombe sur une plaquette de LSD bien dosée, les fous rires ne sont jamais loin. Et c’est un peu le tour de force du jeu : réussir à traiter légèrement de sujets graves. Racisme ? On va mettre deux membres du Klan qui se font rabrouer par un super soldat Nazi. Sexisme ? Les femmes enceintes aussi peuvent massacrer des bataillons de nazis. Blazkowicz a eu une enfance vraiment pas heureuse ? Allons-y pour une séquence de 15 minutes avec un Hitler qui a dépassé la date limite de péremption depuis un moment.
Et c’est là que se situe l’intérêt du jeu. Machine Games pose un clivage clair et précis, avec l’Amérique nazie et les sujets sérieux d’un côté, Blazkowicz le mec increvable et ses potes résistants complètement barjos de l’autre. Pourtant, ils réussissent à raconter une histoire (complètement ridicule, mais prenante) qui va vous faire rire, vous faire réfléchir, vous faire réagir, tout ça sans temps mort, à travers une narration et un rythme maîtrisés. Une mission peut commencer par une cinématique où votre pote va prendre un mega hit de LSD, une séquence de 10 minutes de massacre de nazis où le monologue intérieur de Blazkowicz va nous apprendre qu’il ne va définitivement pas bien dans sa tête, et se terminer par une séquence de 20 minutes où vous n’allez pas tirer un coup de feu, juste confronter votre géniteur face à ses pêchés.
Franchement, j’ai adoré The New Colossus. Le jeu a des défauts (la technique par moment, l’IA, le fait de devoir appuyer sur E pour ramasser de la vie) mais ils sont largement compensés par son univers et ses personnages. Si vous aimez le WTF, les grosses guitares et massacrer des nazis par wagons entiers, vous ne devriez pas être déçu.