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Seasons After Fall

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
Supports : PC / Steam
C’est peu de dire que Seasons After Fall est un projet qui signifie beaucoup pour Swing Swing Submarine. Premier projet du studio lorsqu’il a été créé en 2009, les aventures du renard à travers les saisons étaient restées à l’état de prototype avant d’être mises de côté au profit de Blocks That Matter puis Tetrobot & Co. Suite à l’échec commercial de ce dernier (monde de merde), William David et Guillaume Martin ont décidé de réaliser leur rêve originel, coûte que coûte. De retour en gestation depuis 2013, le platformer a avancé pas à pas, nécessitant une petite armée de freelances pour aider à abattre tout le boulot nécessaire, ainsi que l’arrivée de Focus pour boucler le budget. Mais voici enfin le bout du tunnel : aujourd’hui sort Seasons After Fall, et il est exactement comme dans nos rêves.
Le principe de base de Seasons After Fall est assez simple : dans un monde en 2D, on incarne un renard disposant du pouvoir des saisons, c’est-à-dire qu’il peut changer la météo à la volée. Des capacités qui vont lui permettre d’explorer la forêt et ses alentours, et d’aider un esprit sylvestre ainsi que les quatre gardiens des saisons qui s’y trouvent et qui ont besoin d’un coup de main pour… et bien, vous verrez si vous jouez. En dire plus serait spoiler.

Un choc esthétique

On va commencer par ce qui devrait être évident pour tous ceux qui ont suivi, même de loin, le développement du jeu depuis 2013, ou qui ont regardé les screenshots avant de lire ce texte : c’est somptueux. Chaque écran du jeu est une merveille, et plutôt quatre fois qu’une, ayant demandé  des heures de travail, pour un résultat qu’on qualifiera aisément de choc esthétique. Chacun y sera différemment sensible, bien sûr, mais on peine à imaginer que quiconque puisse attaquer le jeu sur ces critères. Ne serait-ce que parce que chaque transition d’une saison à l’autre transforme radicalement les teintes des décors sans altérer l’équilibre de leur composition. On notera également une très belle utilisation de la profondeur de champ, pour donner une sensation d’espace et prolonger le regard au-delà des éléments de décors « utiles », à savoir les plateformes. Le principe du jeu étant de mélanger l’exploration et la réflexion, disposer d’un univers aussi abouti esthétiquement est un atout maître. Même ceux qui se lassent rapidement des plateformes et des puzzles pourront trouver du plaisir à parcourir les nombreux tableaux qui se répartissent en quatre grandes zones principales, organisées autour d’un hub et découpées en zones plus petites.




L’exploration de cet univers est particulièrement bien accompagnée par une bande-son et un sound design qui frôlent, eux aussi, la perfection. Bien que très discrets, les bruitages soutiennent la différenciation entre les saisons en créant un bruit de fond spécifique (il est tout à fait possible de distinguer les saisons à l’oreille), mais permettent également de guider le joueur dans sa réflexion en lui faisant associer certains sons à certains éléments de gameplay. Quant aux musiques, elles sont une rareté qu’on se doit de saluer. Comme pour la formidable bande-son de Tetrobot, c’est Morusque qui est à la composition. Mais cette fois-ci, point de sons synthétiques : notre maestro est violoncelliste et utilise sa connaissance des instruments à corde pour proposer des morceaux assez courts, venant soutenir au choix l’action ou la contemplation, et exclusivement joués par un quator à cordes. Suffisamment rares pour laisser les bruitages créer une ambiance, suffisamment présentes pour marquer les lieux de leur empreinte, signifiantes en terme de gameplay (le déclenchement d’une musique dans une zone signifie qu’on a quelque chose à y faire), ces compositions au son très organique sonnent encore plus belles en jeu qu’elles ne le font déjà hors contexte.

Un gameplay organique

Lorsqu’on avait essayé une version de travail du jeu en 2014, on nous avait présenté Seasons After Fall comme un jeu d’exploration qui laisserait de côté les puzzles retors de Blocks That Matter et Tetrobot, la comparaison d’alors étant « un Rayman Origins en plus lent et qu’on pourrait finir avec ses enfants ». Mais depuis, les choses ont changé. Si l’exploration est toujours le moteur du jeu, elle s’accompagne d’un vrai challenge en terme de réflexion. Si la difficulté reste tout de même largement en dessous de Tetrobot, on retrouve les mêmes éléments de gameplay. Grosso modo, il va s’agir d’explorer différents tableaux connectés les uns aux autres, repérer les éléments interactifs et les différents indices se cachant dans les décors, puis dérouler le raisonnement logique qui relie tout ça. L’objectif étant soit d’accéder à une nouvelle zone, soit d’activer un item particulier nécessaire au déroulement de l’histoire, soit de réussir une quête optionnelle. Le jeu reste accessible au plus grand nombre, ne serait-ce que parce qu’il est toujours agréable de passer du temps dans un tableau même lorsqu’on y est bloqué, mais nécessite un peu de méthode et de concentration pour en venir à bout. Un carnet ou un outil de screenshots s’avèreront utiles.

D’autant plus que, par la volonté des développeurs, presque aucune indication ne vous sera donnée tout au long de l’aventure. Les contrôles sont évidemment affichés dans le menu et on nous montre rapidement dans les premières secondes le bouton pour japper, mais en jeu personne ne vous dit sur quels boutons appuyer pour sauter ou changer de saison. De la même manière, aucun tutoriel ne viendra vous présenter les éléments interactifs, leurs fonctions et comment les activer. Le joueur est donc invité à essayer par lui-même les boutons de sa manette (ou de son clavier, mais on vous conseille la manette) dans les différentes situations, et à comprendre seul comment fonctionne le monde qui l’entoure. Un choix de design qui fonctionne très bien étant donné que tout est relativement simple à comprendre (ce qui ne rend pas la résolution des puzzles facile pour autant) et que le soin apporté aux décors et au sound design guide le joueur de manière intuitive. On repère aisément les éléments interactifs sans que cela nuise à l’esthétique, et ce gameplay qu’on qualifiera d’organique empêche de taxer le jeu de jolie coquille vide. Au lieu de plaquer arbitrairement une couche de gameplay par-dessus ses décors, Seasons After Fall forme un tout cohérent avec lui-même et est aussi plaisant à jouer qu’à regarder.

Un jeu unique

La contrepartie de ce gameplay organique pourra être, chez certains joueurs peu doués pour retenir l’architecture d’un niveau et peu méthodiques dans leurs prises de notes (coucou \o), certains moments de perte de repères spatiaux. L’entrée et la sortie sont-elles au même niveau ? Suis-je plus haut ou plus bas que mon objectif ? Vaut-il mieux aller à droite ou à gauche ? Pourtant pas si immenses, les décors de Seasons After Fall regorgent de raccourcis à activer, de chemins alternatifs et de zones facultatives susceptibles de déjouer votre sens de l’orientation. Certains chemins mènent par exemple à des souches d’arbre déclenchant des rêves qui viennent détailler un peu le background du jeu, ou bien à des parterres de fleurs qui, une fois trouvés, débloquent des bonus dans le menu. Fort heureusement, les changements de saisons ne modifient pas les repères visuels qu’on peut prendre dans chaque tableau et, encore une fois, un peu de méthode et de concentration suffiront à ne pas paniquer et à retrouver son chemin.

Dernière qualité principale à relever, le jeu se dote d’un scénario un peu plus profond qu’il n’y paraît au premier abord. Difficile d’en parler sans spoiler, surtout que des petits retournements de situation apparaissent assez tôt dans le jeu et que des indices sont semés dès le départ. Disons simplement qu’il évoque, sous des airs de fable écologique, le temps qui passe, la jeunesse, la vieillesse, la mort, l’apprentissage de la sagesse, le passage à l’âge adulte d’une manière générale… Chacun sera libre d’y voir un peu de sa propre expérience personnelle ou bien des références, à Miyazaki par exemple. Sans être totalement bouleversant, le jeu réserve un ou deux moments d’émotion et a le mérite de ne pas en faire des caisses avec. L’intégration de l’histoire est semblable à celle des musiques : suffisamment discrète pour laisser au joueur une sensation de liberté, suffisamment présente pour donner du sens à tout ça. On notera par ailleurs les excellents doublages français, assurés par des voix connues de l’animation et des jeux vidéo (Adeline Chetail et Vincent Grass).

Au final, c’est avec un long chapelet de compliments qu’on présente Seasons After Fall. Il les mérite amplement même si de rares défauts doivent être signalés. Le plus « gênant » vient d’un léger manque de fluidité dans les déplacements qui rend certaines phases de saut un peu crispantes, surtout quand il faut refaire plusieurs switchs de saisons avant de retenter le saut qu’on a raté. Dans pareil cas, difficile de ne pas pester contre le léger input lag des sauts, avec lequel on avait composé jusqu'ici. Je suis parfois passé au travers d'une plateforme mobile. On note également quelques chutes de framerate. Et certains indices essentiels à la résolution de puzzles sont parfois étrangement placés, de telle sorte qu’on le découvre plus par hasard qu’autre chose. Mais rien qui ne saurait ternir durablement une expérience contemplative de  haute volée.
Les années de labeur de Swing Swing Submarine n’auront pas été vaines : Seasons After Fall est merveilleux. Au-delà de ses qualités esthétiques évidentes, le jeu est un modèle de gameplay organique où chaque élément interagit avec les autres pour créer un ensemble très cohérent. 

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