Heavy Rain
Le test dont vous êtes le héros
Ecran de titre, start, fondu enchainé : Vous êtes dans un supermarché avec Heavy Rain dans les mains. Vous pouvez aller à la caisse (rendez-vous au numero 2) ou tenter de le voler (numéro 10)
2 - La caissière vous regarde bizzarrement (ce que vous trouvez vaguement étrange si vous venez de 1, mais bon), mais prend votre billet. Vous vouliez profiter de l'occasion pour acheter des bières, mais vous êtes bloqué par un mur invisible. Votre unique choix semble être de repartir en bagnole. Allez au numéro 12.
3 - Votre voiture démarre dans un élégant mouvement de caméra; fondu au noir suivi d'un écran de chargement. On voit votre tronche en gros plan en train de suivre une mouche des yeux. Allez au numéro 11.
4 - Votre voiture cale. Revenez au numéro 12.
5 - la caméra effectue un léger traveling pour que l'on ne voit pas votre sgègue. Y'a des enfants qui lisent factor, quand même. Retournez au numéro 11*
*si c'est la 5eme fois que vous lisez cette phrase, cessez de lire ce test et allez consulter un médecin.
6 - L'installation du jeu demande 1Go, vous n'avez pas assez de place sur votre disque dur. Virez donc vos sauvegardes d'uncharted 2 et de Flowers, vestiges du jeu vidéo du passé. Comme on est sympa, on vous épargne la description par le menu des manips à effectuer, allez directement au numero 17
7 - Vous déchirez le papier, votre cocotte ne ressemble à rien. Allez au 18
8 - Lancez un dé : pour un chiffe pair, rendez-vous au numéro 7, pour un impair, allez au 15.
9 - Vous échouez lamentablement. Vous pouvez réessayer (numéro 19) ou tenter de vous pendre avec le cable d'alim de votre console (numéro 14)
10 - Le vigile vous rattrape, vous file une claque et vous emmène manu militari à la caisse. Allez au numéro 2
11 - Arrivé chez vous, vous pouvez aller pisser un coup (numéro 5) ou mettre votre jeu dans votre Playstation 3 (numéro 19). Bon, vous pouvez aussi vous assoir sur chaque putain de chaise de votre appart, mais quel intérêt, franchement?
12 - Votre bagnole ne semble vouloir démarrer que grâce à la pression congugée du bouton "frein à main", "levier de vitesse" et "tourner la clé". Jettez un dé. Si vous faites un numéro pair, allez au numéro 3; sinon au numéro 4.
13 - Vous allumez votre TV à l'aide du bouton X; le jeu se lance. Lancez un dé. Si vous faites un résultat pair, allez au numéro 17, sinon au numéro 6.
14 - Votre tentative de suicide a réussi. Néanmoins, il n'y a pas de gameover dans ce test; vous vous réincarnez dans un panda. Vous passez le reste de votre vie à manger des bambous. Ecrans de crédits, allez à l'épilogue.
15 - Vous obtenez une superbe cocotte en papier. Bien joué. Allez au 18
16 - Vous regrettez amèrement de ne pas avoir pu acheter de bière. Allez au numéro 18
17 - L'installation du jeu se lance. Vous pouvez suivre le tutorial pour confectionner une cocotte en papier pendant l'install (chouette idée au passage, allez au 8) ou aller vous servir un verre d'eau dans la cuisine (numéro 16).
18 - L'installation se termine, vous voilà devant le menu du jeu. Félicitations, vous venez de terminer la première scène de ce test. Vous pouvez passer à l'épilogue.
19 - Vous ouvez la boite du jeu (quart de cercle haut->droite), sortez le CD (maintien pendant 2 secondes du stick vers le haut) et l'insérez dans votre console (bouton X). Lancez votre dé; pour un résultat pair, allez au numéro 13, sinon, rendez-vous au 9.
Epilogue - Vous venez de terminer le Test Dont Vous Etes Le Héros (tous droits réservés Factornews). Tout d'abord, félicitation, vous venez d'expérimenter le futur du test de jeu vidéo, et surtout vous avez déjà une idée très précise de ce qu'est, fonctionnellement parlant, Heavy Rain. Vous pouvez éventuellement continuer votre lecture, mais de grâce, ne revenez pas au début, cela tuerait la magie de notre (superbe) narration non-linéaire.
Interagir n'est pas jouer
En gros, Heavy Rain est le pendant vidéoludique du livre dont vous êtes le héros. Le gameplay est relégué au rang de simple accessoire, un mal nécessaire au service de l'histoire. Les scènes du jeu peuvent grossièrement être décomposées en deux familles : la partie "aventure", où l'on déplace un personnage digne d'un 33 tonnes dans des décors étriqués pour interagir avec quelques objets et discuter avec les autres protagonistes, et les scènes d'action où l'on suivra passivement l'action à l'écran (les déplacements sont alors automatiques - on en serait presque soulagé) en réagissant à la séquence de boutons à presser en temps limité.
Même en oubliant soigneusement les séquences de QTEs, on ne pourra pas considérer Heavy Rain comme un point & click moderne : la partie aventure ne fera, à quelques très rares exceptions près, jamais appel à votre sens de l'observation, votre astuce ou vos méninges. En fait, la partie jouable n'a qu'un seul but, infléchir l'histoire du jeu.
Vos gesticulations (au sens propre, puisqu'il faudra souvent mimer l'action du personnage au stick ou au sixaxis), qu'elles soient réussies ou ratées, pourront faire dévier les scènes de plusieurs manières : parfois, elles ne serviront à rien (ce qui arrive mine de rien assez souvent), de temps à autre, elles changeront le déroulement la scène sans en changer la fin; enfin, assez rarement, elles auront des conséquences qui se répercuteront sur plusieurs scènes. On retrouve ici le système de Fahrenheit, beaucoup plus maîtrisé : quel que soit l'embranchement que vous prenez, le scénario reste relativement cohérent, même si l'on voit parfois les ficelles qui permettront de remettre le joueur sur les rails - ficelles qui sautent évidemment aux yeux lorsque l'on joue une scène plusieurs fois de façon différente.
Les cahiers Bob l'Eponge du cinéma présentent : le test d'Heavy Rain
Pour apprécier, ou du moins tolérer Heavy Rain, il faut accepter ce parti pris : on est là pour se faire porter par l'histoire, parfois tenter d'orienter sa course, mais pas pour jouer. Et puisque nous sommes dans un film interactif, autant parler du scénario : l'expérience Fahrenheit et l'essai de deux scènes pendant la GamesCom, remplies de poncifs, nous avaient fait craindre le pire.
En fait, sur ce point, Heavy Rain s'en sort étonnamment bien : certes, on n'échappe pas à quelques clichés un peu gras (ils viennent d'hollywood), mais l'ensemble, à défaut d'être original, se révèle agréable à suivre, sobre, et donne envie d'aller de l'avant. Ce dernier point doit beaucoup aux nombreuses fausses pistes disséminées pendant l'aventure sur l'identité du tueur; dommage que certaines se révèlent parfaitement artificielles après coup. On regrettera également le début de l'histoire, passablement chiant (il parait que c'est volontaire, mais ça reste chiant).
Nous suivrons donc tout au long du jeu quatre personnages (un père de famille, un enquêteur du FBI, un privé et une journaliste) sur les traces d'un tueur en série que la presse a surnommé (probablement pour le chauffer un peu) l'Origami Killer. Les chemins des personnages vont évidemment s'entrecroiser et parfois se lier, mais n'en disons pas trop.
Pour mettre cette histoire en scène, David Cage a casté la crème du polygone normal-mappé : chaque scène propose un décor exigu mais extrêmement travaillé, avec à la clé de superbes ambiances. La pluie, omniprésente dans le jeu, n'a jamais été aussi crédible et certains protagonistes sont saisissants de réalisme. Dommage que tout s'effondre à cause de l'animation : les expressions sont un peu factices, les yeux vides et les déplacements beaucoup trop rigides. Certaines scènes dramatiques ou romantiques prêtent carrément à rire, tant elles semblent jouées par des mannequins de cire au regard de poisson mort. Quelque peu gênant pour un jeu qui ambitionne de générer de l'émotion chez le joueur/spectateur.
Par ailleurs, quelques maladresses techniques comme des coupures de son, des personnages qui se téléportent, des erreurs de raccord ou la synchro labiale totalement à la rue sur la version française (pourtant pas mauvaise, à part la voix de Madison) pourraient faire sortir certains de leur trip cinématoludique. Un trip qui durera une petite dizaine d'heures, et à la rejouabilité limitée : si on recommencera volontiers quelques scénettes par-ci par-là, pour appréhender les conséquences de nos actions ou voir une fin alternative, bien peu auront le courage de tout rependre à zéro une fois l'auteur des meurtres connu.
Ceux qui cherchent à s'amuser en jouant passeront leur chemin, ceux qui aiment explorer des univers originaux aussi, mais cette curiosité, quand on sait où l'on met les pieds, mérite bien quelques heures d'attention à condition de ne pas la payer au prix fort.