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Fe : Quand le conte de fées fait ses comptes
L'année 2017 n'a pas été tendre pour tout le monde. Prenez Electronic Arts par exemple, l'éditeur a dû faire face à une véritable levée de boucliers de la part d'une partie des joueurs, tout ça parce qu'il a essayé d'arrondir ses fins de mois avec des achats intégrés un peu crados. En terme d'image, ce n'est pas folichon de passer pour le symbole de l'avarice capitaliste. Histoire de se refaire une réputation plus respectable, quoi de mieux qu'un petit conte de fées tout mignon qui prône l'amour et la paix au sein de la nature ?
EA n'est pas le premier gros éditeur à lorgner sans complexe sur la scène des jeux indépendants pour diversifier son catalogue tout en adoucissant son image de marque. Ils ont d'ailleurs un peu tous une façon de faire bien à part lorsqu'il s'agit de partir à la pêche aux idées originales qu'ils pourront ensuite estampiller « presqu'indé ». Dans le passé, Sony par exemple n'a pas hésité à filer directement des coups de pouce logistiques aux studios qui développaient pour ses plates-formes. De son côté, Ubisoft met encore plus les mains dans le cambouis puisque ce sont ses propres équipes qui, entre deux gros projets, peuvent parfois faire une « pause » et plancher sur des titres qui sortent des clous. Chez EA, la volonté de s'ouvrir à des productions indépendantes n'est pas nouvelle puisque c'était déjà l'objet de son programme EA Partners depuis 2007. Aujourd'hui, c'est un certain label EA Originals qui prend le relais avec des jeux tels que Unravel, A Way Out ou Fe, ça tombe bien c'est justement ce dernier qui nous intéresse.
Fe repart d'un mariage
Bref, si Fe nous est aujourd'hui proposé sous les couleurs d'EA, il ne faut pas oublier la seconde partie de l'union dont il est le fruit : le studio suédois Zoink. Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant ce développeur est à l'origine d'un jeu d'aventure bien déjanté qui mérite amplement le détour, le trop méconnu Stick it to the Man. Avec un tel passif, on pouvait s'attendre à ce que Zoink bouscule à nouveau les meubles en proposant une nouvelle recette originale. Pas de bol, Fe nous propose au contraire exactement ce à quoi on pouvait s'attendre, un peu comme un bon élève qui s'évertue à remplir tous les critères demandés dans l'espoir de décrocher la meilleure note.Et ça commence par le thème : on y incarne une petite créature lâchée dans la nature qui va aider ses amis les animaux à se défendre contre des méchants en armure bien décidés à enfermer tout ce beau monde. Pour ce faire, il vous faudra petit à petit apprendre à communiquer avec les autres bestioles. Ça consiste généralement à donner un coup de main pour qu'ensuite le chef de leur bande accepte de vous transmettre le savoir-faire du couinement propre à sa famille. Chaque petit cri a son efficacité et permet ensuite d'interagir sur le monde qui vous entoure. C'est mignon comme tout, non-violent à souhait, mais pas très surprenant. Même le petit retournement de situation final est en réalité tellement téléphoné qu'on ne peut pas s'empêcher de ressentir un peu de déception en comprenant que le jeu n'a pas grand chose d'autre à nous offrir.
Fe, comme l'oiseau...
C'est plus ou moins le même reproche que l'on peut formuler concernant la DA : le titre affiche un style visuel faussement minimaliste assez marqué et ses petites musiques d'ambiance douces font parfaitement le taf. Pas de doute, c'est choupi et toujours agréable à l’œil comme à l'oreille, mais l'ensemble manque finalement de personnalité. C'était d'ailleurs déjà le genre de remarque que l'ami Hell Pé avait formulé à propos de RiME. Comprenez bien que cette critique n'en est pas forcément une, le fait que Fe semble suivre un cahier des charges de la production indé typique ne veut pas dire qu'il le fasse mal. Sa grande réussite serait même de nous rendre le voyage agréable alors qu'on connaît déjà la destination et que les paysages traversés ont un petit goût de déjà-vu.D'ailleurs, ce que Fe réussit le mieux, c'est sans doute de rendre la progression jouissive en elle-même. Sur le papier, on tombe encore dans le très classique avec un monde semi-ouvert dont les différents embranchements s'ouvrent en fonction des compétences qu'on débloque au fil de l'aventure. Mais justement, cette montée en puissance ne se traduit pas comme souvent par le développement d'un potentiel agressif, on demeure jusqu'au bout une faible créature qui doit se cacher ou se sauver face aux menaces. Par contre votre bestiole gagne grandement en agilité et en mobilité, ce qui fait que la découverte des environnements est de plus en plus fluide et agréable. À la fin, on prend véritablement plaisir à sauter d'arbre en arbre ou à planer dans les airs. Bref, rien de bien nouveau sous le soleil, mais la maîtrise de la recette fait que l'ennui ne s'installe pas, même si on reste en terrain connu.
Faites vous-même les comptes, du message écolo-friendly à la DA poético-choupinette, Fe coche toutes les cases d'une traditionnelle production estampillée indé. On aurait sans aucun doute aimé y trouver un brin de folie supplémentaire, mais il faut reconnaître que le tout tient la route et s'avère même plutôt agréable.