PREVIEW
Gamescom 2019 : premières plantations dans Mutazione
par Nicaulas,
email @nicaulasfactor
Développeur / Editeur : Die Gute Fabrik Akupara Games
En rendez-vous sur un salon, les choses ne se passent pas toujours de la même façon. L'accueil y est systématiquement professionnel et cordial, mais en fonction de la qualité du jeu et du niveau de fatigue des personnes présentes, des éventuelles attentions (quand on vous offre votre sixième café de la journée, ou que vous avez dépassé ce stade et qu'une bière fraîche fait largement plus l'affaire) voire des press kits fournis à la fin (par pitié, contentez-vous de choses simples comme des clés USB, des stylos ou des carnets), on peut ressortir plus ou moins en forme. Et puis il y a les rendez-vous où les astres s'alignent, avec le bon jeu présenté par la bonne personne au bon moment, et vous ressortez avec le sourire aux lèvres. C'est ce qui s'est passé pour Mutazione, prochain jeu de Die Gute Fabrik, présenté sur le stand de Dead Good Media par Hannah Nicklin.
Hannah Nicklin c'est cette narrative designeuse, issue du monde universitaire et de l'art contemporain, dont je vous avais parlé à l'occasion du dernier Indiecade Europe, dans le Quickload qu'on y avait consacré. Elle y avait tenu une excellente conférence intitulée "Kill the hero, save the world", dans laquelle elle militait pour la fin du modèle héroïque traditionnel (celui de Joseph Campbell) pour ouvrir le champ des possibilités dans la création de mondes fictifs et l'écriture des personnages, dans les œuvres de fiction traditionnelles comme dans le jeu vidéo. Je ne vais pas vous refaire toute la conférence (qui, sauf erreur de ma part, n'est malheureusement pas disponible en replay), juste redire que je l'avais trouvé passionnante au point de m'interroger sur ma propre façon de percevoir et analyser la narration en général et l'écriture des personnages en particulier. Je m'étais promis de suivre ses futurs projets dans le jeu vidéo, qui n'étaient pas encore annoncés à l'époque.L'un des projets en question est donc Mutazione, développé par Die Gute Fabrik. On avait pris un rendez-vous sans trop savoir où on mettait les pieds, même si les précédents jeux du studio (en particulier Where is My Heart ?), qui est d'ailleurs plus un collectif d'artistes orientés vers les expériences multi IRL (cherchez des vidéos de Johan Sebastian Joust ou Sportsfriends pour vous en convaincre), nous orientait vers quelque chose d'atypique. Et effectivement, Mutazione est atypique. Soyez même prévenus qu'on entre dans la catégorie des jeux narratifs expérimentaux, le jeu se définissant lui-même comme "A mutant soap opera where small-town gossip meets the supernatural..." Ce qui ne me dérange absolument pas, mais que nos plus vieux et plus aigris lecteurs n'hésiteraient pas à qualifier de "jeu de bobo hippie, où qu'il est mon gameplay".
L'histoire de Mutazione démarre assez simplement : il y a 100 ans, une météorite a frappé une île tropicale touristique. Les gens qui ont survécu se sont mis à muter, à tel point que le reste de l'Humanité s'est mis à flipper un peu et à laisser les mutants se démerder tout seul sur place. Ils ont donc fondé leur propre communauté, Mutazione. On incarne Kai, une jeune fille humaine de 15 ans, qui apprend que son grand-père Nonno est mourant et souhaite le revoir. Sauf qu'il habite à Mutazione, et on va donc devoir se rendre sur place... pour découvrir qu'il a d'autres plans pour nous : interagir avec les habitants, découvrir leurs petits secrets inavoués et comprendre d'où vient l'étrange bestiole qui hante nos rêves. Fidèle à ses principes, Hannah Nicklin a accordé beaucoup d'importance aux personnages secondaires pour tisser la toile narrative du jeu. Ils ont d'ailleurs tous leurs petites routines et avec le cycle jour/nuit on devra parfois faire un tour en attendant qu'ils aient fini de vivre leurs vies et puissent nous consacrer un peu de temps.
On retrouve donc dans Mutazione à peu près tous les ingrédients du jeu narratif en 2D, "à la Oxenfree" ou "à la Night in the Woods" pourrait-on dire en utilisant un raccourci grossier. Des personnages hauts en couleurs, des dialogues ciselés (des traductions sont prévues pour à peu près toutes les langues, français inclus), des choix qui n'ont d'autres incidences que de déterminer notre caractère et nos relations avec ces personnages (ce qui EST du gameplay, cassez-vous avec votre purisme à deux balles). Des décors, aussi, qui sont vraiment somptueux. Une musique, qu'on avait forcément du mal à entendre sur le stand mais dont on a un rapide aperçu dans les trailers. Des animations, enfin, qu'on a trouvé irrésistibles en particulier chez les mutants. Je n'ai pas creusé les crédits pour vérifier, mais je ne serais pas surpris que les animateurs ou animatrices aient bossé pour le ciné ou la télé.
Le dernier point à évoquer, et qui achève de me rendre le jeu particulièrement charmant, c'est la façon d'interagir avec les personnages : un puzzle-game où on plante des graines dans un jardin pour créer de la musique. Kai dispose en effet du pouvoir de faire pousser les plantes en jouant de la musique, pour que ces plantes jouent à leur tour une composition. En discutant avec les personnages, on va comprendre quelles sont leurs attentes, leurs états d'esprit, ce qui pourrait leur faire du bien. On va ensuite récolter des graines, dont chacune a des caractéristiques bien précises (où la planter, comment la faire pousser, quel son elle produit...), puis les planter dans le jardin du personnage en tentant de respecter ces caractéristiques, les faire pousser avec le bon morceau, pour obtenir une petite symphonie répondant aux besoins émotionnels du personnage.
C'est reposant, apaisant, bienveillant et c'est clairement le genre de jeu qui me botte, en particulier en ce moment. Sachez d'ailleurs qu'il y aura un "garden mode", c'est-à-dire un mode créatif dans lequel toutes les graines et tous les terrains seront débloqués d'office, pour se contenter de jardiner une symphonie en toute décontraction.
Mutazione sera dispo sur PC et PS4 très prochainement. Prem's sur le test.