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Métro, boulot, crédo : on a bingeplayé Assassin's Creed.
par Nicaulas,
email @nicaulasfactor
Quelque part en France, aux alentours de janvier 2016. « J’ai toujours AC Syndicate sur PC pour une review » écrivit Joule pour la huitième fois en quinze jours dans le canal rédac de la tribune. « Je peux pas j’ai un mot du médecin » répondit à nouveau Niko, spécialiste maison de la licence, toujours en convalescence après son overdose au milieu de Black Flag. « J’ai juste joué au premier il y a longtemps » hasardèrent quelques rédacteurs, les autres gardant le silence pour éviter de jouer à une licence qu’ils avaient soigneusement évité jusqu’alors. « T’as fini le premier sans déplaisir et tu t’es arrêté au milieu du II sans raison, t’as pas envie de t’y remettre un peu ? » avança une petite voix dans ma tête. J’aurais pu me contenter d’un « ta gueule, retourne jouer à Binding of Isaac », mais je me suis répondu « OK, je finis le II pour me remettre dans le bain et je tope la review de Syndicate ». Grave erreur : ça s’est transformé en un binge play des opus principaux (c’est-à-dire ceux sortis sur PC).
Rassurez-vous, nous n’allons pas vous narrer par le menu cette expérience assez étrange, ce mélange de moments de grâce et de passages d’une lourdeur infinie. Mais plutôt dresser le bilan d’une série qui, pendant 8 ans, a rythmé l’actualité du jeu vidéo et dont le prochain épisode, qui sortira 10 ans après le premier, va tenter de relancer la machine après des ventes décevantes et un hiatus d’un an. Et comme une mauvaise dissertation, on va faire ça en trois parties : un résumé de l'histoire pour ceux qui n'ont pas eu le courage de suivre toute la série (c'est-à-dire à peu près tout le monde), un top putaclic qui laisse de côté les défauts de la licence pour vous donner au moins une bonne raison d'essayer chaque épisode, et enfin un détour par la musique parce que c'est peut-être le plus bel héritage que lègueront les jeux au jeu vidéo.
Le Templier, il voit un mec, il l'égorge. L'Assassin, il voit un mec, il l'égorge, mais c'est un Assassin.
S’il y a bien une chose qu’on peut tacler sereinement dans les Assassin’s Creed sans risquer le carton jaune, c’est l’histoire. Chaque épisode est construit autour de la même trame : dans le présent, les Assassins et les Templiers veulent mettre la main sur un artefact magique dissimulé depuis des siècles. Pour le trouver, ils utilisent la mémoire génétique d’un descendant de l’Assassin qui a caché l’artefact. A la fin ils trouvent l’objet mais ça ne sert pas à grand-chose, parce qu’il faut bien recommencer tout le bousin dans l’épisode suivant. Si le premier épisode avait vocation à questionner le joueur sur les notions de Bien et de Mal (on obéit aux ordres en tuant des méchants tout au long du jeu, pour finir par découvrir que notre patron est encore plus méchant que les méchants), par la suite ces considérations se sont effacées pour laisser la place à du manichéisme bas du front et illogique. Comprenez par-là que les Assassins volent, extorquent, menacent et tuent sans vergogne mais c’est pour le bien commun donc ça va, tandis que les Templiers volent, extorquent, menacent et tuent sans vergogne pour le bien commun, mais comme ils ont les sourcils froncés, l’œil vitreux et des moustaches c’est absolument intolérable.
A gauche, un chef de gang qui commet tous les crimes et délits imaginables pour régner sur Londres et trouver un artefact surpuissant. A droite, la même chose, mais c'est le héros donc ça va.
Si on essaie de remettre tous les éléments de scénario dans l’ordre (uniquement ceux issus des jeux, il y a tout un univers étendu composé de jeux mobiles, de bouquins, de BD, etc. qu’on n’a pas eu le courage de se fader), l’histoire des AC est une succession de documentaires entrecoupés de morceaux de nanars allemands diffusés l’après-midi sur M6. Grosso modo, il s’agit d’une histoire de civilisation de Grands Anciens qui nous a précédé, détruite par une éruption solaire et dont il reste des artefacts de haute technologie un peu partout. Dans les premiers jeux, Desmond Miles explore les mémoires de ses ancêtres (Altaïr, Ezio, Connor), trouve plusieurs artefacts et suite à un twist ébouriffant (2012 = fin du monde) finit par libérer l’esprit de Junon, une Ancienne qui est en fait méchante et manipulait tout le monde depuis le début pour retrouver sa liberté en étant projetée dans Internet. Pour les jeux suivants, Ubisoft a basculé sur un délire méta où Abstergo (l’entreprise qui sert de couverture aux Templiers) développe Helix, un Animus grand public avec lequel ils créent des jeux vidéo basés sur les mémoires génétiques, WINK WINK. On incarne alors un mec lambda qui est plongé dans
Toutes les cinématiques dans le présent d'Assassin's Creed Syndicate condensées en une seule vidéo. Des résumés des épisodes précédents, des punchlines douteuses, du cabotinage, un grand méchant caché dans l'Internet du futur et des clones dans des cuves. La Trilogie du samedi, on vous dit.
Ainsi, malgré quelques bonnes surprises de temps à autres (les niveaux du combat de boxe ou du building dans AC III, par exemple), les phases à notre époque sont souvent poussives et oubliables. Heureusement, au fil du temps, la place de la trame dans le présent s'est réduite. Comme vous venez de le voir, elle a fini par être réduite à une poignée de cinématiques dans Syndicate et c'était déjà le cas dans Unity. La raison en est simple : chaque épisode se rapproche de notre époque, et se déroule donc à des périodes de mieux en mieux documentée. Il y a donc de moins en moins d'espace pour imaginer une Histoire alternative à base de sociétés secrètes déclenchant les grands évènements de l'Humanité. Il est donc parfaitement possible de jouer en se concentrant uniquement sur la trame "one shot" de chaque épisode. Des arcs narratifs tous similaires (un jeune Assassin doit conquérir une ville pour y diminuer la puissance des Templiers et récupérer le McGuffin, et finit par devenir le grand Maître de son ordre), mais qui ont pour elles leurs cadres historiques respectifs. Peu importent les errements narratifs de la licence, ses jeux permettent de vivre une version fantasmée de grands lieux à leurs grandes époques. C'est déjà énorme, d'autant plus que chaque épisode est richement documenté, offrant une encyclopédie détaillant les lieux et personnes du vrai monde réel de la réalité véritable croisés dans le jeu. Pour susciter des vocations d'archéologues ou d'historiens, ça vaut bien Indiana Jones (ou Sydney Fox).