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Interviews Kifékoi [Les Progs] : Alexandre, Gameplay Programmer chez Limbic Entertainment
par TheCubicCat,
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Plongez dans les coulisses du jeu vidéo avec notre série d'interviews de professionnels du milieu intitulée "Kifékoi?", révélant différents parcours, les compétences et les défis qui façonnent les différents métiers de cette industrie.
Aujourd'hui, notre invité d'honneur s'appelle Alexandre et est programmeur gameplay chez Limbic Entertainment. Il revient sur son parcours, ses inspirations et les défis qu'il rencontre au quotidien.
Aujourd'hui, notre invité d'honneur s'appelle Alexandre et est programmeur gameplay chez Limbic Entertainment. Il revient sur son parcours, ses inspirations et les défis qu'il rencontre au quotidien.
Tout d’abord, peux-tu te présenter en quelques lignes, de la manière que tu le souhaites ?
Je m'appelle Alexandre, j'ai 32 ans, je vis en Allemagne et je pratique l'ultimate frisbee et le roundnet. Mon premier emploi dans le jeu vidéo remonte à 2015.Peux-tu nous raconter le parcours qui t'a mené jusqu'à aujourd'hui ?
Après un parcours scolaire ennuyant et peu d'efforts fournis, j'ai réussi après une année en sport études Tennis à obtenir mon bac S avec 10,07 de moyenne du premier coup, en faisant le strict minimum,suite à quoi je me suis orienté vers l'école Créajeux à Nîmes où j'ai obtenu mon diplôme de Programmeur Jeux vidéo.
Quel métier fais-tu et comment le décrirais-tu à quelqu'un qui ne travaille pas dans le milieu ?
Je suis programmeur, j'écris des lignes de code qui sont interprétées et exécutées par un ordinateur qui va nous afficher le résultat (définition la plus basique possible). Je suis plutôt spécialisé en gameplay, ce qui veut dire que je suis amené à travailler sur les mécaniques/features qui seront directement dans le jeu et définissent donc comment il est joué, ses règles et les interactions que le joueur aura avec.Par exemple, pour faire tirer par un personnage des balles avec une arme, je vais définir sur quel bouton le joueur devra appuyer pour tirer, où le projectile va apparaître, quel trajectoire il aura puis des artistes vont me fournir les ressources graphique nécessaires pour que je puisse les assembler et faire en sorte que le tout soit cohérent dans le jeu.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler dans le milieu du jeu vidéo et de faire ce métier, précisément ?
"Qu'est ce que je fais de ma vie ?" La grande question que je me suis posée après mon bac, jouant beaucoup aux jeux vidéos depuis longtemps, la réponse fut "je veux travailler dans l'informatique" puis la découverte d'écoles spécialisées dans le jeu vidéo m'a orienté vers cette voie, puisqu'à ce moment là, il était très difficile de faire carrière ou construire sa vie sur juste "jouer" à des jeux vidéo. C'est toujours difficile mais plus accessible aujourd'hui, je pense. J'avais entamé une année de classes préparatoires aux concours de grandes écoles après mon bac mais ma fainéantise légendaire n'a pas suivi le rythme (étonnamment) et j'ai donc rejoint en milieu d'année un DUT informatique, dont je n'ai pas non plus achevé l'année car j'ai découvert l'école Créajeux. Du coup, je me suis "préparé" pour son concours d'entrée. Ne sachant pas exactement ce que je voulais faire dans le jeux vidéo, je me suis entraîné à dessiner pendant plusieurs semaines et j'ai passé les deux concours d'entrée de l'école (programmation et graphisme). Finalement, il se trouve que j'étais meilleur en maths qu'en dessin et j'ai donc intégré la filière programmation.Dans quel(s) studio(s) et sur quel(s) projet(s) as-tu travaillé ?
J'ai commencé à travailler dans le studio Cyanide à Paris, principalement sur le projet Styx : Shards of Darkness puis un peu sur Bloodbowl 2.J'ai travaillé pendant plusieurs années sur des projets persos de jeux qui n'ont pas (encore?) abouti. En parallèle, j’ai lancé un podcast sur le développement de jeux vidéo en interviewant différents professionnels pour découvrir des manières de travailler et des projets de divers horizons : Du côté de chez Dev (disponible sur YouTube ou Spotify). Je travaille actuellement à Limbic sur le projet Park Beyond.
Est-ce qu'il y en a un que tu as préféré ?
Le projet sur lequel j'ai préféré travailler fut Styx. Je me souviens encore un an plus tôt avoir joué au premier jeu du même nom et m'imaginer bosser sur un titre de ce genre pour finalement me retrouver sur la suite.Ce fut une expérience très enrichissante et pleine de nouveautés, avec beaucoup de nouvelles connaissances et compétences apprises grâce à la supervision d'un lead très compétent ainsi que le plaisir de travailler sur un projet enthousiasmant en termes de gameplay et de direction artistique. Mais c'est surtout l'environnement qui a joué, au sein d'une équipe très ouverte, motivée et chaleureuse qui donne envie de construire quelque chose d'intéressant.
Quel serait le projet ou le studio de tes rêves ?
Pour l'instant le projet de mes rêves serait toujours un de mes projets perso que je n'ai pas fini et pour le studio la seule réponse à laquelle je pense serait "mon studio".As-tu travaillé pour un studio à l’étranger ? Est-ce que tu es parti vivre dans un autre pays pour travailler dans un studio ? Quels sont les différences, les avantages et les inconvénients de travailler dans un autre pays que la France, dans le domaine du jeu vidéo ?
Oui, je travaille actuellement à Limbic en Allemagne mais ce n'est pas la raison pour laquelle j'ai déménagé là-bas. Je n'ai pas connu beaucoup de studios différents mais, étant dans un studio comprenant plus de 20 nationalités différentes, on ressent beaucoup plus d'ouverture d'esprit, de différences d'idées et d'expériences qui favorisent la créativité. Cette diversité est plus compliquée en France je pense, à cause de notre rapport aux langues étrangères où l'on est très en retard à ce niveau alors que 99% des métiers relatifs au jeu vidéo utilisent l'anglais.Quels sont les outils (matériel, logiciels) dont tu as besoin pour travailler ?
J'utilise principalement un moteur de jeu (un logiciel qui regroupe des outils basiques pour créer des jeux plus facilement) qui s'appelle Unreal Engine, des logiciels tels que Perforce/Jira et d'autres qui nous permettent de travailler en équipe, ce qui est un élément essentiel dans notre métier.Comment est-ce que tu t'insères dans le processus de création d'un jeu vidéo ? A quel(s) moment(s) de la production ?
Je suis partout ! En tant que programmeur et surtout programmeur gameplay, on intervient à tous les niveaux du développement d'un projet, ce qui commence par tester et mettre en forme des idées dans la phase de pré-production afin d'identifier les mécaniques qui intéressantes ou non. Puis vient la phase de production, où les différentes fonctionnalités du jeu sont définies et où l'on doit les intégrer dans le jeu puis les peaufiner au maximum. Enfin arrive la fin d'un projet, où l'on doit corriger tous les problèmes qu'il peut y avoir dans le jeu (corriger des bugs), qui sont le résultat d'un problème de logique dans le design ou d'une erreur de programmation.Travailles-tu de manière rapprochée avec d'autres corps de métier ?
Je suis amené à interagir avec tous les corps de métier selon la partie du jeu sur laquelle je travaille, avec un Game Designer qui imagine les mécaniques du jeu et explique sa vision que je dois alors transmettre le plus fidèlement possible, avec des graphistes qui modélisent les personnages ou environnements que je dois intégrer au jeu ou encore avec des Sound Designers pour synchroniser les sons et les musiques du jeu.À quoi ressemble une journée de travail pour toi ?
Café d'abord... Mince, c'est cliché comme réponse. Tout d'abord mettre à jour le projet afin de récupérer le travail des collègues qui a été fait la veille, rester toujours à jour sur ledit projet, consulter quelles tâches sont à effectuer sur la journée, soit pour implémenter de nouvelles mécaniques, soit pour corriger des bugs et tout ça en synchronisant les différentes idées et tâches des autres membres des différentes équipes afin d'être certain sur la manière de procéder. Enfin, je dois vérifier que mon travail est propre et sécurisé puis je le partage avec les autres collègues.Qu'est-ce que tu aimes le plus à propos de ton boulot ?
La logique dans la programmation, développer des sytèmes qui vont communiquer et fonctionner les uns avec les autres, faire que toute cette architecture tienne debout et que ça soit logique.Est-ce que tu joues aux jeux sur lesquels tu as travaillé ?
Absolument pas. Même pour Styx que j’ai adoré développer, je me suis toujours dit que j’attendrais quelques années pour le faire avec un ami et, même après quelques années, je pense que je le connais toujours par coeur à force d’avoir passé mes journées à le développer et à le tester. Donc, ce n'est pas le plus intéressant.Quels sont tes jeux préférés ? Qu'est-ce qui t'intéresse ou te plaît le plus dans les jeux vidéo en tant que joueur ?
World of Warcraft, Kingdom Hearts et Outer Wilds. À l’image des jeux que j’ai cités, ce que je recherche dans un jeu vidéo, c’est principalement du gameplay intéressant, une bonne narration (très liée au gameplay, je ne supporte pas les jeux “films”) ainsi que les énigmes dans les puzzle games.As-tu une recommandation culturelle du moment (jeu vidéo, film, musique...) ?
Outer Wilds (dont le DLC) ! Ce n’est pas forcément très actuel, quoi que vu le nombre de YouTubers qui essaient de surfer sur cette vague en ce moment, ça l’est un peu... mais ce jeu est vraiment extraordinaire ! Il ne plaît pas forcément à tout le monde mais c’est l’un des meilleurs, sinon le meilleur dans son genre. C’est dur d’en parler sans le divulgâcher mais un jeu que tu dois comprendre et une histoire que tu dois “vivre” pour pouvoir le finir sans qu'il ne te tienne par la main une seule fois, c’est incroyable.À quoi ressemble, selon toi, le jeu vidéo du futur du jeu vidéo ?
À un océan de déchets. C'est un peu violent, j'avoue ! Mais depuis pas mal d'années le jeu vidéo est devenu une industrie, ce qui est bizarre quand on parle d'un milieu aussi créatif. On cherche à faire "ce qui va marcher", pas à suivre une vision créative propre, logique et intéressante. Les discussions dans les studios sont de plus en plus orientées "étude de marché", "public cible", etc. C'est toujours le même paradoxe entre "il faut faire de l'argent" mais "être libre de ce que l'on fait".De plus en plus de jeux sont des copies d'autres jeux, sans originalité, juste parce que ça a marché ou même des jeux "brouillons" qui sont des essais de développeurs, des tests qui sont proposés au même titre que d'autres jeux. Les plateformes comme Steam se retrouvent noyées sous un nombre ahurissant de "jeux" ajoutés. Avec l'évolution de l'IA, la situation sur la masse proposée ne fera qu'augmenter, du fait de la facilité à "développer" un jeu. Mais tout ça peut aussi conduire à faire émerger de nouvelles façon de jouer et proposer de nouvelles expériences.